Comment densifier la ville, sans pour autant la défigurer

| jeu, 19. fév. 2015
La révision du Plan d’aménagement local de la ville de Fribourg pourrait se résumer en un mot: densification. Ce défi pose d’innombrables questions.

PAR DOMINIQUE MEYLAN

 

La ville du XXIe siècle
Nicole Surchat Vial. La nouvelle architecte de la ville de Fribourg défend le projet de Plan d’aménagement local (PAL). Actuellement au stade des intentions de planification, le dossier doit encore être affiné avant d’être mis à l’enquête publique, probablement mi-2016.

Quels sont les enjeux de la révision du PAL?
Notre Plan d’aménagement local n’est plus conforme à la législation. La révision doit donner une vision de la ville au XXIe siècle. La question démographique est centrale: on parle de 11000 nouveaux habitants et 9000 emplois d’ici 2030. Ce PAL doit permettre un développement aussi bien économique que résidentiel. Pour ne pas devenir une cité-dortoir, il faut autant de nouveaux emplois que de nouveaux habitants. Nous visons un développement de qualité.

Avec 11000 habitants et 9000 emplois supplémentaires, le bâti ne va-t-il pas exploser?
Pas tant que cela. Il y a suffisamment d’espace. C’est l’enjeu de la densification. Nous avons encore des parcelles libres en zone à bâtir. Certains grands terrains d’activité vont se transformer. La densification peut se faire sur des tissus urbains déjà construits. Il existe aussi des dents creuses. Si on prend le fond de Pérolles, toute une série d’îlots ne sont pas complets.

Y a-t-il une réflexion quartier par quartier?
Nous menons actuellement des réflexions complémentaires pour gagner en précision. Nous sommes partis d’une tache sur le Plan directeur communal, une densification un peu généralisée. Nous allons retravailler cela, mais sans régler chaque parcelle: il y aurait un côté mégalo à vouloir planifier toute la ville. Nous voulons donner des intentions directrices.
Il faut aussi laisser la place à des parcs, des squares ou des lieux de promenade. Parallèlement, le Service des biens culturels va recenser tous les bâtiments et les périmètres à préserver. Le Conseil communal devra ensuite se déterminer sur cette mise en protection.  

Y a-t-il des garanties de protection de la ville historique?
Bien sûr! Nous allons maintenir des règles assez strictes. Nous devons prendre soin du patrimoine: la partie historique constitue un bijou, c’est le modèle urbain le plus innovant que je connaisse. Si on savait imaginer la ville du XXIe siècle comme au Moyen Age, ce serait vraiment bien.

Des schémas laissent penser que la Neuveville n’est pas incluse dans la zone historique...
Ce n’est pas le cas. La Neuveville est clairement protégée.

La perspective d’immeubles de 28 mètres inquiète.
Il existe certains secteurs, par exemple le fond de Pérolles, où on peut monter jusqu’à 28 mètres. Ce ne sont pas des tours, les tours font plutôt 60 mètres. Ce sera le potentiel maximal. Il ne faut pas s’imaginer une ville où les immeubles de 28 mètres seraient généralisés. Dans les zones de villas, nous avons doublé la capacité de densité. Mais ça restera des maisons.

La ville va-t-elle tirer un bénéfice de cette densification?
En termes d’augmentation de densité, il n’est pas prévu de taxe sur la plus-value. Financièrement, ça ne rapportera rien. Le développement du logement a plutôt un coût. Il faut construire des crèches, des parcs ou des écoles. C’est pour ça qu’il est très important d’offrir des conditions cadres pour soutenir le développement économique.

Qu’est-il prévu pour les écoles, sachant que la situation est déjà tendue?
Nous allons d’abord répondre aux besoins existants et ensuite déclencher la réflexion sur la deuxième vague, qui arrivera avec les perspectives offertes par le nouveau PAL.

