La Gruyère, un «produit» fort qui pourrait se vendre mieux

4 avril 2013 à 04:05

Pascal Charlet a repris les rênes de La Gruyère Tourisme depuis peu. Il revient sur ses missions souvent mal comprises. Pour le nouveau directeur, la Gruyère doit se vendre au-delà du cliché.

PAR YANN GUERCHANIK

Après un début de carrière en Valais, Pascal Charlet a pris la tête de La Gruyère Tourisme depuis le 21 janvier. Vaudois d’origine, ce trentenaire se qualifie volontiers de Suisse romand (outre en Valais, il a notamment vécu à Vevey, à  Lausanne, à Granges/Veveyse et à Fribourg). En professionnel, il apprécie la grande notoriété de la région et la structure touristique en place. Selon lui, il reste néanmoins du travail pour aller au-delà du cliché. Dans son discours, la Gruyère prend rapidement le nom de «produit». Pas de doute, le nouveau directeur est là pour promouvoir et vendre le district.

Lors de votre nomination, vous disiez vouloir d’abord vous imprégner de la région. Chose faite?
Oui. J’ai rencontré les principaux partenaires touristiques. Il me reste encore des gens à voir. C’était important d’approcher les acteurs sur le terrain, de découvrir le produit en somme. J’ai un regard extérieur: les valeurs de la Gruyère, ses sites d’excursion, je les connaissais, mais je voulais savoir comment les gens d’ici ressentent le produit, comment ils le défendent.

Durant cette prise de contact, vous a-t-on reproché le fait de ne pas être gruérien?
A aucun moment. Au contraire, beaucoup ont mis en avant le fait que je puisse être objectif et ne pas avoir de parti pris.

Quelle est votre mission à la tête de La Gruyère Tourisme?
La Gruyère Tourisme a deux axes d’activité. Son premier mandat est de gérer les Offices du tourisme de Bulle et de Gruyères. A ce niveau, elle doit assurer l’accueil, l’information et l’animation envers l’hôte. Elle doit également assurer une bonne affectation de la taxe de séjour prélevée auprès de nos partenaires hôteliers.
Le deuxième axe d’activité, le cœur du métier de La Gruyère Tourisme, c’est la promotion au sens de la Loi sur le tourisme. On a pour mission de stimuler les demandes à l’extérieur du canton.

Les Gruériens ne comprennent pas toujours pourquoi vous n’êtes pas davantage présent au niveau local…
Les gens s’étonnent parfois de ne pas voir La Gruyère Tourisme sur les manifestations qui drainent la population locale, comme le Comptoir gruérien. Ce n’est simplement pas notre cible. Ce sont les prestataires locaux qui sont actifs sur le marché local ou cantonal. Je dirais en premier lieu les remontées mécaniques et les offices du tourisme locaux.

A l’inverse, une manifestation comme la Poya 2013 entre dans votre cahier des charges…
La Poya va complètement dans le sens de notre mission. Nous nous associons à un porteur de valeurs qui s’adresse à l’extérieur du canton. L’événement correspond tout à fait à notre positionnement en véhiculant des qualités que nous défendons: authenticité, traditions, produits du terroir. Dans ce cas-là, nous nous associons directement à l’image de la Poya en proposant un produit touristique qui prévoit de l’hébergement. Nous cofinançons également de la visibilité sur différents supports à l’extérieur du canton.

Quels sont les marchés visés par La Gruyère Tourisme?
Notre marché prioritaire, c’est la Suisse. Ensuite, il existe un marché secondaire de proximité avec la France et l’Allemagne. Sur ces marchés, on collabore étroitement avec l’Union fribourgeoise du tourisme (UFT) et Suisse Tourisme. Notamment grâce à un fonds marketing alimenté par chaque région. Avec nos seuls moyens, nous n’aurions pas assez d’impact. Ce serait de l’argent jeté par les fenêtres. Sur le plan suisse, nous travaillons étroitement avec l’UFT sous la marque Fribourg Région.

