Un homme parmi les autres avant d’être un prêtre

mar, 25. sep. 2018

PAR XAVIER SCHALLER

«L’ami de tous», «un éveilleur d’espérance», «un prêtre qui a su faire mieux découvrir le vrai visage de Dieu». Dans La Gruyère, trois tribunes libres ont été adressées à l’abbé Bernard Miserez pour le remercier de ses quatre années passées à Bulle. La Louise du perchoir a parlé d’une «lumineuse parenthèse» offerte par ce «pasteur pénétré de l’odeur de ses brebis». Rencontre à Delémont où Bernard Miserez va commencer sa retraite, au sens professionnel et spirituel du terme.

Dans le parc du château de Delémont, qui borde la cure, Bernard Miserez affiche sa douceur habituelle. Cette attitude simple qui a séduit bien des Gruériens. «C’est toujours difficile de parler des qualités que les gens vous ont trouvées. Une voix originale peut-être, une façon d’être comme l’a écrit la Louise du perchoir, une proximité.»

Il se dit néanmoins surpris de l’impact qu’a pu avoir son ministère, étonné de voir les gens tellement touchés. «Cela ne m’appartient pas. On se sent bien petit devant la qualité toute simple de la parole de Dieu. Cela montre surtout combien les gens sont affamés et en chemin, combien ils désirent grandir.»

Un homme et un frère 

L’abbé jurassien a accompagné durant plus de dix ans les croyants de l’Union pastorale Notre-Dame de Compassion (UP). D’abord en donnant des coups de main, puis comme curé modérateur durant quatre années. «J’ai beaucoup reçu, je suis donc un peu malheureux de partir. Mais je ne suis pas trop lié aux lieux. C’est pourquoi je n’ai pas voulu de messe d’adieux ou d’au revoir. Nous demeurons dans la communion.»

A 65 ans, il préfère son rôle de prêtre aujourd’hui, avec plus de simplicité et moins de privilèges qu’à ses débuts. «Je lutte contre le cléricalisme. Etre prêtre n’est pas ce qui est premier. Je suis d’abord un homme et un frère.»

Vivre l’amour autrement

Jeune, Bernard Miserez pensait devenir médecin. «Mais j’ai rencontré une fille et j’ai fait infirmier assistant pour la suivre.» A l’hôpital de Delémont, il intègre le service de chirurgie. «Là, j’ai beaucoup vu les questions des gens devant la mort. Pour en discuter, je rencontrais régulièrement le chanoine Fernand Bouillat, au collège Saint-Charles à Porrentruy. C’est lui qui m’a demandé si j’avais pensé à être prêtre.»

Après une histoire d’amour, comment vit-on le célibat? «Un célibataire n’est pas quelqu’un qui n’aime pas, mais l’amour se vit autrement.» Avec parfois des doutes et des crises, certaines liées à l’âge. «Au mien, on a envie de ressentir de la tendresse. Pour qu’on vous touche, il faut aller chez la coiffeuse. Mais ce n’est pas de l’ordre des regrets si l’on arrive à donner du sens à ça.» Le célibat, Bernard Miserez le décrit comme un risque qu’il a pris et qui ne l’a pas déçu. «Dans cette histoire, Dieu s’est engagé bien mieux que moi.»

Ordonné en 1981, il est nommé à Delémont, à Porrentruy, puis à Saignelégier. Il demande ensuite à rejoindre la paroisse de Belfort. «J’étais en leasing. J’y suis resté deux ans.» Appelé par les évêques romands à diriger l’Institut de formation aux ministères, il s’installe à Avry-devant-Pont. Il donne alors des coups de main pour des messes ou des enterrements dans l’UP Notre-Dame de compassion. Avant d’y officier quatre ans comme curé modérateur. Nommé par l’évêque, le curé modérateur est responsable de l’équipe pastorale. Selon le droit canon, il est aussi curé de chacune des paroisses qui composent l’UP.

Un rôle d’homme-orchestre pas forcément souhaitable, aux yeux de Bernard Miserez. «Dans le Jura, les laïcs ont davantage de place. Ils peuvent prêcher et des diacres modérateurs sont nommés.» Cette manière de fonctionner permet d’alléger le cahier des charges des prêtres. «Avec un diacre modérateur, le prêtre est à sa place. Le Jura francophone a ainsi assez de curés pour la manière dont il est organisé.» Une évolution qu’il ne voit pas se dessiner à Fribourg. «On préfère faire venir des prêtres de l’extérieur, qui assument tout.»

Personnellement, il n’a jamais ressenti la lourdeur de la fonction de curé modérateur. Même si tout n’a pas été rose pour autant. «Au niveau des conseils, paroissiaux ou de communautés, je n’ai jamais eu aucun problème et j’ai reçu un vrai soutien.» Il y a aussi eu des fronts et des adversaires. «Il s’agissait d’assurer l’unité de l’UP, même si des gens ne comprennent pas et veulent accaparer le pouvoir. Cela fait partie du job.»

Il cite par exemple «l’immobilisme» du chœur paroissial de Bulle quant à son rôle dans la liturgie. «Une vraie souffrance. Il a été impossible de discuter avec le comité.» Ou quand il s’est prononcé en faveur de l’ouverture des jardins des Capucins: «Certains ont arrêté de me parler. Eux doivent être contents de me voir parti.»

L’avenir semble plus simple. Installé depuis trois semaines à la cure de Delémont, Bernard Miserez déménagera en décembre au Vorbourg. Un lieu de pèlerinage, perché au-dessus de la capitale jurassienne. «Le château du Vorbourg a été détruit lors du tremblement de terre de Bâle, en 1356.» La fortification est tombée en ruine, mais la chapelle a résisté.

«Venir au Vorbourg est une aubaine. Mais ce n’était pas mon idée, l’évêque me l’a proposé. Ce lieu correspond bien au charisme que je me reconnais, pour l’accompagnement et l’accueil.» Le logement, occupé jusqu’alors par trois bénédictins, est en cours de rénovation. «Je me réjouis d’être tout seul là-haut dès décembre, un peu en ermite. Dans ce lieu, il y a beaucoup à inventer.» ■

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