«On profite de la situation et de notre ignorance des lois»

| sam, 20. oct. 2012
Ils débarquent en Suisse pour travailler. Ils sont mis en lien avec un loueur de chambres meublées. Ils dénoncent les prix pratiqués pour parfois loger à plusieurs par chambre. Enquête à Bulle.

PAR JEAN GODEL

Des travailleurs étrangers logés à plusieurs par chambre pour 800 francs par mois et par personne: le scénario se passe à Bulle, de nos jours. Une agence immobilière, Swiss AlpesGruyère à Bulle, gère en effet divers immeubles qui lui sont confiés et qu’elle loue par chambres meublées. Voici les témoignages, concordants et établis, de plusieurs anciens locataires de l’immeuble de la rue de Vevey 34, en dessus d’Ebullition et du bar Le IIIe.

Lui (portugais)
Il débarque en octobre 2010 dans un quatre pièces et demie en duplex d’environ 90 m2. Il affirme, preuve en main, avoir payé 700 francs par mois. Pour ce prix, il loge dans une chambre d’environ 16 m2 en partie mansardée. Il dispose d’un lit simple, d’une chaise, d’une armoire et d’une table. L’appartement est rénové, mais sans luxe. Il est doté de deux petites salles de bain communes avec machine à laver, d’une cuisine ouverte commune de moins de 20 m2 qui fait office de salle à manger et de salon avec télévision.
Quelques mois plus tard, lorsque la régie veut loger un colocataire dans sa propre chambre, «sans même en baisser le loyer» assure-t-il, il refuse et quitte l’appartement, sans payer le dernier mois. Il est aujourd’hui aux poursuites. «Au début, la régie m’a dit qu’après trois mois, le loyer pourrait passer à 500 fr. et même à 400 fr. après six mois.» Il est resté un an et a toujours payé 700 francs.

Eux (français)
Il est arrivé à Bulle en juin 2011 par le biais du bureau bullois d’une agence de travail intérimaire qui, via internet, lui a trouvé un emploi (plusieurs témoins ont suivi le même parcours). Avec lui, son frère et un ami, tous Français, pour la première fois en Suisse. «Sur le coup, ça nous a arrangés.»
Les trois partagent une chambre en partie mansardée de 25 à 30 m2. Ils paient 800 francs par mois. Par personne. Ils protestent et le loyer passe à 700 francs après deux mois. L’un d’eux retourne en France quelque temps. «Lorsque je suis revenu, le loyer était passé à 900 francs pour un mois», montre-t-il sur sa fiche de paye débitée du montant du loyer. Pour trois mois, c’était 600 francs. «Ça changeait tout le temps, en fonction de la durée du séjour. De la tête du client aussi.»
Sa petite amie le rejoint. Donc, à ce moment-là, logeaient dans la même chambre: lui, elle, un ami et un Portugais qui avait remplacé le frère, parti entre-temps. La régie exige 900 francs par personne, y compris pour la petite amie qui dort dans le lit de son compagnon. Sur le palier d’en face, un Portugais occupe une pièce tandis qu’en bas (c’est un duplex), une troisième chambre est louée par un Africain et une quatrième par un couple d’Europe de l’Est avec leur nourrisson. En tout, neuf personnes pour un duplex de 90 à 100 m2.
Le jeune couple de Français s’en va et refuse de payer les deux derniers loyers. Il est aujourd’hui lui aussi aux poursuites.

Lui (français)
«Le vendredi, je trouvais le job sur internet, le dimanche je roulais vers Bulle, témoigne encore un autre. Quand je suis arrivé dans le deux pièces, un couple y vivait déjà. Ils sont rapidement partis et je suis resté seul plus de deux mois. J’ai eu de la chance. Mais la régie a refusé de me louer tout l’appartement.»
Le loyer? 700 francs d’abord, puis 900 fr. Ensuite est venu un jeune dont la mère connaissait des gens à la régie: pour lui, c’était 400 francs. «Je payais pour les autres», s’insurge le Français. Un beau jour, on lui propose une deuxième personne dans la chambre: il refuse et s’en va.

Eux (portugais)
Ils vivent en couple dans l’une des deux pièces d’un appartement (l’autre est occupée). Un lit double, une armoire, les quelques affaires amenées du Portugal entassées sur une chaise et une table. Ni stores, ni volets, ni rideaux: ils ont assombri les fenêtres avec du plastique noir. Le loyer? 650 francs par personne. Soit 1300 fr. par mois pour une chambre d’environ 13 m2. La femme ne parle pas français. Elle a les yeux gonflés de fatigue: leur chambre donne sur la rue, juste au-dessus du bar Le IIIe.

