«Notre travail porte pour 80% sur le carbone»

| jeu, 22. mai. 2014
Benoît Grelier est responsable de la recherche et développement pour Scott Sports. Depuis Givisiez, l’ingénieur établi en Gruyère dirige la production de plus de 500000 vélos par an. Le gros de la recherche porte sur les cadres à base de fibres.

PAR THIBAUD GUISAN



Le bureau vitré donne sur l’autoroute A12. C’est dans ce vaste open space de Givisiez que naissent tous les vélos de la gamme Scott. Sur les écrans des ordinateurs fribourgeois, on dessine et on modélise. «Et à partir des schémas, on calcule les performances aérodynamiques, le poids et la rigidité des cadres», explique Benoît Grelier.
Originaire de Vendée, cet ingénieur mécanicien français de 37 ans s’est installé en Gruyère il y a douze ans. Vététiste confirmé, il a sa licence à la Pédale bulloise. Mais, surtout, il est depuis huit ans responsable de toute la recherche et développement des vélos Scott. Autrement dit, l’habitant de Morlon pilote la production d’un demi-million de vélos par an: du modèle de compétition à celui pour enfants, en passant par les vélos électriques. Il dirige sept ingénieurs, qui collaborent avec trois designers.


Encore 80% d’alu
Le cadre, c’est le squelette du vélo. Dans ce domaine, l’acier a vécu son âge d’or jusqu’au début des années 1980. L’aluminium l’a supplanté. Mais, aujourd’hui, c’est sur le carbone que porte le gros des recherches. «A ce jour, 80% de nos vélos ont des cadres alu, explique l’ingénieur. Ce matériau est performant et son processus de production est maîtrisé. On peut dès lors concentrer nos efforts sur le carbone. On y consacre 80% de notre travail de développement.» La production se fait, elle, en Chine.
Les premiers prototypes Scott à base de fibres remontent à 1995. Ils ont été commercialisés un an plus tard. «Aujourd’hui, on sort entre quatre et six nouveaux modèles en carbone par an. On travaille avec au minimum deux ans d’avance sur la mise sur le marché.»
Le grand atout du carbone, c’est sa légèreté. Dans ce matériau, un cadre pèse moins d’un kilo, alors qu’il faut rajouter 600 grammes pour sa version alu. Autre propriété: sa rigidité. «L’avantage, c’est que la perte d’énergie est faible, vu que le  cadre se déforme moins sous les efforts du cycliste. Mais un vélo trop rigide ne pardonne pas les erreurs de pilotage, car il renvoie tous les chocs à l’athlète. Il faut trouver le bon équilibre entre rigidité et confort.» Le carbone reste toutefois encore cher. Exemple: un VTT suspendu en carbone se vend à 4000 francs, contre 2000 francs pour sa version alu.


Conservé à –18°C
Benoît Grelier était récemment un des orateurs de la Journée technologique du Réseau plasturgie. A l’école d’ingénieurs de Fribourg, il présentait le processus de production. En résumé: pas de soudage de tubes comme avec l’alu, mais du moulage.
La matière première se présente sous la forme de rouleaux de plusieurs dizaines de mètres. Ce «tissu», de 0,2 mm d’épaisseur, se compose à 65% de fibres de carbone et à 35% de résine. «La résine, c’est la colle qui lie les fibres entre elles. Plus il y a de résine, plus le cadre est facile à mouler. Mais plus il est lourd aussi. Il faut trouver un bon équilibre.» Les rouleaux sont stockés à –18°C, «pour préserver leurs propriétés».


Comme des autocollants
Un noyau en latex – de la forme du cadre – est ensuite recouvert de couches de ce fin tissu technologique. C’est la phase dite du drapage. «Au minimum cinq, six couches se superposent.» Ce «tissu» est préalablement découpé, selon les formes du cadre, «pour éviter tout pli». Les éléments – entre 250 et 270 pièces – sont appliqués à la main, comme des autocollants. «L’automatisation est difficile, parce que les cadres en carbone sont produits en séries limitées.»
Le drapage terminé, le «latex habillé» est placé dans un moule, puis chauffé durant quarante minutes dans un four à 135°C. «En même temps, de l’air est injecté. Il force le latex à plaquer les couches de carbone sur la forme du moule.» A la fin de la cuisson, le latex ramolli est retiré: le cadre, d’au moins 1 à 1,2 mm d’épaisseur, est creux.
Scott a créé une joint venture avec une société chinoise. En Asie – «où la main-d’œuvre est moins chère, tout en étant précise dans les manipulations» – l’entreprise fribourgeoise dispose de sa propre ligne de production à l’intérieur d’une plus grande usine. «En tout, 900 personnes, dont une quarantaine d’ingénieurs travaillent exclusivement pour nous», résume Benoît Grelier.
Sortis d’usine après les tests de qualité, les cadres sont expédiés aux Pays-Bas pour être dotés de leurs composants. Ce n’est qu’après que les vélos en carbone peuvent parcourir les routes fribourgeoises. Ou celles du Tour de France.

 

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Un siège mondial fribourgeois


Oui, Scott a des origines américaines, mais le groupe est aujourd’hui fribourgeois. Depuis un peu plus de quinze ans, la société – Scott Sports SA – a son siège mondial à Givisiez, où elle emploie 200 collaborateurs. Dans le monde, le groupe emploie 700 personnes: avant tout des représentants, des vendeurs et des contrôleurs qualité.
Dans la périphérie de Fribourg – où il est installé depuis 1978 – Scott concentre ses secteurs administratif et financier, la gestion de ses ressources humaines, une grande partie de ses ventes et la gestion de ses stocks (principalement situés en Belgique et aux Etats-Unis). S’y ajoutent la recherche et le développement de tous les produits de la marque, en lien avec le vélo, le ski et la moto.
En revanche, la production est largement sous-traitée. «C’est notre philosophie. Nous nous concentrons sur le savoir-faire et non sur la fabrication», explique Pascal Ducrot, vice-président du groupe. Cet ancien cycliste pro a participé au rachat de la société en 1998, aux côtés de l’actionnaire majoritaire et actuel directeur, Beat Zaugg.
Seuls deux produits sont directement fabriqués par Scott: les bâtons de ski, près d’Aoste, et les masques de ski et de motocross, en Autriche et aux Etats-Unis. «Ce sont deux produits historiques», note Pascal Ducrot. En effet, Ed Scott, le fondateur américain du groupe, lançait les premiers bâtons de ski en aluminium en 1958.


Les vélos comme moteur
Aujourd’hui, c’est bien le vélo, en pleine croissance, qui porte la société. Le secteur assure 80% de son chiffre d’affaires, «contre 60% il y a six ou sept ans». En 2014, 510000 vélos doivent être produits, contre 200000 dix ans plus tôt.
En 2013, Scott a dégagé un chiffre d’affaires de 450 millions de francs: un résultat en légère baisse et inférieur aux prévisions. «L’année a été difficile, commente Pascal Ducrot. La principale explication, c’est que le printemps a été inexistant au niveau mondial. Cette année, ça se présente mieux.» TG
 

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