«L’Eglise n’a jamais eu pour but d’être le reflet de son temps»

| sam, 07. avr. 2012
Mgr Charles Morerod célèbre sa première Semaine sainte en tant qu’évêque. Il livre ses sentiments sur l’état dans lequel il a trouvé le diocèse. Et dit sa foi en une Eglise fidèle au message de la Bible.

PAR JEAN GODEL


Dans quel état avez-vous trouvé le diocèse?
Plutôt bon. Certes, on ne peut pas dire que les églises sont toujours pleines ni qu’il y a plus de prêtres que nécessaire. Mais ceux qui participent à la vie de l’Eglise sont souvent assez contents de ce qu’ils y trouvent et de ce qu’ils y font.

Quelles sont vos grandes orientations pour le diocèse?
Il faut que tout le monde voie que l’on peut être heureux d’être chrétien. L’une des difficultés, c’est le manque de prêtres. Il faut donc aménager leurs conditions de travail.

C’est un discours de manager…
Si les prêtres courent tout le temps, on donne justement l’impression d’une grande entreprise où les gens sont stressés. Ce que je peux, moi, c’est faire en sorte que ceux qui travaillent dans l’Eglise et vont à la rencontre des fidèles puissent le faire dans de bonnes conditions.

Vous avez appelé de nombreux jeunes à vos côtés – l’abbé Nicolas Glasson, l’abbé Alain Chardonnens, Jean-Baptiste Henry de Diesbach…
Et ce n’est pas fini…

Votre volonté est donc d’avoir une équipe rajeunie?
Oui. Je ne pense pas que les plus âgés travaillent mal, mais je désire mettre à des postes à responsabilités des personnes plus jeunes. Il y a pas mal de prêtres de cette génération-là.

C’est une façon de marquer une rupture avec le passé?
Non. Simplement pour associer les forces vives. Dans le clergé, on a l’impression de rester jeune plus longtemps. A Rome, on s’est une fois réjoui de voir un si «jeune» recteur de l’Angelicum. J’ai fait remarquer que j’étais contemporain du président des Etats-Unis… Lui, quand on l’a élu, personne n’a pensé qu’il était trop jeune.

Certaines années, pas un prêtre ne sort du séminaire. Inéluctable?
Non. Mais ça peut changer assez vite. Il y a des endroits où des vocations sont apparues en nombre sans qu’on sache pourquoi. Il faut bien dire aux jeunes que ça vaut la peine d’être prêtre.

Comment susciter la relève?
C’est un peu tôt pour le dire. A Denver, où un séminaire suivi par une centaine de séminaristes a rouvert il y a peu après de longues années de fermeture, l’archevêque m’a dit: «Il ne faut pas avoir peur de proposer à des gens de devenir prêtre et de refuser la plupart de ceux qui se présentent.» Ce second volet, on l’a déjà mis en œuvre en étant prudent au séminaire, où huit à dix candidats sont refusés chaque année.

Les fidèles peuvent-ils vivre avec des églises sans curé?
Aucune paroisse ne vit sans curé, mais certaines n’ont pas de prêtre qui vit sur leur territoire. Alors oui, ça pose problème, en partie parce que certains ne semblent pas envisager de sortir de leur village pour aller à la messe alors qu’ils le font continuellement pour faire leurs courses. Il faut changer les mentalités.

Le processus de fusions de paroisses va donc se poursuivre?
Franchement, on ne peut pas faire autrement. Ça correspond à la société actuelle, surtout en ville, où l’appartenance territoriale à une paroisse n’est plus dans les mentalités.

Les fidèles sont-ils prêts à ce que des laïcs assurent certains services comme les enterrements?
Ça dépend des cantons. Mais les enterrements, c’est quand même le point délicat. Surtout à Fribourg. Donc en fait, non, ils ne sont pas tellement prêts.

C’est une option que vous encouragerez?
J’ai l’impression que ce sera la seule possibilité dans certains cas: on ne peut pas épuiser les prêtres qui sont moins nombreux et plus âgés.

En Gruyère, vos premières décisions ont paru abruptes, comme l’annonce, le jour de Noël, du départ de l’abbé Jean Glasson. Un manque de tact?
Je n’ai pas décidé que la communication devait se faire le jour de Noël, même si on aurait aussi trouvé cette décision douleureuse un autre jour. Ensuite, je suis arrivé moi-même en pleine année. Il faut savoir qu’à la mort de mon prédécesseur, tous les vicaires ont ipso facto perdu leur mandat. Il me fallait nommer une équipe très vite.

Quelle sera votre communication?
Certaines choses se mettront bientôt en place, comme un nouveau site internet interactif ou la nomination d’une responsable de la communication. Pour le reste, en toute franchise, j’ai déjà bien commencé à communiquer en allant voir les gens. Quant aux rencontres dans les cafés – une très bonne idée de Mgr Genoud – on me dit que c’était toujours un peu les mêmes qui y allaient… Je me demande s’il faut les poursuivre.

