Plus qu’une grosse toux

Commentaire

Thibaud Guisan

Thibaud Guisan

25 juillet 2014 à 21:16

Mémoire. Il faut bien chercher pour trouver trace de la Première Guerre mondiale dans la région. Rien à voir avec la Seconde Guerre, dont les fortins façonnent encore les Préalpes gruériennes et le Pays-d’Enhaut. Lors de la Grande Guerre, les fortifications se concentrent au Mont-Vully et dans le Hauenstein, au nord d’Olten. On se contentera d’un arbre à Bulle, le tilleul du général Pau, et de deux monuments aux morts, à Châtel-Saint-Denis et à Bulle.
Au-delà de cette discrétion physique, un constat s’impose. En 2014, il faut presque le centième anniversaire de son déclenchement pour se souvenir à quel point la Première Guerre mondiale a mobilisé la Suisse. D’août 1914 à janvier 1918, les hommes sont appelés à cinq reprises pour défendre le pays et les chevaux, réquisitionnés dès l’été 1914, ne sont pas en reste. Finalement, tout l’arrière adapte son rythme de vie au conflit.
Le regain d’intérêt des historiens est pourtant récent. «En Suisse, la recherche a très vite refermé le couvercle de la Grande Guerre pour se focaliser sur la Seconde Guerre mondiale», résume le professeur Francis Python. Plus meurtrière sur le plan mondial, plus idéologique, la Seconde Guerre a en effet plongé sa sœur aînée dans l’ombre. Peut-être parce que l’esprit du Réduit national de 1935-1945 s’est propagé durablement dans notre pays, dans le contexte de la guerre froide.
Autre phénomène qui participe à l’oubli de la Grande Guerre: dans le souvenir populaire, les ravages de la grippe espagnole – 25000 morts en Suisse, de juillet 1918 à juin 1919,121 victimes en Gruyère en 1918 et 51 de janvier à septembre 1919 – ont été beaucoup plus présents que le conflit lui-même. Comme si la Grande Guerre n’avait été qu’une très grosse toux. Réducteur. Thibaud Guisan

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