PAR VALENTIN CASTELLA
A l’aube de la saison dernière, Christian Dubé était la recrue phare de l’effectif fribourgeois. Double champion de Suisse, meilleur compteur de la ligue: le Québécois avait pour mission de dynamiter les défenses adverses en compagnie de son ami Simon Gamache. Les projections n’ont finalement pas été à la hauteur des attentes. En cause: un début de saison plombé par une commotion et une luxation de l’épaule. De malheureux événements qui l’avaient tenu éloigné de la glace pendant deux mois.
Aujourd’hui, ces événements font partie du passé et c’est tant mieux pour Fribourg-Gottéron, qui réalise un probant début de championnat, à l’image de son top-scorer (huit points en autant de rencontres).
Christian Dubé, votre début de saison contraste avec le précédant…
Oui, mes débuts n’avaient pas été évidents. Maintenant, tout va beaucoup mieux. Je me sens bien. Mais il ne faut pas s’enflammer. Ce titre de top-scorer est sympathique, mais il ne m’apporte pas grand-chose. A 35 ans, je n’ai plus besoin de courir après de bonnes statistiques. Mon objectif est d’apporter mon maximum à l’équipe, quitte à m’impliquer davantage au niveau défensif.
Comment expliquez-vous le succès de Fribourg, qui ne compte aucun joueur de NHL?
Ces gars venus de NHL ne sont pas surhumains. Le championnat de Suisse est de qualité et personne ne s’amuse ici. Notre équipe peut compter sur un bon équilibre et des lignes solides, ce qui nous permet de battre n’importe qui.
L’un des autres points forts de Fribourg semble son état d’esprit. Vous êtes d’ailleurs considéré comme l’un des clowns du vestiaire…
Lorsque j’étais débutant, les anciens m’impressionnaient beaucoup. Face aux jeunes, j’essaie de me mettre à leur place et de faire en sorte qu’ils se sentent à l’aise, qu’ils osent me poser des questions. Et puis, vous savez, j’aime tellement le hockey et cette ambiance de camaraderie que j’ai simplement plaisir à me retrouver avec mes coéquipiers. C’est pour cette raison que je fais parfois le fou.
Cet esprit de corps va-t-il vous manquer lorsque vous aurez mis un terme à votre carrière?
Oui, beaucoup. Avec l’équipe, nous partons trois fois par semaine en guerre. On souffre et on gagne ensemble. C’est quelque chose de très spécial. Ce sentiment de camaraderie va certainement être celui qui va le plus me manquer lorsque je serai à la retraite.
Vous y pensez?
Je bénéficie encore d’une année de contrat et je compte bien continuer par la suite. Je mets tous les atouts de mon côté pour y parvenir en restant très professionnel, tant au niveau de l’hygiène de vie que physique. Ensuite, je pense que je vais rester dans le hockey, dans le management. Cela fait depuis l’âge de 4 ans que je baigne dans ce milieu grâce à mon père et seize ans que je suis pro. Je ne sais faire que ça (rires).
Lorsque vous avez été chargé la saison dernière par Josh Holden, on a vu Simon Gamache à vos côtés…
Oui, j’ai revu les images et il semblait prendre soin de moi, même si je me rappelle juste avoir repris connaissance sur la civière. Nous jouons ensemble depuis six ans. On se connaît parfaitement sur la glace et on s’apprécie énormément en-dehors. C’est d’ailleurs avec lui que je fais le plus souvent le clown.
De vous, il dit que vous avez toujours une seconde d’avance dans la tête par rapport à vos adversaires. Est-ce l’une de vos qualités?
Lorsque je jouais avec Gretzky à New York (n.d.l.r.: il a disputé 33 matches en NHL, de 1996 à 1999), il disait qu’il savait où allait aller le puck avant même de le recevoir. Cela lui procurait toujours un avantage sur les autres. Et c’est vrai que l’anticipation est une grande force.
Qu’est ce que vous vous dites lorsque vous observez votre parcours?
A 11 ou 12 ans, je me demandais toujours «Mais qu’est ce que tu vas faire en l’an 2000?» Cette année là, j’étais hockeyeur professionnel. J’avais donc réalisé mon rêve. Avec deux titres de champion du monde juniors, deux sacres en Suisse et un trophée de meilleur compteur de la ligue, je peux me montrer fier de mon parcours.
Et s’il ne devait rester qu’une chose de vos seize années de professionnalisme?
Probablement mon but en NHL, sur un assist de Gretzky. Petit, ce joueur était mon idole. J’avais des posters de lui dans ma chambre. Il m’impressionnait beaucoup.
Quel est maintenant votre plus beau défi?
Gagner le titre avec Fribourg. Je suis venu pour ça et ce serait extraordinaire de devenir champion ici.
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Attaché à ses racines
L’homme quitte les vestiaires vêtu du polo officiel du club. La poignée de main franche, il tient dans l’autre main un Ovo froid. «Vous vous êtes mis à la sauce helvétique?» lui demande-t-on. Il sourit et répond que «cela fait déjà longtemps qu’il est à la mode suisse.» Fils du joueur professionnel Normand Dubé, l’attaquant a vécu cinq ans à Sierre, une année à La Chaux-de-Fonds et six ans à Martigny. C’est seulement à l’adolescence qu’il a retrouvé sa terre natale et son célèbre accent. «Oui, j’ai grandi en Suisse mais, à la maison, on parlait québécois. D’ailleurs, aujourd’hui, je fais un effort pour que vous compreniez tout ce que je dis. Sinon, mon accent serait pire que celui de Simon Gamache (rires).»
Extrêmement sympathique et simple, Christian Dubé parle avec enthousiasme de son Québec, là où vivent ses parents, ses sœurs et ses amis. «J’y retourne trois mois l’été, dans ma maison au bord de l’eau. Cela me permet de décompresser.» Attaché à ses racines, même s’il se dit «presque plus Suisse que Canadien en ayant vécu plus du trois quart de sa vie ici», l’attaquant va retrouver les siens une fois sa carrière terminée. «La Suisse va quand même me manquer. J’habite au centre-ville de Berne et je peux aller à pied me promener dans les parcs avec mes enfants, aller en commission en tram. Au Canada, c’est impossible. Cette vie est très agréable.»
L’entretien se termine, l’heure est à la pose. Le Québécois jette rapidement son ovo froid et sourit: «Il ne faut pas qu’on me voit avec ça sur la photo. Ce n’est pas un sponsor.» On appelle ça du professionnalisme. vac
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