Un jus de pomme qui (r) apporte beaucoup

jeu, 27. déc. 2018
Les élèves de 8H du cercle de Haut-Intyamon, dans leur classe de Neirivue, ont participé à toutes les récoltes depuis le lancement de l’opération en 2013. ANTOINE VULLIOUD

PAR JEAN GODEL

COLLECTIF. Depuis 2013, l’automne venu, les écoliers du cercle scolaire de Haut-Intyamon se muent quelques aprèsmidi durant en ramasseurs de pommes. Des pommes qui sont pressées et dont le produit de la vente du jus alimente, entre autres, la caisse des camps de ski. Cette année, où les arbres étaient chargés de fruits, plus de 3000 litres ont été produits. Et tout a été vendu, par les élèves, leurs familles, mais aussi les magasins des villages.

Cette idée, Fabienne Gothuey-Pharisa l’a eue en 2013, à force de rouler sur des pommes et des poires tombées sur la route, près de l’école de Montbovon où elle enseignait alors aux 1H et 2H – elle travaille aujourd’hui à Grandvillard. «Je me suis rendu compte que les propriétaires d’arbres étaient nombreux à ne pas ramasser leurs fruits. Je me suis alors dit qu’on allait leur proposer de le faire à leur place.»

Ironie de l’histoire, le propriétaire en question les ramassait d’habitude, ses pommes. Mais en cet automne 2013, il s’était blessé. «On y est allé au culot, se souvient l’institutrice. Il fallait trouver des pommes, j’étais devenue un véritable radar à pommiers. Dès que j’en voyais un chargé, j’allais voir les propriétaires.» L’information s’est vite répandue, via le bouche-à-oreille et des affichages aux piliers publics et dans les magasins.

Les détenteurs d’arbres ont d’emblée joué le jeu. Ils re- çoivent chacun un carton de jus et une lettre de remerciements. Limitée à la classe de Fabienne Gothuey-Pharisa en 2013, l’opération a été étendue à toutes les classes du cercle scolaire dès l’année suivante. Soit une nonantaine d’élèves des écoles de Neirivue, d’Albeuve et de Montbovon.

Grâce à Fabio et à Lucas

Cette histoire de jus de pomme, La Gruyère en a eu vent grâce au petit mot que lui ont spontanément envoyé deux élèves de 8H à Neirivue, Fabio et Lucas. Nous les avons alors rencontrés dans leur classe, avec leurs camarades. Eux ont participé à toutes les récoltes, soit cinq en six ans: l’an dernier, il y a eu trop peu de fruits en raison du gel du printemps et l’opération a été annulée.

Mais 2018 a été exceptionnel. «Certains propriétaires, surpris, n’ont pas pu ramasser tous leurs fruits», explique leur instituteur Maurice Rime. «Et nous, on n’avait pas assez de caisses. Alors on a pris celles qui nous servent de bibliothèque», témoignent les enfants. «Rien qu’à la pisciculture de Neirivue, on en a rempli 33!»

Pour les grands arbres, ils utilisent de longues perches munies d’un crochet, pour secouer les branches. D’autres (dont l’instituteur) grimperaient même aux arbres… Souvent, des échelles sont dressées. «Mais c’est plus facile en pente: on attaque les arbres par-dessus et on ne se prend pas les pommes sur la figure», rigolent les écoliers.

«On ne va que chez les gens qui ne ramassent pas leurs pommes, précise Maurice Rime. De plus en plus, ils nous contactent eux-mêmes.» En 2013, la récolte a été pressée chez Jacques Perritaz, producteur de cidre bien connu qui habitait alors dans le coin. Comme il s’est concentré sur le cidre, son ancien collègue Grégory Dugué a pris le relais. Et mis au point un pressoir mobile. Cette année, il était à Neirivue.

Intérêts pédagogiques

Parallèlement à l’apport financier – fort intéressant, au demeurant – les enseignants voient de nombreux intérêts pédagogiques à cette activité automnale. «Les élèves sont sensibilisés au gaspillage, au fait que ces fruits non traités, pour certains pas très beaux, tombés à terre ou tachés sont bons à consommer», juge Fabienne Gothuey-Pharisa.

Maîtresse de 1H et 2H à Montbovon, sa collègue d’alors Adrienne Eguizabal a été de l’aventure dès son lancement: «Cela permet aussi aux enfants des trois sites du cercle scolaire de se rencontrer. Tout le monde y met du sien. Et ils se découvrent capables de récolter de l’argent pour leurs activités.» Certes, il ne s’agit pas de les former au capitalisme: «Mais ils se rendent compte du monde qui les entoure.»

Et puis ils suivent tout le processus, de la récolte à la vente en passant par le pressage, auquel ils assistent. «Et on rigole beaucoup, ce sont des moments privilégiés dont ils se souviendront toute leur vie», insiste Maurice Rime.

Le résultat? A la dégustation, ce jus obtenu de plusieurs variétés a un goût prononcé. Il montre du caractère tout en restant agréable, et même séduisant. Comme les pommes et les gens de l’Intyamon. Un vrai produit du terroir. ■

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