3 août 2013 à 04:25
Le Rochois Serge Andrey officie sur les circuits depuis vingt ans. Mécanicien, il s'est ensuite spécialisé pour devenir coach. Aujourd’hui chez Ducati, il a connu les meilleurs pilotes, dont un certain Valentino Rossi.
Par Valentin Castella
«Valentino Rossi, c’est le top du top. Lorsque j’ai eu la possibilité de travailler avec lui, je ne pouvais pas refuser cette offre. C’était incroyable.» Incroyable est le bon terme pour faire le récit de la vie de Serge Andrey. De mécanicien à La Roche, le Gruérien est devenu coach du pilote neuf fois champion du monde.
Une histoire à l’américaine qui a commencé il y a exactement vingt ans, lorsqu’il a été engagé par Bernard Haenggeli, qui participait aux Grand Prix 250 cm3. «J’avais 23 ans et j’étais un passionné de moto, se souvient-il. Bernard m’a proposé de l’aider. Je l’ai suivi en tant que mécanicien.»
La carrière de Serge Andrey était lancée. Ne manquait alors plus que le petit coup de pouce du destin qui allait tout faire basculer. Et cette bonne étoile, le mécanicien l’appelle télémétrie. Car c’est justement lorsqu’il a débarqué dans les paddocks que ce système informatique a fait ses premiers pas. «On peut comparer ce programme à une boîte noire qui enregistre toutes les données numériques par secteurs. La vitesse de la roue, la position de la poignée des gaz… Tout est affiché et mon rôle était de les analyser. Comme le système était en allemand et que je connaissais la langue, je me suis lancé dans ce domaine. C’est grâce à ça que j’ai percé.»
De simple aide au sein d’une équipe privée et tout heureuse lorsqu’elle obtenait un point en championnat du monde, Serge Andrey a gravi les échelons en découvrant la 500 cm3, toujours avec Bernard Haenggeli avant de s’orienter dans l’univers du superbike-supersport, lors de la saison 1995-1996.
L’année suivante, le Rochois a intégré pour la première fois l’encadrement d’une moto d’usine, en superbike. Dans cette catégorie, il a travaillé pour Suzuki, Yamaha et Kawasaki. Jusqu’en 2003, il a collectionné les lauriers, avec deux titres de champion du monde et trois de vice-champion.
En 2010 avec Ducati
En 2005, il s’est lancé dans le défi de l’endurance. Retour ensuite en superbike jusqu’en 2010, au sein d’équipes privées. La belle histoire de Serge Andrey a pris une nouvelle envergure en 2010, lorsque l’équipe Ducati lui a proposé un contrat. Et c’est avec un nouveau rôle qu’il a rejoint la formation italienne. Car, avec l’expérience acquise durant toutes ces années, Serge Andrey a su se servir de la télémétrie pour donner de bons conseils aux pilotes. Et c’est en qualité de coach qu’il a officié lors de la première saison, aux côtés de Nicky Hayden et Casey Stoner. La cuvée suivante devait être exceptionnelle avec l’arrivée, en grande pompe, de Valentino Rossi et ses neuf titres de champion du monde. «C’était la fameuse dream team, rigole Serge Andrey. Finalement, ce fut un désastre.»
«C’était incroyable»
Si les résultats n’ont pas été à la hauteur des attentes, le Gruérien garde pourtant de bons souvenirs de cette période qui a duré deux saisons: «C’était tout simplement incroyable de pouvoir travailler avec un tel pilote. Avant une course, on se voyait à une dizaine de reprises. Grâce à la télémétrie, je lui disais où il pouvait accélérer, dans quel secteur il perdait du temps… Au début, c’était étrange de conseiller un mec qui avait déjà tout gagné. Mais, plus les pilotes sont au top, plus ils sont attentifs et réceptifs. Cela durait à chaque fois dix minutes. C’était court et intensif, car il n’avait pas davantage de temps. En Grand Prix, ces personnages sont demandés par tout le monde: les mécaniciens, la presse… Ils doivent se cacher pour avoir un peu de tranquillité. Ils ont une vie de fou. Ce qui n’empêchait pas Rossi de déconner à chaque fois à la fin des meetings.»
Aussi en rallye
Complices, les deux hommes ont même participé à un rallye automobile ensemble. C’était à Monza en 2012. Un univers que Serge Andrey connaît d’ailleurs plutôt bien, puisqu’il a également travaillé pour les pilotes Jari-Matti Latvala et Mikko Hirvonen, alors pilotes Ford en Championnat du monde.
En deux décennies, Serge Andrey a gravi les échelons et s’est retrouvé à travailler avec des pilotes reconnus toujours en quête de résultats et de sensations de vitesse. Une trajectoire plutôt originale pour un mécanicien qui s’était spécialisé dans les poids lourds.
Une vie à part
Cette saison, Serge Andrey navigue entre deux championnats. Employé chez Ducati aux côtés de Nicky Hayden et Andrea Dovizioso, il conseille également le Français Sylvain Guintoli en superbike. C’est donc à un marathon que le Gruérien participe depuis les premiers essais du début de saison. «En règle générale, il faut compter une semaine pour une course. On commence le mardi et on termine le lundi suivant.» Pratiquement chaque semaine, Serge Andrey est donc en vadrouille aux quatre coins du monde. «Entre avril et juin par exemple, j’ai enchaîné onze courses. C’était du non-stop.»
Il poursuit: «Je mène une double vie entre la Suisse et le monde des courses. Onze mois par année, je suis dans les hôtels et les avions. Et, en hiver, je profite de voir les gens de la région et mes potes. Chacun rêve de ce qu’il n’a pas. Parfois, je me dis que je serais plus tranquille en travaillant comme tout le monde. Mais je ne peux pas. Après quelques semaines, j’ai à nouveau envie de partir et de retrouver la compétition. Ce métier est une passion. Si ce n’était pas le cas, cela ferait bien longtemps que j’aurais arrêté. En 1993, je me suis dit que je pourrais suivre ce rythme une année. Cela fait vingt ans et je suis toujours là. Il faut croire que j’aime ça.»