Et puis maintenant, quoi?

| sam, 27. oct. 2012
Le bannissement de Lance Armstrong est l’un des plus grands scandales de l’histoire du sport. Quatre amoureux du vélo évoquent les suites à donner. L’avenir du cyclisme passera par la crainte infligée aux tricheurs.

PAR KARINE ALLEMANN


Le plus grand champion du cyclisme effacé des tabelles: voilà sans doute un des événements les plus marquants de l’histoire du sport. Des anciens copains de Lance Armstrong qui ne témoignent qu’après avoir été contrôlés positifs au soutien que le Texan aurait pu obtenir en haut lieu à grand coup d’EPO-dollars: tout, dans cette affaire, suinte la tricherie, la couardise et la corruption. Hier, l’Union cycliste internationale (UCI) a annoncé que les sept Tours de France entre 1999 et 2005 resteront sans vainqueur. L’Américain devra aussi rendre toutes ses primes de course.
Si l’affaire Lance Armstrong est loin d’être réglée, la question est maintenant de connaître les conséquences qu’elle peut avoir pour le vélo, au niveau de la base notamment. Nous avons posé trois questions à Richard Chassot (président de Swiss Cycling et directeur du Tour de Romandie), Jean-Marc Rohrbasser (président de l’Union cycliste fribourgeoise), José Yerly (président de la Pédale bulloise) et Pierre Bourquenoud (cycliste professionnel entre 1996 et 2004).

L’affaire Armstrong est-elle une bonne ou une mauvaise chose pour le cyclisme?
Les avis divergent. Pour Jean-Marc Rohrbasser, «c’est une catastrophe». «Depuis l’affaire Festina en 1998, c’est sans arrêt que l’on rabâche des affaires de dopage, regrette le président de l’UCF. Je ne devrais peut-être pas le dire, mais, actuellement, j’aurais presque honte d’aller trouver une entreprise pour lui demander de sponsoriser une course. Heureusement, au niveau cantonal, on a déjà pris les devants avec un règlement qui exclut de notre association tous les tricheurs.»
Opinion bien différente chez Pierre Bourquenoud: «Que tout sorte au grand jour est une très bonne chose! Au moins, cela montre que le vélo fait le travail dans la lutte contre le dopage. C’est sûr que si Sepp Blatter était président de l’UCI, tout aurait toujours été tout beau et tout propre. Je sais que les gens sont sceptiques. Mais je suis persuadé que le peloton n’a jamais été aussi sain.»
Le président de la Pédale bulloise José Yerly abonde: «Au moins, les jeunes honnêtes vont se dire: “Maintenant, c’est peut-être possible de faire une carrière professionnelle sans se doper.” Le milieu devient toujours plus sain.»
Pour Richard Chassot, la lecture du problème est double: «Ce scandale est une très mauvaise nouvelle, évidemment. Mais il permet au moins de constater que le cyclisme prend le problème au sérieux. Quand on s’attaque à un problème, ce qu’on trouve est rarement positif. Ensuite il faut tirer les enseignements de ce constat. Quand les dirigeants du foot disent qu’ils effectuent 5000 contrôles par année et qu’ils ne trouvent rien, c’est prendre les gens pour des fous.»
Et le directeur du Tour de Romandie de poursuivre: «Désormais, les médecins et les soigneurs malintentionnés savent que l’étau se resserre. Ils vont moins oser s’approcher d’un coureur de 20 ans. Moi aussi, je suis persuadé que le peloton est nettement plus sain.»
Si tous se félicitent que «le plus grand tricheur de l’histoire du cyclisme», comme le décrit le rapport de l’agence américaine antidopage, ait enfin été attrapé, ces amoureux du vélo que sont Pierre Bourquenoud et José Yerly rappellent néanmoins: «Champion des Etats-Unis de triathlon à 16 ans, champion du monde de vélo à 19 ans, Armstrong reste un gros moteur, souligne l’ancien professionnel. Et puis, n’oublions pas que ses principaux adversaires n’étaient pas tellement mieux.»
José Yerly poursuit: «C’était un monstre d’entraînement! Quand on regardait ses courses, techniquement, on se disait qu’il avait un talent extraordinaire. Il a révolutionné le cyclisme! C’est le premier à avoir mouliné dans les bosses. C’est aussi parce qu’on l’a admiré que l’on se sent trahi aujourd’hui.»

