Vainqueur en 1996 du slalom géant d’Adelboden, Michael von Grünigen présente la classique d’aujourd’hui. Retraité depuis 2003, le champion de Schönried évoque l’arrivée de nouveaux skis l’hiver prochain.
PAR THIBAUD GUISAN
Fait plutôt rare pour un athlète. Michael von Grünigen a été prophète en son pays. Le skieur de Schönried (BE), à la sortie du Pays-d’Enhaut, a souvent brillé sur le mythique slalom géant d’Adelboden. Vainqueur en 1996, il est aussi monté à quatre reprises sur la deuxième marche du podium de l’Oberland bernois. Retraité depuis 2003, «von Grü», 42 ans, quadruple vainqueur du globe de géant, double champion du monde et médaillé de bronze olympique s’est confié à
La Gruyère avant le départ, aujourd’hui, de la 56e édition du géant d’Adelboden.
Michael von Grünigen, parmi vos 23 victoires en Coupe du monde, que représente votre succès d’Adelboden?
C’est une belle victoire, obtenue en plus avec une grosse avance (n.d.l.r.: 1’’83 sur Urs Kaelin!). Cette course a toujours été spéciale, car je skiais comme à la maison, près de Schönried, dans l’Oberland bernois. En plus, Adelboden m’a toujours bien convenu. C’est là que j’ai obtenu mes premiers points en Coupe du monde, lors de la saison 1988-1989. Avec le dossard 54, j’avais fini aux alentours de la 18e place. Mais un titre mondial est logiquement plus prestigieux qu’une victoire à Adelboden. Comme un globe de géant a plus de valeur qu’un titre de champion du monde.
Le géant d’Adelboden est-il le plus difficile de la Coupe du monde?
C’est sûrement une des pistes difficiles du circuit, avec un départ très raide, des passages de transition un peu plus plats et une pente finale spectaculaire. Avant, c’était encore plus dur à skier, car il n’y avait pas de neige artificielle: on ressentait beaucoup plus les mouvements de terrain. Mais il y a d’autres courses difficiles, comme Alta Badia ou Kranjska Gora. La plus longue était à Hinterstoder. Adelboden reste toutefois une classique, fixe dans le calendrier, avec de nombreux spectateurs (n.d.l.r.: près de 30000).
Depuis votre retraite à la fin de la saison 2002-2003, avez-vous constaté des changements dans la manière de skier en géant?
De 2003 à il y a deux ans, il n’y a pas eu de grosses différences. Mais, depuis la saison dernière, j’ai l’impression qu’on skie davantage à la limite. Il n’y a qu’à regarder Ted Ligety ou Marcel Hirscher. La concurrence a peut-être augmenté, ce qui les oblige à prendre plus de risques. C’est devenu encore plus intéressant à suivre. Mais l’entrée en vigueur du nouveau règlement, la saison prochaine, devrait provoquer encore plus de changements.
La Fédération internationale de ski (FIS) a en effet décidé que les skis de géant seraient plus longs (minimum de 195 cm, contre 185 cm aujourd’hui) et moins taillés (rayon minimum de 35 m contre 27 m). Quelles seront les incidences en course?
Les nouveaux skis seront moins agressifs. Ils ne permettront plus de skier de manière aussi directe. Il y aura certainement davantage de phases de glisse, mais aussi plus de drift avant la porte (n.d.l.r.: dérapage, braquage en dérapant), car les skis réagiront moins vite à l’entrée du virage.
Est-ce une option positive?
L’objectif de la FIS est de réduire le risque de blessure. On ne peut qu’y être favorable. Plus le ski est taillé, plus il y a de forces qui se développent dans le genou et dans le dos. Et cette énergie a tendance à rester dans le corps. Avec le drift, l’énergie accumulée quitte le genou. Dans ce sens, le nouveau matériel devrait réduire les contraintes sur le corps. Mais le ski n’est pas le seul facteur. La préparation des pistes, la mise en place des virages ou la construction des sauts doivent aussi être prises en compte pour réduire les contraintes sur les genoux.
