«La hausse d’impôts n’est pas l’unique faute des remontées»

ven, 16. nov. 2018

A deux jours du vote crucial à Val-de-Charmey, parole au directeur des remontées mécaniques, qui a annoncé sa démission. Sébastien Jacquat fait le point sur la situation et se dit prêt pour l’ouverture de la saison.

PAR CHRISTOPHE DUTOIT

Lundi soir, l’assemblée communale de Val-de-Charmey se prononcera sur une hausse d’impôts (notre édition du 10 novembre). En cas de refus des citoyens, l’aide de 600 000 francs prévue au budget ne serait pas accordée aux remontées mécaniques, provoquant du même coup le dépôt de bilan de la télécabine. En marge de ce vote, La Gruyère a sollicité un entretien avec le directeur de la société Sébastien Jacquat, qui a annoncé sa démission pour la fin de l’hiver.

Quelles sont les raisons de votre démission?
Sébastien Jacquat: Depuis cet été, j’ai averti le conseil d’administration que je voulais diminuer mon temps de travail, puis arrêter. Quand j’ai repris la direction, j’étais membre du Conseil communal, responsable du tourisme. J’avais un travail et je me suis mis à disposition. Mais il était clair pour moi que ce mandat était limité. Après deux ans, j’ai enfin pu mettre en place un organigramme pour gérer l’entreprise. Maintenant, la société n’a plus besoin d’un directeur à plein-temps, mais à 30%, comme le préconisait l’audit. A force, je suis assez d’accord avec cela. Mais, il fallait d’abord engager des gens capables, motivés et compétents aux places nécessaires. Ces derniers mois, j’ai dû changer 80% du personnel. Toute notre façon de travailler a été revue. Depuis le 1er novembre, l’organigramme est en place et c’est le top du top.

Est-ce un hasard d’annoncer votre démission avant le vote de l’assemblée communale?
Chaque année, on sait que l’assemblée doit renouveler son soutien. Cette augmentation d’impôts était prévue depuis longtemps, mais on l’attendait pour l’année prochaine. Ce qui nous aurait laissé de la marge. Maintenant, on risque d’être stoppés dans notre élan positif.
Cette situation est frustrante pour l’équipe, car on a fait un super été et on est prêts pour cet hiver. Il faudrait franchir ces six prochains mois pour montrer à la population que nous pouvons arriver à quelque chose de bien. Je ne dis pas qu’il n’y aura plus besoin de soutien communal. Mais on peut s’en tenir à des montants viables et raisonnables.

Qu’avez-vous à dire sur cette proposition de hausse d’impôts?
Je suis bien conscient que nous faisons partie du problème. Mais, aujourd’hui, on ne peut pas affirmer que la hausse d’impôts est l’unique faute des remontées mécaniques. De toute façon, il y aura une augmentation fiscale à Val-de-Charmey d’ici une année ou deux. On se focalise sur la station et je trouve que ce n’est pas tout à fait juste. Je ne peux pas en vouloir à la population. Les difficultés durent depuis quinze ans. Mais, si on pouvait nous laisser un peu de temps pour prouver ce qu’on vaut, on serait étonné en bien.

La récente saison estivale était d’ailleurs plutôt bonne…
Oui, on a fait le meilleur été depuis plus de dix ans. Le Magic Pass nous a boostés un maximum. Quand je suis arrivé, j’ai dit à tout le monde: avant d’investir, il faut stabiliser l’entreprise. Ensuite, on ira demander des sous. Sinon, on n’aura aucun crédit auprès des différentes institutions. Il faut être sain avant d’aller plus loin. On me dit tout le temps: «Il aurait fallu faire ci, investir là!» Non! Soyons humbles et prouvons que nous nous gérons avec des coûts raisonnables. Il faut présenter une situation assainie pour espérer que l’on nous prête de l’argent pour des investissements ou des renouvellements.

La canton n’a toujours pas livré sa Vision 2030. Y voyez-vous un manque de maîtrise de ce dossier?
De toute manière, on ne peut pas attendre Vision 2030. Je suis persuadé qu’on ne rentrera pas dans les critères de ce qui sera décidé. Comme je l’ai dit, il fallait d’abord assainir la société. L’Etat tente de repousser sa décision et attend que les citoyens de Val-de-Charmey décident eux-mêmes du sort des remontées mécaniques. Pour enlever une épine du pied au Conseil d’Etat. Charmey doit se débrouiller tout seul. On ne peut rien attendre des autres. ■

 

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«En place pour une supersaison»

Où en êtes-vous de l’assainissement de la société?
Sébastien Jacquat: On diminue la masse salariale de mois en mois. On colle pratiquement à 100% aux recommandations de l’audit. On va atteindre un palier, on ne pourra pas diminuer davantage. Il faudra augmenter le chiffre d’affaires. Concernant cet été, on n’avait pas les moyens d’investir, mais on a réalisé de bons résultats. Ça prouve notre potentiel. Il faut trouver les bonnes idées pour s’en sortir. Sans copier Moléson ou La Berra. Il faut être complémentaires. On serait stupides de faire des pistes VTT à Charmey pour les concurrencer. On va plutôt viser les familles. Il faut penser à une politique régionale.

