Claude Lässer: enchanté de l’avoir fait, mais ravi d’en voir la fin

| jeu, 29. déc. 2011
Claude Lässer a passé quinze ans au Gouvernement. Avant de devenir le Picsou le plus célèbre du canton, il a dirigé les Travaux publics.

PAR DOMINIQUE MEYLAN


Si le canton se porte financièrement si bien, c’est un peu grâce à lui. Claude Lässer a géré le ménage fribourgeois ces dernières années sans se laisser aller à trop d’excès. Cela lui a valu le surnom de Picsou, mais force est de constater que ces quelques économies, savamment orchestrées, permettent aux autorités de voir l’avenir d’un œil serein.
Claude Lässer a suivi un itinéraire classique, qui l’a mené au Conseil d’Etat avec une certaine rapidité et une apparente simplicité. Licencié en sciences économiques, il se découvre un intérêt pour la politique lorsqu’il est engagé comme économiste communal à Marly. Il retourne travailler dans le privé, mais devient conseiller communal, puis syndic. En 1991, il est élu au Grand Conseil. Après une législature seulement, il accède au Conseil d’Etat. D’abord à la tête des Travaux publics de 1997 à 2004, il passe aux Finances quand Urs Schwaller part au Conseil des Etats. Nous l’avons rencontré dans la semaine précédant son départ.

Dans quel état d’esprit êtes-vous?
Après quinze ans au Conseil d’Etat, je suis content d’avoir accompli cette mission. Je vais remettre ma direction sans état d’âme. La charge est lourde et je suis ravi d’aller vers un emploi du temps plus léger.

Est-ce à dire que votre mandat vous a demandé des sacrifices?
Il faut faire attention aux termes. Personne ne nous met un pistolet sur la tempe pour être candidat. C’est une période limitée dans le temps et on le sait. Il y a beaucoup d’heures de représentation. Il y a, d’une part, les obligations et, d’autre part, le plaisir. Je n’ai pas traîné ma charge. J’y ai trouvé beaucoup de satisfaction.

Est-ce qu’il y a un moment dont vous vous souvenez en particulier?
Il n’y a pas un moment, mais plutôt des flashs. Je me rappelle des débuts. Tout de suite, j’ai démarré sur les chapeaux de roues. Je devais aller à Lausanne pour une séance sur l’avenir des usines d’incinération. Le chef du Service de l’environnement a dû me faire un topo dans la voiture. En fait, je m’en suis rendu compte ensuite, cela ne s’arrête jamais. Ce qui me frappe, c’est la densité du temps.

Avez-vous souffert de critiques?

ça, c’est mon jardin secret. J’ai de la peine avec les attaques mensongères ou sur la personne. Mais, globalement, le climat politique est bon.

Votre trajectoire est classique. Un hasard?
Je n’ai jamais eu de plan de carrière. En 1991, lorsque je suis devenu député, je ne m’imaginais pas entrer plus tard au Conseil d’Etat. Avec le recul, cela s’est fait assez rapidement, mais je n’avais pas ce sentiment sur le moment. Mon seul credo est le suivant: dans les options qu’on prend, il faut s’ouvrir des portes, plutôt que d’en fermer.

Une porte s’ouvre, celle d’un mandat au Conseil des Etats. C’est un poste qui pourrait vous intéresser?
Je vais y réfléchir en tout cas. Le poste n’est pas inintéressant, loin de là. Comme je le disais, je ne veux fermer aucune porte.

Et sinon, comment envisagez-vous votre retraite?
Bien! Ce sera une retraite active. J’ai notamment été nommé au conseil  d’administration de Groupe E dans cette optique.

Les Finances sont certainement le département qui vous correspond le mieux. Quel intérêt y avez-vous trouvé?
C’est une matière intéressante, dans le sens où l’on doit se préoccuper de tous les autres départements. La négociation est permanente. Il faut aussi parfois laisser aller et ne pas être celui qui bloque tout.
 
