Des robots cartésiens nés dans l’ex-usine de verre

| jeu, 11. oct. 2012
L’ancienne usine de verre Saint-Gobain abrite plusieurs petites entreprises. Patrick Piccand s’est spécialisé dans la fabrication de robots industriels. La démolition du site oblige tous ces entrepreneurs à trouver de nouveaux locaux.

PAR THIBAUD GUISAN

«C’est le système du boulanger qui enfourne son pain avec sa palette.» Patrick Piccand évoque son dernier-né: un robot chargé de préparer des assortiments de gélules médicamenteuses. Le dispositif a été installé cet été dans la salle blanche d’une entreprise pharmaceutique suisse.
Ingénieur électronicien, Patrick Piccand, 49 ans, s’est mis à son compte en 2002, en fondant Peritec. Une société en nom propre, qu’il gère seul et d’abord installée dans le garage de son domicile de Pringy. Depuis 2006, il loue 100 m2 dans l’ancienne usine Saint-Gobain à La Tour-de-Trême. La destruction programmée de la friche industrielle l’obligera à un nouveau déménagement d’ici à la fin de l’année.


Du chocolat au tabac
Dans l’ancienne zone de production de quartz, l’ingénieur fait naître des robots cartésiens. Cartésiens, parce que leurs déplacements suivent des droites perpendiculaires. Par opposition aussi aux robots anthropomorphes, à bras articulés. Les solutions de Patrick Piccand se sont fait une petite réputation auprès des industriels. «L’horlogerie et le secteur alimentaire sont les clients les plus réguliers», dit cet ingénieur volubile.
Patrick Piccand a ainsi réalisé un robot pour un chocolatier français. La machine permet de remplir des ballotins (boîtes de pralinés) de différentes sortes de douceurs. «Le client passe commande par internet et le robot remplit les paquets selon la demande.» Un autre robot a été installé dans une industrie du tabac, en Pologne. «Il s’agissait de programmer la préparation d’échantillons de moutures différentes pour leur analyse en laboratoire.»
L’ingénieur produit ses robots (quasi) de A à Z. Seules la découpe au laser et certaines soudures sont confiées à des sous-traitants. «La production d’une machine neuve me prend en gros huit mois. Il faut en général compter trois mois pour le dessin en 3D et la conception du logiciel informatique, trois mois pour la fabrication des pièces et deux mois pour la mise au point.» Le prix de vente du produit final atteint jusqu’à 100'000 francs.
La production de robots neufs représente un tiers de l’activité de Patrick Piccand. Les deux autres tiers sont assurés par la réparation et l’entretien de machines industrielles et par le rétrofitage. Soit la transformation d’anciennes machines robotisées. «La mécanique a très souvent une durée de vie supérieure à l’électronique», expose l’entrepreneur.


Le défi de Reuge
Exemple sur l’établi. Reuge SA, le célèbre producteur de boîtes à musique de Sainte-Croix (VD), lui a confié la conception d’une machine à accorder les claviers de boîtes à musique: des petits «peignes» en acier (allié à du silicium), longs de 10,5 cm.
Patrick Piccand a trouvé la solution en «rétrofitant» une machine vieille de quarante ans. «Les notes émises sont transformées en fréquences. Un capteur magnétique mesure la fréquence. Ensuite, un tableau électronique compare la note désirée à la fréquence émise.» Le cas échéant, le robot meulera les lames du petit clavier. «Si on réduit l’épaisseur de ces lames, elles vibreront à une fréquence plus basse. La note sera donc plus grave.»
Entre les robots neufs et les robots rétrofités, l’ingénieur produit entre deux et cinq machines par an. Son épouse l’appuie pour l’administratif. «Le temps entre deux mandats est plus ou moins long. Il y a des moments de vaches maigres et d’autres où je dois refuser du travail. Cette irrégularité ne me permettrait pas d’engager un collaborateur.»
Et, puis, l’ingénieur avoue qu’il aime assister seul à la naissance de ses robots. «C’est comme un peintre. Il n’engage personne pour l’aider à faire sa toile…»

 

------------------

 

Exil programmé de PME
Une page va se tourner. Un quartier d’immeubles devrait remplacer la friche industrielle de Saint-Gobain à La Tour-de-Trême. La démolition du site d’environ 16000 m2 a été mise à l’enquête il y a un mois (La Gruyère du 15 septembre 2012). Le début des travaux est prévu pour 2013.
La dizaine de PME et micro-entreprises qui ont colonisé l’ancienne usine de verre – fermée à la fin des années 1980 – ont jusqu’à la fin janvier 2013 pour se trouver de nouveaux locaux. Patrick Piccand a choisi de se rapprocher d’une société de la région, qui l’hébergera. «Je viens de me décider. Je dois encore informer mes clients avant de pouvoir en dire plus.»
Autre exemple. Bull’Jardin avait son fief à Saint-Gobain depuis une quinzaine d’années. L’entreprise de jardinage-paysagisme a déjà quitté les lieux, en mai dernier, pour rejoindre la zone artisanale du Closalet. «Il est très difficile de trouver des locaux à prix abordable dans la région, relève le patron Jean-Pierre Wehren. Je souhaitais rester à La Tour-de-Trême. Quand des locaux se sont libérés, j’ai sauté sur l’occasion.» A la tête de 22 employés, Jean-Pierre Wehren disposait de près de 800 m2 à Saint-Gobain: pour ses bureaux et le stockage de matériel et de véhicules.
Installée dans l’ancienne usine depuis 2002, l’école de danse K’Danse est de son côté à la recherche de locaux. «Nous disposons de salles à Montreux et à Fribourg, mais le but est de rester à Bulle», expose son directeur Mario Reisch. Son école accueille environ 200 élèves à La Tour-de-Trême. TG

Ajouter un commentaire

CAPTCHA
Cette question est pour tester si vous êtes un visiteur humain et pour éviter les soumissions automatisées spam.

Annonces Emploi

Annonces Événements

Annonces Immobilier

Annonces diverses