PAR JEROME GACHET

Joseph Deiss était compagnon d’honneur de la Confrérie du gruyère AOC. La preuve, c’est qu’il vient de perdre ce titre. Ainsi en ont décidé, à l’unanimité, les membres du Conseil lors de leur séance du 7 mai. Ancien conseiller fédéral (1999 à 2006) et président de l’Assemblée générale de l’ONU (septembre 2010-septembre 2011), il a reçu cette semaine une lettre signée du gouverneur de la Confrérie, Michel Chevalley, lui indiquant sa radiation pure et simple.
Pas besoin de chercher longtemps les raisons de cette éviction: Joseph Deiss paie les positions qu’il a prises dans l’affaire du gruyère américain. Pour rappel, le Fribourgeois avait soutenu Emmi, dont il est membre du conseil d’administration, dans son intention de construire une nouvelle fromagerie dans le Wisconsin, afin d’y produire, entre autres, du grand cru gruyère.

«Sentis trahis»
Incompatible avec son statut de compagnon d’honneur, ont estimé les responsables de la Confrérie. «Nous nous sommes sentis trahis», expose le gouverneur Michel Chevalley. Et de poursuivre: «Le compagnon s’engage notamment à soutenir toute initiative visant à affiner la qualité du gruyère AOC et à favoriser toute mesure aspirant à mieux faire connaître le produit. Si Joseph Deiss a donné une image forte du gruyère par le passé, force est de constater que c’est l’inverse aujourd’hui.»
Son adoubement remonte au 20 septembre 1991, lorsqu’il était président du Grand Conseil fribourgeois. Comme la plupart des politiciens et personnalités du canton, il avait aussitôt été élevé au rang de compagnon d’honneur, intégrant une Confrérie qui compte quelque 1700 gentes dames et solides compagnons et qui a pour but de défendre et de promouvoir le fromage.
«Cette décision peut paraître sèche, mais elle est proportionnelle au nombre d’interpellations que nous avons reçues sur le sujet. Pour nous, il s’agit d’une question de cohérence et de crédibilité», reprend le gouverneur qui explique que le Conseil a hésité à intervenir directement dans le débat. Avant d’y renoncer: «Les politiciens et la pression s’en sont chargés. De notre côté, nous en sommes tenus à notre domaine de compétence en excluant M. Deiss de la liste de nos membres.

Vives critiques
Si cette démarche n’a aucune conséquence pour Joseph Deiss – le titre est évidemment honorifique – elle témoigne de la forte émotion provoquée par l’affaire du gruyère américain dans la population et plus spécialement dans la filière fromagère. L’ancien conseiller fédéral – que nous n’avons pas réussi à joindre hier – a essuyé de vives critiques, accusé d’aller à l’encontre des intérêts de l’économie locale.
Face à ce tollé général, Emmi a d’ailleurs décidé de renoncer au début de ce mois à l’appellation gruyère pour ses fromages produits aux Etats-Unis.