26 août 2017 à 05:00
Depuis un mois, à Gruyères, les places de parc sont payantes. Un système provisoire d’encaissement a été mis sur pied. S’ils accueillent toujours autant de monde,
les commerçants, restaurateurs et hôteliers regrettent une mesure peu commerciale et craignent un dégât d’image. La commune, elle, dresse un premier bilan positif.
Par François Pharisa
Dimanche passé, comme tous les dimanches, la file de voitures serpente tout au long de la route de la Cité qui mène à Gruyères. Au volant, les touristes prennent leur mal en patience, avant de pouvoir profiter des meringues et de la crème double. Rien de nouveau sous le soleil. Mais, depuis le 22 juillet dernier, l’accès à la cité comtale se mérite un peu plus encore.
A hauteur de la croisée avec l’impasse de la Condémine, un policier indique aux automobilistes de se ranger sur la droite, les obligeant à grimper sur le trottoir. Des auxiliaires de parking se penchent à leur fenêtre. Une main tenant des tickets à l’effigie des armoiries communales, une autre plongée dans leur bourse, ils prient les arrivants de passer à la caisse: 5 francs pour les motos et voitures, 10 francs pour les minibus, 20 francs pour les autocars. Désormais, à Gruyères, les places de parc se monnaient. Et, forcément, ça ne plaît pas à tout le monde.
Gérer l’affluence
Ce système de parkings payants – qui épargne les habitants et personnes travaillant à Gruyères, détenteurs de macarons – permet d’offrir, expliquent les autorités communales, la gratuité du service de navettes au départ du parking proche de l’aérodrome, qui a été mis en place il y a huit mois pour réguler l’affluence grandissante et faire cesser le parcage parasite. Le système est provisoire: il est opérationnel tous les jours jusqu’à la fin août, puis les week-ends de hau-te fréquentation et de fêtes, de 10 h à 17 h. Du provisoire appelé tout de même à perdurer au moins deux ans, le temps de terminer le projet très attendu de réaménagement de l’ensemble des parkings publics (voir encadré).
En attendant, cette solution de parkings payants ne convainc pas de nombreux commerçants, restaurateurs et hôteliers. Plus souvent chagrinés par la forme que par le fond, «puisque maintenant, c’est partout payant», reconnaissent-ils.
«Un droit de passage»
«Faire payer les visiteurs à peine arrivés, parfois sans même savoir s’ils auront ou non une place de parc, c’est vraiment dommage. D’autant plus que le parking d’en bas n’est même pas rénové», s’agace Ariana Imeraj, vendeuse dans une petite bijouterie, en face de la maison de Chalamala. Une remarque qui revient dans la bouche de la majorité de la dizaine de commerçants interrogés.
Un riverain et ancien commerçant lui aussi, qui préfère garder l’anonymat, qualifie la façon de faire de «racoleuse». «Je comprendrais si les parkings étaient en ordre, ce qu’on nous promet depuis trente ans… Mais là, franchement, on demande aux touristes de se garer dans un terrain vague, plein de trous et sans cases dessinées», décrit-il. Selon lui, l’image de la cité en serait ternie.
Noëlle Meyer, responsable de l’Hôtel de Gruyères, abonde dans ce sens. Elle regrette une mesure «peu commerciale qui effraie le touriste», affirmant avoir reçu «beaucoup de clients mécontents». Et de pointer du doigt une communication malheureuse. «Ce système n’est rien d’autre qu’un droit de passage, une taxe d’accès à la cité, et il devrait être annoncé comme tel.»
Elle prend l’exemple d’une personne arrivant à 17 h, qui ne paiera donc pas son parking pour la nuit, à l’inverse de celle arrivée un quart d’heure plus tôt. «Des clients ont même dû payer 5 francs, alors qu’ils venaient juste déposer leurs bagages», raconte-t-elle. Un manque de souplesse que réfutent les autorités communales (voir ci-dessous).
Peur pour les habitués
Jean-Luc Antonietti s’inquiète, lui, pour sa clientèle d’habitués. Depuis vingt ans, il tient avec son épouse Isabelle un petit magasin d’alimentation à l’entrée du bourg. «Les familles qui aiment bien venir de temps en temps à Gruyères manger une glace sont surprises. Peut-être viendront-elles moins facilement à l’avenir?» s’interroge-t-il, assurant avoir vu des personnes faire demi-tour au moment de payer.