Cette décision a toutefois déclenché une grosse polémique. Cet automne, Ted Ligety parlait d’un retour dans le passé. Et que, avec de tels skis, Alberto Tomba et Michael von Grünigen pouvaient sans problème effectuer leur come-back…
Ce n’est pas mon idée et certainement pas celle de Tomba (rires). Ligety est celui qui maîtrise les skis actuels de manière la plus optimale. De son point de vue, c’est naturellement un désavantage s’il doit courir avec un autre matériel. Mais c’est surtout la communication qui a été maladroite. La FIS a pris sa décision sans consulter les athlètes ni les fabricants. Pour le reste, ça ne va pas être si grave. Les meilleurs athlètes actuels vont s’adapter et rester les plus rapides. Par contre, les juniors auront peut-être plus de difficultés à s’adapter. Ils ont grandi avec les nouveaux skis et ils n’ont pas connu les anciens, moins taillés.
Revenons à l’équipe nationale. Traditionnellement, elle a toujours possédé de grands géantistes. Excepté Carlo Janka, on constate un vide. La Suisse serait-elle devenue une nation de skieurs de vitesse?
Non, je ne crois pas. C’est toujours une question de vagues. Cette saison, il y a encore eu peu de slaloms géants. Carlo Janka était un peu blessé avec son dos. Didier Cuche a surtout bien couru dans les disciplines de vitesse. Mais en janvier cela peut être différent. Didier Défago est de retour. Il peut vite y avoir deux ou trois athlètes qui se motivent parmi et se tirent la bourre. C’est toujours mieux d’avoir des points de comparaison à l’interne.
Il n’empêche, à 37 et 34 ans, Didier Cuche et Didier Défago ne sont pas l’avenir du slalom géant suisse…
Effectivement, mais ils doivent encore apporter quelques grosses performances pour permettre que les jeunes, derrière, puissent prendre le relais. Je pense à un Reto Schmidiger ou à un Justin Murisier, même s’il est malheureusement blessé cette saison. Je suis optimiste pour l’avenir du géant suisse.
N’avez-vous toutefois pas l’impression que la discipline a perdu en popularité auprès des jeunes skieurs, par rapport à des disciplines de vitesse, plus fun?
Non, les disciplines techniques gardent tout leur attrait auprès des jeunes. Elles ne sont pas démodées. Au niveau des blessures, elles sont d’ailleurs moins risquées que les épreuves de vitesse. En plus, la descente est aussi devenue plus technique avec le nouveau matériel. Avant, un athlète grand et lourd, mais aussi un peu courageux, était rapide. Aujourd’hui, un bon descendeur doit aussi être un bon technicien. Si on prend Wengen, les points de départ et d’arrivée sont les mêmes on part et on arrive au même endroit qu’il y a dix ans. Mais le tracé est environ 300 à 400 m plus long. Les virages sont bien plus nombreux.
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De mécano à entraîneur
Mécanicien sur machines agricoles de formation, Michael von Grünigen n’est pas prêt de remettre les mains dans le cambouis. Depuis sa retraite en 2003, le Bernois est employé par son ancienne marque de ski, la firme autrichienne Fischer. «Je m’occupe de tests et de développement, spécialement comme coordinateur dans le suivi de jeunes athlètes que nous équipons.» L’ancien champion assume également des mandats pour d’anciens sponsors, et a fondé sa propre entreprise, pour l’importation et la distribution d’un appareil de fitness américain destiné à l’entraînement du skieur, le skier’s edge.
L’hiver, «von Grü» donne trois à quatre entraînements par semaine. Au sein du Ski-club Schönried – il s’occupe des OJ – mais aussi au Centre régional de performance de Gstaad. L’homme ne se dit pas tenté par un poste d’entraîneur chez Swiss-ski, la fédération nationale. «Il y a déjà eu plusieurs demandes dans ce sens. J’aurais de l’intérêt à le faire, mais je serais tout le temps loin. La priorité, aujourd’hui, c’est la famille.»
La famille, c’est son épouse Anna, mais aussi trois garçons. L’aîné, Noel, 16 ans, membre du cadre régional BOSV, dispute pour la deuxième année des courses FIS. Elio, 13 ans, appartient au cadre OJ du BOSV, tandis que le cadet, Lian, 10 ans, est membre du Ski-club Schönried. TG
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