Le service hôtelier
Les annonces parlent de service hôtelier. Selon les différents témoignages, les femmes de ménage viennent une fois par semaine et ne disposent pas du temps nécessaire. Les draps de lit sont changés tous les quinze jours. Dans un cas, le lave-vaisselle serait resté en panne deux mois, le lave-linge un mois. Dans le 4,5 pièces, parfois occupé par huit personnes, le frigo dispose d’un simple bac de congélation.
Plusieurs témoins parlent de visites inopinées de la régie avec des clients potentiels jusque dans les chambres occupées.

Les locataires
Pour la plupart, ce sont des travailleurs européens en provenance de pays touchés par la crise. Il y a aussi des étudiants de l’Ecole hôtelière de Glion.
Les locataires sont en situation régulière. La plupart ont un permis L ou B, alors que d’autres sont simplement aux poursuites: autant d’entraves à la location d’un appartement à des conditions normales. «On profite de notre ignorance des lois et de l’urgence de notre situation», résume un témoin.

 

------------------

 

Plus cher que le commercial
Comparons les tarifs relevés avec ceux de l’immobilier commercial, réputé élevé et qui se calcule en francs par mètre carré et par année. A Bulle, à la rue de Vevey 34, trois personnes ont payé un certain temps 800 francs par personne et par mois pour loger ensemble dans une chambre de 25 à 30 m2. Ce que conteste José Lorente. Ce qui fait environ 1000 francs le mètre carré par an. Même en ajoutant la jouissance des espaces communs, on reste en dessus de 700 francs. Renseignements pris, le mètre carré commercial en rez-de-chaussée avec vitrine à la Grand-Rue de Bulle se loue entre 450 et 550 francs par an.
Enfin, au Foyer Saint-Justin, à Fribourg, la chambre meublée individuelle de 15 à 20 m2, avec douche et W.-C. à l’étage, est louée entre 210 et 425 francs par mois. Sont inclus: le nettoyage toutes les trois semaines, le changement de draps tous les quinze jours, le chauffage. Et le petit déjeuner. JnG
 

 

----------------

 

«Nous n’exploitons personne»
José Lorente dirige la société Swiss AlpesGruyère, à Bulle, qui gère plusieurs immeubles qui lui sont confiés, dont celui de la rue de Vevey 34. «Les propriétaires nous louent le bâtiment en entier. Ensuite, nous faisons des prix comme pour un hôtel, mais en chambres.»
Il conteste fermement imposer le logement à plusieurs par chambre: «Si deux personnes louent une grande chambre double à 700 francs par personne tout inclus, et qu’ils décident de la partager à trois, c’est leur choix. Jamais on n’impose de loger à plusieurs. Nous ne louons que des chambres simples ou doubles, pas multiples.»
Et en cas d’arrivée d’une compagne? «Si c’est une présence constante, on demande le prix pour deux personnes. Sinon, on ne peut rien faire.» Il explique d’ailleurs que la régie effectue des contrôles réguliers. «Il y a aussi de la casse, même si ça fait partie du risque. Certains locataires nous laissent parfois des logements dans un état pitoyable. Et puis on enregistre régulièrement des impayés que nous poursuivons.»
«C’est comme à l’hôtel»
Quant au service, José Lorente le compare à celui d’un hôtel: «Comme dans un hôtel, tout est inclus. Pas seulement le nettoyage, une à deux fois par semaine, mais aussi les changements de draps, le chauffage, le WiFi et la télévision. Seuls la nourriture et les ustensiles de cuisine ne sont pas fournis. Il y a aussi une réception à la régie en cas de problème. C’est le même service que pour l’Ecole hôtelière de Glion avec laquelle nous collaborons depuis dix ans.»
José Lorente explique d’ailleurs que c’est Glion qui est à l’origine de cette activité: «C’est un marché de niche qui correspond à un besoin. Personne n’est obligé de venir chez nous, il y a assez d’appartements à Bulle. On n’exploite personne.»
Il fait aussi remarquer que les travailleurs étrangers sont dans une situation particulière: «Ils n’ont souvent pas la possibilité de louer un appartement normal parce qu’ils ne savent pas combien de temps ils resteront. Ça dépend des entreprises, notamment de construction, qui les engagent avec un contrat à durée déterminée.» JnG

Commentaires

Et avec tout cela... comment l'ORP explique que ses services n'arrivent pas à placer "nos" chômeurs ?? du travail il semble y avoir... visiblement ;O
ATé QUE EMFIM QUE A RIALIDADE VEM à TONA!!AGORA é VER O QUE FAZ A JUSTICA SUISSA A ESSA IMOBILIARIA!! FICAMOS à ESPERA DAS PROXIMAS NOTICIAS.

Ajouter un commentaire

CAPTCHA
Cette question est pour tester si vous êtes un visiteur humain et pour éviter les soumissions automatisées spam.

Annonces Emploi

Annonces Événements

Annonces Immobilier

Annonces diverses