La Gruyère est une marque forte sur le marché suisse. Pourquoi ne mène-t-elle pas ses propres actions sans passer par le fonds cantonal?
Le fait de mettre ensemble les offices du tourisme fribourgeois nous donne plus d’impact au final. Même si l’on peut penser que la Gruyère est l’une des premières marques du canton et qu’elle doit être mise plus en avant. L’effet de levier reste intéressant pour nous. Nous disposons de plus de moyens que d’autres régions comme Morat, Romont, Les Paccots ou Fribourg. Mais peut-être qu’un jour nous aurons la taille critique pour exister seuls sur le marché suisse.

Autrement dit la Gruyère est un bon produit qu’on n’a pas les moyens de promouvoir…
La Gruyère a une supernotoriété. Toutes les régions n’ont pas cette chance. Mais on est très vite dans le cliché sur ce qu’elle a à offrir. Du point de vue de la connaissance du produit, des offres concrètes, des packages, il y a encore du travail à faire. Pour cela, les moyens marketing manquent. Concrètement, on manque d’impact sur les marchés que l’on a définis comme prioritaires. Mais le produit, on l’a. La preuve est que les quelque 550000 nuitées en 2012 ne suivent pas forcément par rapport aux 750000 visiteurs sur les sites touristiques répertoriés. Or, les nuitées sont une source de financement.

L’ouverture de l’Hôtel Ibis (à Bulle) ou la rénovation des hôtels Cailler (à Charmey) et du Rallye (à Bulle) ont tout de même permis une hausse de nuitées en Gruyère…
Oui. En 2012, on enregistre une hausse de 1,6 % contre 1% pour le canton. Sur le plan suisse, on s’en sort très bien (n.d.l.r.: l’hôtellerie suisse enregistre un recul de 2%, soit 720000 nuitées en moins). Mais, par rapport à l’attractivité de la Gruyère, la structure hôtelière ne suit pas. La région a une prédisposition à n’être qu’un passage et l’un des gros challenges sera de fixer les visiteurs. A ce niveau, j’ai plutôt un job de lobbying, de défense des intérêts touristiques.

On a souvent l’impression que Bulle est en retrait sur le plan touristique…
Bulle est le poumon économique de la Gruyère, mais touristiquement ce n’est pas le produit phare en termes d’image, celui que l’on va utiliser pour positionner la Gruyère. C’est la porte d’entrée, beaucoup de gens y transitent et l’enjeu est peut-être encore une fois de les fixer. Des actions vont être entreprises pour dire qu’à Bulle il n’y a pas que le shopping, le Musée gruérien et le Marché folklorique.
 

 

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«Il y a une volonté de penser régional»
En Gruyère, on a l’impression d’une constellation compliquée d’entités touristiques. Comment Charmey et Moléson s’articulent-ils avec La Gruyère Tourisme?
Avec Charmey et Moléson nous avons des conventions pour ce qui est du travail marketing à l’extérieur de la région, en collaboration avec l’UFT et Suisse Tourisme. Sinon, ils agissent au même titre que nos Offices du tourisme de Bulle et de Gruyères. Ils ont leurs propres produits, pensent à leur mise en scène, diffusent leurs informations à l’hôte, avec leurs brochures, leur site internet, etc. Avec d’autres moyens également puisque ce sont des pôles touristiques importants et leur marge de manœuvre peut être plus grande que la nôtre. C’est sans doute pour cela qu’ils peuvent aujourd’hui être indépendants et avoir leur propre plan d’action.
Si, demain, Charmey dégage un budget pour communiquer sur la Suisse romande ou sur Berne par exemple, on pourrait tout à fait coordonner les choses ensemble et institutionnaliser le tout. On pourrait instaurer des rapprochements au niveau des différentes opérations de communication.

Au moment où Charmey revoit sa stratégie touristique, la collaboration vous semble-t-elle bonne?
Je me sens tout à fait informé. J’ai rencontré Christophe Valley (n.d.l.r.: directeur de Charmey Tourisme) à plusieurs reprises et j’ai été convié à prendre connaissance de leur étude sur le développement touristique. En ce qui concerne la stratégie, on a été auditionnés, écoutés. Les inputs de La Gruyère Tourisme ont été pris en compte. Il y a une volonté de penser régional. YG
 

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