Quelles répercussions à l’échelle régionale?
Pour Pierre Bourquenoud, au-delà des scandales, l’un des grands problèmes du cyclisme régional reste le manque de courses organisées en Suisse. Idée rapportée aussi par Richard Chassot: «Le canton est actif dans le cyclotourisme, mais il n’y a pas beaucoup d’énergie de mise dans la compétition. Par contre, ce genre d’affaire peut conforter des parents dans l’idée que leur enfant a meilleur temps de rester dans le vélo plaisir. Alors que, de mon côté, je n’aurais aucune crainte si mon fiston voulait se lancer dans le vélo.»
De son côté, Jean-Marc Rohrbasser reconnaît que le vélo sur route bat de l’aile et que le VTT a sauvé les clubs et l’Union fribourgeoi­se. «Sans le mountain bike, on serait mort!»
Le constat de José Yerly est nettement plus nuancé, puisque la Pédale bulloise enregistre un nombre constant de membres (n.d.l.r.: 150 jeu­nes à l’école de vélo et 250 membres en tout). «A la rentrée de septembre, 25 gamins ont commencé le vélo!» Et au niveau du soutien des sponsors? «Je n’ai jamais entendu une seule entreprise me dire qu’elle refusait ou arrêtait un soutien à cause de ça. A l’échelon régional, nos relations avec nos partenaires sont des histoires d’amitié et de confiance.»
S’il vit grâce au cyclisme, Richard Chassot ne s’inquiète pas outre mesure: un sponsor qui s’en va, c’est un autre qui arrive. «Et par rapport à l’annonce selon laquelle Rabobank se retire du vélo, je me dis que si ça peut mettre une bonne baffe à ceux qui avaient prévu de se doper en 2013, tant mieux!»

Quelles suites donner à l’affaire?
Les quatre hommes attendent des sanctions exemplaires à l’encontre de Lance Armstrong, tout en souhaitant que l’enquête se fasse aussi auprès des instances dirigeantes et sur le plan pénal, pour mettre fin aux réseaux et aux laboratoires qui fournissent les produits.
Reste que, pour Pierre Bourquenoud, l’acharnement dont est victime Lance Armstrong est démesuré: «Qu’en est-il de Bjarne Riis, qui a avoué s’être dopé en 1996? Et Jacques Anquetil, qui a avoué lui aussi? Va-t-on lui retirer ses cinq Tours de France? Je ne trouve pas juste que le traitement ne soit pas identique pour tout le monde.»
Et l’ancien pro de revenir sur la situation actuelle: «C’est sûr que quand je vois rouler l’équipe Sky (n.d.l.r.: équipe de Bradley Wiggins, vainqueur du Tour de France 2012), je suis sceptique… Mais je reste persuadé que le peloton est toujours plus sain. Et puis, le vélo s’est relevé de tous les scandales. Tant qu’il y aura du monde au bord de la route…»
Pour José Yerly, l’avenir ne s’éclaircira qu’avec de lourdes sanctions contre les tricheurs: «Je suis prof et j’ai pu remarquer que, avec certains jeunes, seule la peur du prix à payer leur évite de faire une connerie. C’est comme au volant d’une voiture. Quand on a très envie d’appuyer sur la pédale des gaz, c’est la crainte de l’amende et du retrait de permis qui nous retient.»
Même discours chez Richard Chassot, qui ne croit pas aux vertus d’un discours moralisateur: «Il faut bien communiquer sur cette idée: aujourd’hui, gagner un Tour de France en trichant équivaut quasiment à se faire choper un jour. Il faut que les coureurs se rendent compte que si l’embellie est agréable en cas de victoire, elle sera suivie de très mauvais moments. C’est ce qu’est en train de vivre Lance Armstrong.»

Commentaires

Peut-on gagner le Tour de France sans dopage ???

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