Pas de solution miracle, mais des pistes

| jeu, 21. mai. 2015
La task force en matière d’aménagement a présenté ses résultats, lundi soir, devant le Conseil général de Bulle. Elle ne donne aucune solution toute prête, mais un diagnostic sans concession. Des pistes de réflexion sont lancées, dont un impérieux besoin de mieux communiquer.

Par Jean Godel
A force d’entendre, depuis la mise en place de la task force sur l’aménagement de Bulle, en janvier dernier, que le Conseil communal n’en dira rien avant la divulgation des résultats, lundi soir au Conseil général, on s’attendait à des conclusions fracassantes. Il n’en a rien été. L’objectif de la task force, a rappelé en préambule le syndic Yves Menoud, était de «définir ensemble une vision». Il s’agissait aussi de désamorcer les vives tensions entre autorités, conseillers généraux et citoyens. L’objectif semble tenu. Pour l’instant.

Rien, donc, sur le dossier de la zone Bultech qui avait mis le feu aux poudres. Pour autant, ce qui a été dit lundi vaut son pesant de gabions, si toutes les propositions faites sont mises en œuvre. La task force est dissoute, mais pas la collaboration mise en place, a assuré le syndic. Le rapport final sera rendu le 5 juin. Ce n’est qu’après que la commune se déterminera sur les suites à y donner. D’ici là, re-silence radio! Mais le diagnostic est posé. Et, parfois, il est cinglant.

Echecs et convergences
Divers ateliers ont permis de mettre en lumière les perceptions et les attentes de chacun. Parmi les dysfonctionnements relevés figurent, au chapitre des constructions, des échecs (quartier du Carry, quartiers de villas…), une mauvaise qualité de certaines constructions, un manque de cohérence et d’esthétique entre quartiers ou encore une architecture monoculturelle (le cube au toit plat).

Cela dit, des convergences existent. «Et même plus que les divergences», a souligné Thierry Chanard, directeur associé du bureau d’urbanisme GEA à Lausanne, qui a animé la task force. Par exemple, les espaces publics (souvent confondus avec espaces verts): un consensus se fait jour pour en créer de nouveaux et rendre conviviaux ceux existants.

Le domaine de l’urbanisation est plus conflictuel. Un accord règne sur la revalorisation du centre historique, l’amélioration de la qualité esthétique des constructions et la maîtrise de l’urbanisation. En revanche, on se dispute sur les limites à fixer à celle-ci: en rester aux dimensions actuelles ou se réserver une marge de manœuvre?

Pistes de réflexion
Des pistes concrètes pour la suite ont tout de même été évoquées. Comme l’élaboration d’un plan d’action et de gestion opérationnelle. Une sorte de kit de bord, de guide de conduite du développement interne à la commune. Il pourrait être complété par un guide de réalisation architecturale. Thierry Chanard recommande aussi une charte des espaces publics qui, sur la base d’exemples, délimiterait le bon du mauvais. Ou un organigramme qui réserverait sa place à tous les partenaires, reliés par des flèches – dans les deux sens, les flèches…

Mais, surtout, il faut instaurer une vraie culture de la communication. Permanente, avec un lieu de rendez-vous entre autorités et population («pourquoi pas le château?» lance Thierry Chanard), un site internet et tous les canaux d’information instantanée.

Pour expliquer les projets, une communication temporaire doit être menée via des séances publiques d’information, des aménagements éphémères pour prendre la température sur place. Ou encore la maquette 3D en temps réel, qui permet au riverain de se localiser depuis le point de vue de son choix afin d’examiner l’impact du projet.

Président de la commission d’aménagement (CA), Martin Rauber salue la démarche, notamment les ateliers propres à chaque commission participante: «Ils ont permis de tout mettre à plat, sans contrainte, de lâcher les chevaux… Et, en même temps, on a pris de la hauteur, c’est positif.» La CA attend les conclusions que tirera le Conseil communal de l’exercice. Notamment sur la mise en place des outils proposés de gestion opérationnelle.

Alors, peut-être n’entendra-t-on plus à Bulle, comme cela a encore été le cas lundi soir, un conseiller communal remettre sèchement à sa place le Législatif en lui rappelant qu’en telle ou telle matière, il n’a aucune prérogative…

 

«Des valeurs à réapprendre»
Thierry Chanard, directeur associé du bureau d’urbanisme GEA à Lausanne, a animé les débats de la task force.

A quoi la task force a-t-elle servi?
A engager une médiation, dans un contexte politique tendu, entre différentes commissions aux intérêts pas forcément convergents. On a nivelé les aspérités entre différentes perceptions. Pour certaines, elles étaient surtout liées à l’émotionnel.

On attendait des solutions…
Ce n’était pas le but. Il s’agissait de mettre en perspective des actions pour accompagner le développement de Bulle. J’ai été surpris de voir à quel point les informations passent difficilement. Même le PAL n’était pas bien communiqué à l’interne, ce qui est relativement inquiétant. Comme chaque territoire a ses spécificités, on ne peut pas délivrer de solutions toutes faites, mais des pistes d’action à coordonner dans un territoire afin qu’il puisse s’animer dans le sens souhaité.

Est-ce que l’essentiel n’a pas consisté à apprendre aux acteurs à se parler?
Bien sûr! On a un rôle de reconstruction de la relation. La communication est un sujet qui n’a jamais été bien traité en matière d’aménagement. Les lois disent qu’il faut informer la population, c’est tout. Puis on s’est accommodé de recettes: on a fait du zoning, des zones monofonctionnelles, parfois des ghettos architecturaux. Aujourd’hui, on se rend compte qu’il faut construire autrement, dans la mixité et la diversité. Et donc adapter la communication.

C’est de la formation continue…
Mais on passe notre temps à en faire! C’est normal, parce que les acteurs du développement territorial ne sont pas des professionnels. Or cette branche est très complexe.

Quelle situation avez-vous trouvée?
Je savais que Bulle croissait à toute vitesse, mais le voir concrètement m’a impressionné. Je n’étais pas inquiet, mais je me suis dit: «Il y a du boulot!» Surtout que certains acteurs étaient assez réticents à suivre spontanément la démarche que nous proposions.

Et aujourd’hui?
Je suis rassuré, sans être naïf. On a été soucieux d’aboutir, on a joué le jeu. Certains messages lapidaires fusent encore parfois, mais ça va se calmer quand on se mettra au travail.

Le travail ne fait que commencer?
Oui. Dans l’immédiat, j’ai évoqué deux actions possibles. Le plan de gestion opérationnel – une évidence! – et la mise en place d’un lieu permanent de communication, où l’on joue la transparence. Pour cela, il faut des professionnels de la communication.

Un troisième axe que j’affectionne est celui des espaces publics. Il y a un vrai travail à faire sur leur mise en valeur. Je pense notamment aux travaux du Belge Luc Schuiten et sa vision poétique de l’évolution de la ville, entre la rue d’avant, où les passants se parlaient d’un bord à l’autre, la route qu’elle est devenue, et la vision futuriste d’une ville biologique, naturaliste. Quelque chose de plus idéal qui redonne un sens à la rue. Passer du code de la route au code de la rue, en somme. Ce sont des valeurs à réapprendre.

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