Pourtant, vous souffrez d’une réputation de Picsou...
Si j’avais tout bloqué, il n’y aurait pas de RER, pas de nouvelles routes, pas d’EMS supplémentaires... En sept ans et demi, nous avons augmenté le nombre de prestations. Avec la démographie fribourgeoise, nous avons ouvert de nouvelles classes. Nous avons introduit une allocation maternité pour toutes les femmes. Nous avons amélioré les conditions du personnel de l’Etat.

N’avez-vous pas profité de belles années?
Bien sûr que c’était de belles années. D’autres cantons ont vécu la même chose et n’ont pas constitué de réserves. Ce n’est pas quand les temps sont durs qu’on peut mettre de l’argent de côté. Nous avons dû nous battre pour faire passer cette idée, notamment auprès des députés qui avaient des dizaines d’idées pour dépenser l’argent de la BNS.

Êtes-vous, comme vous le dites, de nature optimiste?
Mais oui! Si ça va bien, c’est peut-être qu’on agit. Si un résultat est meilleur que prévu, c’est peut-être qu’on a corrigé le tir. Le rôle du directeur des Finances est de tout remettre en cause. Il faut que les projets soient argumentés, que leur nécessité soit démontrée, que toutes les possibilités d’économies aient été étudiées. Ce n’est jamais une dépense qui pose problème, mais une accumulation.

 

UN DES ARTISANS DE LA H189
Avant de devenir grand argentier, Claude Lässer a dirigé pendant sept ans l’actuel Département de l’aménagement, de l’environnement et des constructions, qui s’appelait encore Direction des travaux publics. A ce titre, il a suivi le début du projet de contournement de Bulle. Pourtant, c’est la construction de la Saidef qui l’a le plus marqué.

Pourquoi donner une telle importance à une usine d’incinération des déchets?
Pour beaucoup, ce n’est pas un dossier intéressant. C’est un peu vexant. Le canton de Fribourg a fait preuve de courage et a pris les choses en main pour régler ses problèmes, alors qu’il aurait été tellement plus facile d’envoyer ses déchets ailleurs. C’est en cela que cette construction est marquante.

A quel stade avez-vous trouvé la H189?
Quand je suis arrivé, il y avait une importante levée de boucliers contre un tracé prévu du côté du bois de Bouleyres. J’ai commencé par constituer un comité de pilotage pour trouver une alternative.

Est-ce cela qui a pris du temps?
Oui et non. Choisir par où on allait passer a été assez facile. Mais, définir le tracé avec précision a été compliqué. Le travail a été long, car pour chaque nouvelle variante, il fallait donner un mandat à des ingénieurs.
 
Durant cette période, il y a eu l’accident du Mont-Blanc...
Cela a provoqué un changement des normes de la Confédération. Berne, qui subventionnait la H189 pour deux tiers, n’arrivait pas à avoir une position ferme et définitive. Il a fallu d’abord obtenir toutes les autorisations, dont l’aval du peuple, et après seulement la Confédération a examiné le projet. Avec quelques mauvaises surprises, comme la décision de ne pas subventionner des fouilles archéologiques devisées à 15 millions de francs. Avec les nouvelles normes de sécurité, nous avons aussi dû augmenter la distance entre la sortie des tunnels et les giratoires.  Nous avons résolu ces difficultés, mais cela a pris du temps.

Les débuts du pont de la Poya ont-ils été aussi difficiles?
C’est complètement différent. Nous nous sommes échinés sur le tracé du pont de la Poya, mais nous avions moins de marge de manœuvre. C’est un concours d’architecture qui a imposé l’idée d’un pont à haubans. Je me souviens des difficultés posées par son arrivée, qui était prévue initialement dans le parc de la Poya. Nous avons imaginé des variantes à la louche. La commission fédérale des Biens culturels s’y opposait constamment. Après plusieurs essais, elle nous a finalement dit qu’une sortie dans ce secteur était impossible. DM
 

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