A 9 h 12, lundi matin, le troupeau principal de moutons de la Schafscheid traversait le centre de Bellegarde. Le soleil et les habitués étaient arrivés un peu plus tôt et tout était en place pour vivre une 418e édition de grande cuvée.
Les quelque 300 bêtes, dûment munies de leur parure colorée, semblaient aussi fières que leurs accompagnateurs: une quinzaine de jeunes, dont certains pas beaucoup plus hauts que trois pommes, conduisaient le troupeau, visiblement heureux d’être de la fête.
Parmi eux, Mallaury Genoud. On rencontre la jeune Charmeysanne de 17 ans à côté de l’enclos où viennent d’arriver les bêtes. Elle explique avec un grand sourire: «Beaucoup ont des parents ou des amis propriétaires de moutons et ne manqueraient cette fête pour rien au monde. Certains accompagnent les moutons dès qu’ils savent marcher. Parfois, les plus grands portent les plus petits sur le dos.»
Ces jeunes se sont réunis à 6 h 30 pour commencer le travail sous la direction de Daniel Buchs, le gestionnaire de l’alpage du Schafberg, où ces moutons ont passé l’été. Il a succédé à son père et a pris la responsabilité de l’alpage en 2003. «C’était un bel été pour les moutons, confie-t-il. Ils sont en pleine forme.»
Plaisir, passion et fierté
A en croire le plaisir, la passion et la fierté affichés sur les visages des jeunes guides du troupeau, on se dit que cette tradition de la Schafscheid a de l’avenir. Un jeune paysan valaisan qui participe à la fête constate : «C’est étonnant tous ces jeunes qui s’intéressent encore à cette tradition agricole.»
Mallaury Genoud confie pourtant qu’elle aimerait bien rester active dans ce domaine, «mais c’est beaucoup de travail pour peu de résultats.» Elle résume l’état du marché du mouton qui n’est guère attractif pour les paysans, ni dans le domaine du lait de brebis ni dans celui de la viande et encore moins pour la laine. A de très rares exceptions, être propriétaire d’ovins est une passion plus qu’une affaire.
61 participations
Ce qui n’empêche pas les propriétaires d’être tendus lors de la Schafscheid. Sur les 300 animaux du troupeau, trois quarts repartiront chez la quinzaine de propriétaires qui ont confié leurs moutons à Daniel Buchs. Mais un quart «partira pour la viande», ainsi que d’autres animaux ne faisant pas partie du troupeau, également mis en vente hier. Et c’est leur prix qui se joue lors de la Schafscheid.
Alphonse Allaman, de Charmey, y participe pour la 61e fois. Il va vendre quatre moutons et nous explique les règles. Les animaux sont pesés, puis tâtés sous toutes les coutures par des experts. Ils estiment leur valeur et indiquent un prix. Puis les acheteurs misent. Hier, les prix étaient bons. Un vendeur de Romont regrettait d’ailleurs de n’avoir amené qu’une bête: «Si j’avais su, j’en aurais pris plus.»
Les acheteurs savent exactement ce qu’ils veulent. La vente est théâtrale, avec les uns qui secouent la tête de dépit, laissant entendre que «non vraiment, ça ne vaut pas le prix» et les autres qui… secouent la tête de dépit en pensant que «non, vraiment, ça valait plus».
C’est, en fait, le marché qui décide, pour l’essentiel, explique Jacques Benzoni, de la maison du même nom, installée à Aubonne: «La demande de viande de bonne qualité, méritant le label «agneau d’alpage», est très bonne actuellement, contrairement à celle de viande de deuxième qualité. D’habitude, les prix sont plus élevés en été, mais cette année, ils ne sont pas montés aussi haut que prévu en juillet. C’est actuellement qu’ils sont élevés.» D’où le contentement de certains propriétaires qui, hier, ont vendu au bon moment.
Journée de fête
Ils profiteront donc encore mieux de la fête. Comme tous les jeunes qui guidaient le troupeau, une fois que le travail est accompli, chacun veut profiter au maximum, des réjouissances. La Schafscheid, c’est aussi une très belle kermesse populaire et, hier, de nombreux stands étaient installés dans le village pour les visiteurs, manifestement sous le charme. Le soir, les habitants de la région et certains visiteurs poursuivaient les festivités dans une soirée dansante et endiablée.
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