Reste-t-il de la place pour des espaces verts?
Nous profitons actuellement de la Sarine, de collines et de corridors qui convergent vers la rivière. Nous aimerions réaliser un réseau d’espaces verts. C’est comme une charpente paysagère qu’on devrait retrouver dans chaque rue. Cela pourra se matérialiser par une allée d’arbres ou un petit square. Nous devons encore travailler à l’échelle des quartiers.

Comment les transports seront-ils gérés?
Nous travaillons sur un système de pénétrantes avec des poches cloisonnées. L’idée, c’est qu’on ne passe plus par le centre pour traverser Fribourg, mais qu’on utilise un système périphérique. Nous voulons aussi reporter une partie des déplacements vers les transports publics et la mobilité douce.

N’y a-t-il pas trop de places de parc?
Une grande action sur le stationnement est introduite dans le PAL. Le nombre de places va aller en diminuant. Mais nous ne pouvons pas corriger tous les espaces prévus sur les fonds privés. A chaque nouveau projet, nous allons essayer d’améliorer la desserte en transports publics et corriger l’offre en stationnement.

Avez-vous suffisamment tenu compte des avis de la population et des associations?
Nous sommes partis de cela. Le PAL couvre des domaines tellement nombreux, qu’on ne peut pas donner satisfaction à tout le monde. Il y a une pesée d’intérêts qui est faite par le Conseil communal. Fin 2014, l’Exécutif a participé à un nombre incalculable de séances et a pris des options. On y retrouve clairement la vision présentée à la population.

 

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Craintes et critiques
Jean-Luc Rime. Le président de l’association Pro Fribourg, qui s’engage depuis plus de cinquante ans pour la défense du patrimoine, suit de près la révision du Plan d’aménagement local (PAL) de la ville. L’image future de Fribourg est au centre de ses inquiétudes.

La première critique de Pro Fribourg porte sur la manière dont a été menée cette révision du PAL...
Les autorités de la ville ont très mal préparé la révision du PAL. Le travail a commencé en 2006, mais la planification a été réellement mise en œuvre en 2014. Tout cela s’est fait un peu à la hussarde, sous pression des délais: le canton a menacé Fribourg de ne plus approuver aucun plan de construction tant qu’il n’y aurait pas une révision en cours.

L’opinion de la population a-t-elle été suffisamment prise en compte?
Vers 2006, des groupes de travail ont été impliqués dans les réflexions. Mais les résultats ont disparu dans des classeurs. On a l’impression que nos autorités et leurs planificateurs n’ont pas conscience de la qualité exceptionnelle de Fribourg. Avec Berne, nous avons la plus grande ville médiévale de Suisse, ainsi que des quartiers de très grande qualité, comme Gambach, Pérolles, la Vignettaz ou le quartier d’Alt.

Quelles sont vos craintes par rapport à la densification?
Densifier est un enjeu louable, mais on doit assurer une qualité de vie aux habitants. Il faut des transports efficaces, des espaces publics et des écoles en suffisance. On voit que la ville est déjà dépassée par cette problématique, alors qu’elle attend plus de 10000 habitants supplémentaires: on construit des pavillons scolaires provisoires dans tous les quartiers. Je n’ai pas l’impression que cette problématique est mieux anticipée dans la révision du PAL. Ces aspects ne sont pas du tout maîtrisés.
Je ne vois pas non plus des garanties sur la qualité. Pour nous, si on offre une grande densité à des promoteurs, il faut leur demander  d’assurer en contrepartie non seulement une grande qualité architecturale, mais aussi le financement d’infrastructures ou d’espaces publics avec les bénéfices qu’ils réalisent. Il y aurait des fonds énormes à trouver de ce côté-là.