L’Eglise peut-elle s’entêter à refuser l’évolution de la société?
En soi, l’Eglise n’a jamais eu pour but d’être le reflet de son temps. Elle doit simplement annoncer l’Evangile, qui n’a jamais été complètement le reflet de la société. Une Eglise si bien intégrée qu’elle ne dérange personne pourrait tout aussi bien disparaître.

Mais au sein même de l’Eglise, certains se lassent de ce décalage, par exemple pour ce qui est du mariage entre homosexuels?
C’est vrai qu’il y a des points sur lesquels on a un discours franchement différent et que ça fatigue certains. Simplement nous devons tenir compte de ce que dit le Nouveau Testament. Sur tout. Et parfois il y a un hiatus. Mais l’Eglise ne peut pas faire autre chose qu’annoncer l’Evangile.

Crise de la foi ou crise de l’Eglise qui se met en marge?
Il peut y avoir une crise de la foi. Mais je reste convaincu que la solution n’est pas tout simplement de suivre la société. Même si l’on peut y réfléchir. Ceux qui redécouvrent la foi le font parce qu’ils y recherchent quelque chose d’exigeant. Les Eglises qui ont accepté ce que la société leur demandait sont en train de disparaître.

Lesquelles?
Le cas typique est celui des anglicans aux Etats-Unis: l’Eglise la mieux intégrée socialement est en train de fondre littéralement et de perdre quasiment toute signification sociale.

Le signe de la vivacité d’une Eglise est donc qu’elle dérange?
C’est un signe, pas le seul. On a quand même mis Jésus en croix… Je ne prône pas une Eglise de purs, mais il faut reconnaître qu’au moment du Vendredi-Saint, il n’y avait plus grand monde autour de Jésus… Mais cela n’a pas été la fin de tout: après, il y a eu la Résurrection.

L’Eglise espère sa résurrection?
Oui, absolument. Mais ça passe parfois par la difficulté qui fait grandir la foi.

L’Eglise peut-elle se remettre de sa perte d’influence historique?
Perdre un rôle social qui voudrait qu’on dicte pratiquement tout dans la vie des gens – à la manière dont certains ont vécu l’Eglise dans le canton de Fribourg jusque dans les années 1950 – est mieux pour nous!

La déception de Michel Bavaud qui se détourne de l’Eglise à la fin de sa vie, vous a-t-elle interpellé?
On pourrait résumer son livre ainsi: «Tout au long de ma vie, ce que moi je voulais pour l’Eglise, l’Eglise ne l’a pas fait.» De fait, on peut imaginer une certaine frustration. L’athéisme a été ma spécialité ces dernières années. Or, les raisons opposées par certains athées m’ont paru plus difficiles à affronter que l’athéisme un peu ecclésiastique de Michel Bavaud. Mais l’homme est toujours libre. C’est ce que la foi chrétienne dit.
 

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Des choses à faire en Suisse


A votre nomination, vous avez donné l’impression de quelqu’un qui en prenait pour perpète…
C’est vrai que ce n’était absolument pas ce que je souhaitais. Mais en devenant religieux, je donnais ma vie à Dieu. Par ailleurs, ce n’était là qu’un aspect de ce que je ressentais: à Rome, je sentais déjà qu’il y avait des choses à faire en Suisse.

Le simple fait d’affirmer que vous n’en aviez pas envie est surprenant!
Le cardinal Ratzinger disait depuis longtemps qu’il se réjouissait de sa retraite pour écrire des livres… Alors bien sûr qu’en arrivant sur le balcon, il n’a pas dit: «Quelle tuile! Je veux rentrer chez moi.»

Il y a des chances que vous soyez rappelé à Rome? Franchement…
On le dit parce que j’y ai vécu et que beaucoup pensent que j’y ai eu un rôle important. Mais c’est voir les choses à distance, un peu comme les Américains peuvent parfois voir la Suisse à l’image de Heidi. En fait, à Rome, il y a beaucoup de prêtres, 80 cardinaux et une multitude d’évêques. Ce que j’y ai fait n’était pas aussi important qu’on le pense parfois en Suisse. Maintenant je regarde simplement ce que je fais ici, sans me soucier du passé ni de l’avenir. Je suis bien là où je suis.

Quel est votre message pour Pâques?
Un message d’espérance. La mort est quand même un obstacle fondamental pour la vie humaine, c’est peu dire… Et la résurrection, c’est vraiment passer par-delà la mort. Ce message change déjà la vie des gens… JnG

Commentaires

J'ai été touché par ces mots de Mgr Charles Morerod. "Maintenant je regarde simplement ce que je fais ici, sans me soucier du passé ni de l'avenir. Je suis bien là ou je suis." Ces paroles sont digne de notre Cher Padre Pio, auquel je vais prier pour lui demander de soutenir et inspirer Mgr Morerod dans son Diocese. GOD SPEED Mgr Charles Morerod.

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