Commentaire
16 août 2018 à 09:40
Pont Morandi. Il faut s’imaginer sur le viaduc de la Gruyère, par une journée de fort vent. Le tablier s’effondre sur 200 m, entraînant des dizaines de véhicules dans le vide. Cette scène, que l’on croyait réservé aux films catastrophes, s’est produite mardi peu avant midi, à Gênes. Le pont Morandi est connu des Suisses qui empruntent ce tronçon bosselé pour rejoindre les plages toscanes. Plus de 40 personnes y ont perdu la vie. Les premières expertises sont accablantes: le pont Morandi, considéré comme un chef-d’œuvre lors de son inauguration en 1967, est sous le feu des critiques depuis des décennies. En 2016, un professeur de l’Université de Gênes, Antonio Brencich, avait pratiquement annoncé la catastrophe, parlant «d’erreur d’ingénierie», notamment pour ce qui est de l’usure des matériaux, afin d’alerter les pouvoirs publics. En vain. Le spécialiste avait aussi précisé que le concepteur de cet édifice, Riccardo Morandi, avait réalisé deux autres ponts en utilisant les mêmes techniques du béton précontraint. L’un d’eux s’est effondré au Venezuela à la suite d’un choc avec un pétrolier. L’autre, toujours debout, se trouve en Libye. Aujourd’hui, dans une Italie en pleine tourmente, les politiciens tirent à boulets rouges sur la société privée gestionnaire du pont. Ils devraient aussi se poser une question gênante: fallait-il privatiser des tronçons d’autoroute? La réponse est tombée mardi. Elle est d’une incroyable brutalité. Jérôme Gachet