L’élevage de taureaux depuis des générations à Vaulruz

mar, 25. sep. 2018

PAR ANN-CHRISTIN NÖCHEL

La ferme, à la sortie de Vaulruz, compte 45 hectares de terrain à proximité. La famille Dumas y est installée depuis 1950 et c’est Claude Dumas qui en a repris les rênes en 1987. Son cheptel de 90 vaches, sans compter les génisses à venir, est entouré par de vigoureux taurillons. Ils sont agrémentés du suffixe «Les Ponts», en référence à l’emplacement de la ferme. Affilié à l’association Holstein Switzerland, l’agriculteur travaille désormais avec son fils Dylan, 22 ans. Son deuxième fils, Olivier, suit actuellement un apprentissage en agriculture, et souhaite suivre les traces de son frère. Un ouvrier vient aussi les aider, le travail ne manquant pas, entre le maïs, les céréales, les vaches et les taureaux.

Histoire de famille

Cette année, l’éleveur va amener cinq jeunes taureaux au Marché-concours de Bulle, qui se tient aujourd’hui à Espace Gruyère. Au total, huit taureaux issus de son élevage sont inscrits. Il mise beaucoup sur Elevation, le demi-frère d’Elvis. «Ils se ressemblent au niveau de la morphologie», raconte Claude Dumas en montrant la ligne de dos et les pattes de l’animal. Docile, le taurillon se plie à l’exercice de la photo, puis à celui du déplacement en licol, mené sereinement par Dylan. Pourtant, à onze mois, il pèse déjà 350 kilos… Il atteindra la tonne une fois adulte. Son demi-frère, le champion Elvis, a été vendu l’année passée et grandit désormais à Echallens. Il sera présent au Marchéconcours avec son nouveau propriétaire. «Je ne l’ai pas revu depuis qu’il est parti, je pense qu’il a dû prendre beaucoup de masse», avoue l’agriculteur. Les séparations sont habituelles. Souvent l’éleveur garde le jeune taureau jusqu’à ses douze mois avant de le vendre.

Apprendre la patience

Les cinq taurillons, qui ont entre dix et quinze mois, sont attachés côte à côte dans l’étable jouxtant celle des vaches, à l’abri de la chaleur. «On les rentre à peu près un mois avant, pour qu’ils soient au calme et qu’ils s’habituent au licol», explique Claude Dumas. «On les lave une fois par jour, on commence déjà deux semaines avant», enchaîne Dylan. D’ailleurs, ils brillent comme des sous neufs. «Mais ils sont au pâturage le reste de l’année, par petits groupes de jeunes. Les acheteurs ont besoin que le taureau soit déjà habitué à vivre dehors.» Les préparatifs, selon les deux experts, ressemblent beaucoup à ceux des vaches ou des génisses avant un concours: du calme, des shampooings, des promenades en licol et du fourrage sec. Les jeunes mâles sont chouchoutés. Ce qui est justifié, sachant qu’ils font partie des animaux à la génétique la plus irréprochable de Suisse.

Les filles testées

Depuis 2007 la génomique a fait son entrée dans le pays. Elle permet d’estimer le potentiel génétique d’un animal grâce à l’analyse statistique de sa descendance: en bref, savoir ce que le taureau va transmettre à ses enfants et surtout, à ses filles. Ce sont elles qui sont le plus souvent testées. Par un prélèvement de quelques poils, les éleveurs peuvent ainsi savoir la quantité de lait qui sera produite par les demoiselles issues de la semence d’un tel taureau. Cela intéresse de plus en plus l’acheteur, qui va privilégier un mâle dont les filles ont de très bons résultats.

Claude Dumas est passé à cette technologie de pointe et avoue: «C’est impressionnant de voir un veau de dix jours et de savoir la quantité de lait qu’il va produire.» Il nuance tout de même. Selon lui, tous les acheteurs ne cherchent pas forcément à faire ces tests. Ils ne sont que quelques-uns à avoir entrepris la démarche auprès de lui. Les résultats sont considérés comme fiables, mais pas parfaits. La morphologie du taureau reste primordiale, tout comme le sérieux de son élevage: le suffixe «Les Ponts» a ses adeptes, que Claude Dumas a su fidéliser. «Il est important de faire attention à ce qui se fait à l’étranger en génétique», ajoute-t-il. La Suisse s’inspire d’ailleurs des techniques qui viennent du Canada et des Etats-Unis, les deux pays les plus avancés dans le domaine. Ce qui s’explique notamment par la taille des troupeaux. Le Vaulruzien vend également quelques taureaux à Swissgenetics, au plus grand centre d’insémination du pays, afin de garder un œil rivé sur l’évolution des génomes.

De 1987 à aujourd’hui

Plusieurs cloches alignées par taille décorent le salon de la ferme. Les deux plus grosses, raconte Claude Dumas, ont été gagnées l’année passée au Marché-concours. L’éleveur se souvient de l’évolution de l’événement, après les 31 éditions auxquelles il a fidèlement participé. «Avant, c’était un lieu de rendez-vous. Aujourd’hui, c’est plus l’aspect commercial qui est mis en avant», raconte-t-il. Selon lui, près de 80% des éleveurs se rendent à présent au Marché-concours dans le but de vendre leur taureau.

Les prix de ce petit marché de niche ne permettent pourtant pas d’en vivre: la plupart des éleveurs sont aussi agriculteurs. Avec son troupeau de vaches, Claude Dumas tire son revenu principal du lait et mise sur quelques expositions auxquelles il se rend régulièrement afin de faciliter la vente. L’évolution du prix du lait ne rassure guère les agriculteurs depuis plusieurs années. «Il y a trente ans, quand on vendait le lait à 1 fr. 07 le litre, on ne se rendait pas compte à quel point on vivait bien.» Le lait se vend maintenant moitié moins cher, forçant plusieurs exploitants à cesser leur activité. «Les taureaux nous aident un peu à sortir la tête de l’eau», avoue le Vaulruzien.

Il garde néanmoins le sourire et, surtout, du plaisir à amener ses jeunes taureaux au Marché-concours. Son fils et lui se souviennent d’une édition particulièrement mouvementée: «Il s’appelait Manhattan, c’était il y a quelques années. Dès qu’il est arrivé à Bulle, il s’est déchaîné. Je n’ai même pas osé le vendre à la saillie!» Heureusement, ces écarts de comportement sont rares. Le calme des deux hommes et leur professionnalisme influencent assurément le caractère des animaux. ■

Bulle, Espace Gruyère, mardi 25 septembre, dès 10 h

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