PAR DOMINIQUE MEYLAN
Depuis le 1er octobre, le Conseil d’Etat a officialisé une «tradition bien ancrée aux quatre coins du canton», selon les termes utilisés vendredi dans un communiqué de presse. Certains commerces fribourgeois, qui organisent des manifestations à caractère festif, ont désormais la possibilité d’employer du personnel sans autorisation deux dimanches par année. Certaines précautions ont été prises: la commune doit donner son feu vert à l’ouverture du magasin et une annonce auprès du Service public de l’emploi est requise.
Le Conseil d’Etat se montre rassurant dans son communiqué. Par cette ordonnance, il ne vise pas «à généraliser les ouvertures des commerces et l’emploi de travailleurs deux dimanches ou jours fériés par an, mais à clarifier le cadre formel autour d’une pratique déjà existante». Ce texte permet aussi de garantir une égalité de traitement entre les magasins.
Ces précautions ne suffisent pas au syndicat Unia, qui dénonce vivement cette «nouvelle attaque contre le congé dominical». Armand Jaquier est secrétaire régional chez Unia, responsable de la région Fribourg. Lui-même goûte très peu à cette ordonnance.
Deux dimanches par an, cela reste raisonnable. Pourtant c’est déjà trop selon vous?
Oui et pour plusieurs raisons. Le travail du dimanche nuit à la santé des travailleurs. La loi limite cette possibilité à des besoins urgents pour le consommateur: acheter des meubles ou une voiture ne remplit clairement pas cette condition. Le Tribunal cantonal s’est prononcé contre les ouvertures dominicales, à moins qu’elles ne soient dûment justifiées. Et le peuple fribourgeois, qui a été consulté à plusieurs reprises, a toujours rejeté les tentatives de libéralisation.
Le Conseil d’Etat évoque une tradition bien ancrée. Les ouvertures dominicales sont déjà une réalité. Y a-t-il vraiment un changement notable?
Ce n’est pas une tradition, mais une violation bien ancrée de la loi. Le Tribunal cantonal, sur injonction du Tribunal fédéral, s’est prononcé contre cette espèce d’automatisme qui permet d’ouvrir certains commerces le dimanche. Il a jugé que cette pratique n’était pas correcte.
L’ordonnance se limite à des ouvertures pour des manifestations festives. Cette précaution n’est-elle pas suffisante?
Vous offrez deux verres de vin blanc à l’entrée et vous pouvez déjà reven-diquer un caractère festif. Nous estimons qu’ouvrir un garage le dimanche et proposer un apéro n’est pas une fête.
Le canton pourrait se montrer strict sur l’application de cette ordonnance...
Selon nous, la volonté du Conseil d’Etat n’est pas d’être strict. Ce caractère festif est juste une précaution pour demeurer dans la légalité.
Les organisations de défense des travailleurs n’ont-elles pas été consultées?
Absolument pas. Le Conseil d’Etat devrait pourtant veiller à un équilibre entre les différents intérêts. Il aurait dû en discuter avec les premiers concernés.
Unia affirme ne pas vouloir rester inactif. Mais est-il possible d’attaquer une ordonnance?
Nous sommes en train d’examiner s’il est possible d’attaquer juridiquement une ordonnance. Nous n’avons pas encore la réponse.
A Berne, le Parlement réfléchit à une ouverture des magasins jusqu’à 20 h en semaine et 19 h le samedi. Le bateau prend l’eau de tous les côtés. Votre combat n’est-il pas perdu d’avance?
Les attaques contre la protection des salariés se multiplient. Il y a une volonté forte de la part des distributeurs d’allonger les heures d’ouverture. Mais pour le moment, le bateau n’est pas touché, il ne prend pas l’eau. Les dernières votations nous ont toujours donné raison.
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