Vous avez réussi un super coup avec l’engagement du couple de restaurateurs Odile et Emmanuel Poidevin…
J’avais entendu beaucoup de critiques sur la restauration, j’étais conscient de la situation, mais je ne pouvais pas m’engager auparavant avec de nouvelles personnes avec toutes ces contraintes. Durant dix-huit mois, j’ai dû jongler. J’ai expliqué la situation au couple Poidevin. Aujourd’hui, tout est en place pour que nous fassions une belle saison. Je ne suis même pas inquiet de pas avoir de neige le 1er décembre. Tout le monde est prêt.

Que pensez-vous du départ d’Intercheese, qui prévoyait de reprendre l’exploitation de Tissiniva?
En tant que directeur de la station, ça ne change rien. Cette offre supplémentaire aurait pu attirer du monde sur le domaine. De toute manière, on ne doit pas être jaloux, on doit juste être meilleurs, pour attirer davantage de monde. A Charmey, les gens doivent se rendre compte qu’il est préférable de maîtriser tout ce qui se passe sur le domaine. C’est plus difficile quand on doit négocier avec d’autres partenaires…

Où en êtes-vous des investissements techniques pour le Rapido Sky?
Les mesures d’urgence pour la partie incendie ont été réalisées avec les 200 000 premiers francs reçus. On a demandé une part supplémentaire, prévue dans le paquet, pour la révision des portes, ce que nous avons fait durant l’été. Le gros morceau reste la partie électrique, pour un montant de 750 000 fr. Les travaux sont freinés, car il faut que l’entreprise soit saine avant de dépenser cet argent, même s’il nous appartient un peu, car il s’agit de locations. Mais, pour l’instant, tout est bloqué.

Dans quel délai espérez-vous réaliser ces travaux?
Aujourd’hui, si l’installation tombe en panne et que l’on doit changer la carte électronique, nous serions forcés de fermer le domaine durant trois jours. Il faut calculer le risque du manque à gagner. Est-ce que trois jours de fermeture, durant les vacances d’hiver, justifient de réaliser cet investissement? C’est certainement un confort d’utilisation, de contrôle, de sécurité. On doit le faire… Mais on peut se permettre d’attendre. Même si tout le monde va nous tomber dessus le jour de la panne…
Quels sont les scénarios à compter de mardi matin?
On est prêts à ouvrir le 1er décembre. Mais j’ai préparé deux Powerpoints pour mes collaborateurs. S’il y a dépôt de bilan, nous devrons nous occuper du sort de 38 personnes, dont huit fixes. Ce n’est pas rien. Les scellés pourraient être posés la semaine prochaine.

Qu’en est-il de vos actuelles liquidités?
Aujourd’hui, je dispose de la dernière tranche de 200 000 francs du soutien communal. Je l’ai gardée au cas où nous devons mettre en place un plan social, pour honorer les salaires. Avec les liquidités, on n’arrivera peut-être pas à payer la totalité des fournisseurs. Mais on est largement couverts par la fortune de la société. On ne mettra personne sur la paille. Les entreprises du coin seraient les premières à être payées.

Et vos liens avec le Magic Pass?
On a reçu 180 000 francs du Magic Pass pour les abonnements vendus en vue de cet hiver. En revanche, on aurait dû recevoir la deuxième répartition de cet été, qui représente environ 60 000 fr. Or, Magic Pass retient ce montant pour le moment. Je sais pertinemment qu’ils attendent la décision de lundi. C’est normal, je comprends.

Dans cette situation, comment jugez-vous le travail du Conseil communal, dont vous avez fait partie?
Je n’ai aucune critique envers le Conseil communal. La situation est difficile pour lui aussi. Maintenant, qui aura le courage de dire stop? Les citoyens se prononceront lundi. Mais le message de la commune a toujours été positif en faveur du maintien des remontées mécaniques. CD

 

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Récusations sollicitées

Lundi soir, le vice-syndic et responsable des Finances Etienne Genoud ne présentera pas le budget de fonctionnement. En raison de son engagement à la présidence du conseil d’administration des remontées mécaniques, il devra se récuser, à l’instar de tous les citoyens de Val-de-Charmey employés par la télécabine. «Nous avons été sollicités par des habitants et nous sommes en présence d’un cas ordinaire de récusation, affirme le préfet Patrice Borcard. Il s’agit d’une société anonyme: des intérêts directs et financiers sont en jeu. Il en va de sa pérennité. En tant qu’organe de surveillance, la préfecture doit assurer un climat serein. Etienne Genoud pourra répondre à des questions sur la société, mais pas sur le budget de fonctionnement.» CD

 

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