Aux Remparts, Marie-José Buchs, la patronne, confie avoir eu écho de «quelques remarques négatives», sans que pour autant son restaurant se désemplisse. Car, tout le monde s’accorde pour le dire, un parking à 5 francs ne freinera pas le touriste. Mais l’on déplore un «dégât d’image» évitable.
A la boutique de bijoux et minéraux Fer de lance, Julien Taverney s’attendait à «des commentaires plus virulents» encore. «Cela devait bien arriver un jour. Mais si les urbains ont l’habitude de payer pour se garer, les gens du coin, eux, sont un peu choqués de se voir réclamer de l’argent pour venir à Gruyères», relève-t-il, suggérant la gratuité ou alors «une réduction pour les plaques fribourgeoises».
Désormais, le tarif du parking en tête, il propose aux bons clients une ristourne de 5 francs. «Pour arrondir les angles.»
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Système «souple» et «nécessaire»
«Nous avons reçu consigne de ne pas en parler.» Quand on a voulu, dimanche dernier, poser des questions sur le nouveau système de parkings payants, auxiliaires de parking, policiers et employées de l’Office du tourisme ont tous eu la même réponse.
«Nous voulions éviter que des chiffres, sur la fréquentation ou sur les recettes, qui ne pourraient être à ce jour que pures spéculations, ne soient avancés et mal interprétés», justifie Monique Durussel Rudaz (photo), conseillère communale responsable du dossier et présidente de la Société de développement.
Après un mois de test, elle tire un premier bilan «positif» de ce système d’encaissement. Elle l’assure, «la commune n’a reçu que trois lettres de réclamations, deux de la part de touristes et une d’un habitant de la région».
«Nous ne faisons pas cela par plaisir, pour embêter les gens, mais par nécessité», poursuit-elle. Afin d’offrir la gratuité du service de navettes, donc afin de «mieux accueillir les visiteurs, dans des conditions plus dignes».
Ce système possède ses avantages. Sa simplicité d’abord, puisqu’il n’a fallu installer que des panneaux de signalisation. «Nous ne voulions pas péjorer le projet définitif», relève l’élue. Elle reconnaît néanmoins «un laisser-aller au niveau de l’entretien du parking d’en bas cet été».
Sa souplesse également. «Cela ne change absolument rien pour les visiteurs du Foyer Saint-Germain, les personnes venant assister à une célébration à l’église ou celles qui passent en vitesse chercher un morceau de fromage. La police locale ne les fait pas payer», affirme Monique Durussel Rudaz, qui ne croit pas qu’un forfait de 5 francs puisse avoir un impact négatif sur l’affluence. Mieux, les gens resteraient même «plus longtemps».
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Début des travaux «en 2018»
Serpent de mer à Gruyères, le réaménagement des parkings et des espaces publics qui y sont liés va devenir réalité. La mise à l’enquête des travaux est prévue pour l’automne, à la suite de celle du Plan d’aménagement local, précise Monique Durussel Rudaz, conseillère communale responsable du tourisme. Les travaux devraient ainsi commencer «courant 2018». Pour rappel, le projet du bureau d’architectes fribourgeois LVPH, présenté en 2015, comprend un parking souterrain de deux étages à l’entrée du bourg (P1), d’une capacité d’environ 250 places contre 90 aujourd’hui. Sa surface sera végétalisée et piétonne, avec uniquement une circulation de dépose. Les deux autres, les parkings de la Chapelle (P2) et dit «de la Catze» (P3), seront réaménagés et arborisés. Au total, le nombre de places passera ainsi de 400 à 650 environ. «Le chantier commencera par les deux parkings du bas.» Le projet prévoit en outre la revalorisation des cheminements et sentiers publics. Le coût des travaux est estimé «entre 13 et 15 millions de francs». Une facture qui sera payée par les utilisateurs des parkings, tous payants. Habitants et commerçants devront, eux, s’acquitter d’un montant pour obtenir un macaron.