Comment évaluez-vous le choix des zones?
De ce qu’on a pu apprendre, il y a une volonté de densifier la ville avec des gabarits de 28 mètres, soit une dizaine d’étages, qui seraient généralisés sur des secteurs entiers. Aucune ville de Suisse ne pratique des gabarits à une échelle pareille. Si vous prenez la rue de Locarno qui est déjà très étroite et que vous rajoutez cinq niveaux, vous vous retrouvez dans un canyon.
La ville de Fribourg a des quartiers avec des identités très fortes. Si on veut les densifier, il ne faut pas dire, c’est 6, 8 ou 10 étages partout. Nous voyons des gros manquements dans la préparation fine du dossier.

Comment jugez-vous les mesures de protection de la vieille ville?
Pro Fribourg est très remontée: nous n’avons aucune garantie sur le maintien de ces mesures ou leur amélioration, quand elles présentent des défauts. Il y a eu des déclarations verbales, mais rien sur le papier.  

Et pour les transports?
Dans ce qui a été présenté aux différentes séances d’information à la population en 2014, le volet des transports donne l’impression d’être le fruit d’une réflexion cohérente. La ville doit gérer une situation où il existe pas loin de 40000 places de parc. On ne peut pas empêcher les gens d’y venir. Il faut gérer différemment les stationnements construits dans les nouveaux immeubles. On pourrait même imaginer des quartiers sans voitures avec des systèmes de car-sharing de type Mobility.

Quels sont les outils que va utiliser Pro Fribourg pour tenter d’imposer ses idées?
Malheureusement, l’aménagement du territoire dans le canton de Fribourg est quelque chose de totalement autoritaire, puisque le Conseil communal est souverain. J’ai eu dans le cadre de la commission du patrimoine de la ville l’occasion d’exprimer les malaises que suscite cette révision. Nous espérons que les choses vont être reprises, remises à plat en travaillant avec des équipes pluridisciplinaires et en impliquant les différents milieux intéressés. Si nous ne sommes pas entendus, Pro Fribourg organisera des oppositions d’envergure lorsque la révision sera mise à l’enquête publique.

Les autres villes se trouvent-elles face aux mêmes problèmes de densification?
De manière assez générale, on se rend compte que l’aménagement du territoire a totalement changé, qu’un architecte ou un aménagiste ne peut plus gérer ce domaine seul, que les formations existantes ne correspondent plus vraiment aux besoins des villes. A Fribourg, on doit renouer le contact avec la population: il y a un décalage total. Pourquoi, à Berne, tous les nouveaux quartiers et les plans d’aménagement sont approuvés par la population, alors qu’à Fribourg on a peur de montrer cela au Conseil général?

Mais il y a eu des séances d’information...
La vidéo était très sympathique. Dans le document Visions et objectifs, une partie de ces perspectives s’est déjà perdue. Et on ne sait pas ce qu’ils ont imaginé sur les plans.

Commentaires

'Comment évaluez-vous le choix des zones? De ce qu’on a pu apprendre, il y a une volonté de densifier la ville avec des gabarits de 28 mètres, soit une dizaine d’étages, qui seraient généralisés sur des secteurs entiers. Aucune ville de Suisse ne pratique des gabarits à une échelle pareille. Si vous prenez la rue de Locarno qui est déjà très étroite et que vous rajoutez cinq niveaux, vous vous retrouvez dans un canyon. La ville de Fribourg a des quartiers avec des identités très fortes. Si on veut les densifier, il ne faut pas dire, c’est 6, 8 ou 10 étages partout. Nous voyons des gros manquements dans la préparation fine du dossier.'' Faut arrêter un peu... Déjà pour commencer 28 mètres, c'est 9 voire 10 étages mais pas plus. Si on regarde à Genève, il y a de nombreux quartiers entiers qui possèdent un tel gabarits et ils n'y a jamais eu mort d'hommes... et que même pour le futur quartier des Prailles, il y aura de nombreuses tours qui s'ajouteront à cette échelle là. 28 mètres maximum devrait même être une norme exigé pour les grandes villes centres, Fribourg on est une aussi faut le savoir.

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