PAR JEAN GODEL
Dans les années 1970, le Tout-Paris fréquente ses restaurants. Dès 1984, sur Canal+, la planète télé découvre, éberluée, ce chroniqueur culinaire gouailleur en guerre contre la malbouffe. Aujourd’hui, à bientôt 75 ans, Jean-Pierre Coffe s’enflamme pour sa nouvelle mission: transmettre aux enfants le goût des bonnes choses.
Infatigable, ce comédien, un temps meneur de revue à l’Alcazar, chroniqueur culinaire, écrivain et jardinier est en visite ce samedi au Salon des goûts et terroirs, à Bulle. L’occasion pour lui de dénicher dix produits coups de cœur puis, à 16 h, de donner une conférence sur les produits du terroir. A ceux qui pourraient railler la ringardise de son combat, voire de son personnage, Jean-Pierre Coffe oppose une sincérité touchante et une jubilation de jeune homme. Et un succès qui ne se dément pas.
Qu’est-ce qui vous motive à venir jusqu’à Bulle défendre encore et toujours les produits du terroir?
Découvrir quelque chose que je ne connais pas. Ce qui guide ma vie, c’est la curiosité. Et puis, je viens ici parce que j’aime la Suisse à qui je dois tout. Mon père a été tué pendant la guerre et, en 1944, j’ai été recueilli par une famille suisse, les Fleury, fermiers à Montmelon-Dessous dans le Jura. Durant un an et demi, j’y ai appris ce qu’était la nature mais aussi l’agriculture propre, respectueuse de l’environnement. Et ça, je ne l’oublierai jamais.
Êtes-vous toujours en rogne contre la malbouffe?
Je trouve que ça s’améliore. D’abord, les industriels commencent à prendre conscience que le consommateur en a assez de bouffer de la merde du matin au soir. Et moi qui travaille pour Leader Price, une enseigne de la grande distribution, je constate des efforts considérables. Quand je vais dans une usine et que je demande si l’on peut enlever les colorants, les arômes et toutes ces saloperies, on me dit: “Oui, c’est possible!” On le fait et on obtient des produits «clean». C’est une grosse révolution. Et puis les gens commencent à se former - vous me direz qu’il était temps…
Vous faites le pari de ramener l’industrie dans le droit chemin?
Je fais le pari de faire manger une grosse partie de la population, celle qui n’a pas beaucoup d’argent, des produits de qualité à des prix justes.
D’où vous vient cette rogne? Votre parcours est si atypique…
Je pense que, chacun dans son coin, on peut faire du bien. J’ai passé une partie de ma vie à faire prendre conscience aux gens, d’abord, qu’ils mangeaient de la merde, ensuite, qu’il était possible d’améliorer les choses. Vous savez, chez Leader Price, pas loin de mille produits ont déjà été refaits en trois ans, ce qui est un tour de force. Et les industriels ne demandent qu’à travailler dans ces conditions-là!
Vous êtes venu sur le tard à cette passion pour le bien manger…
Une fois, j’ai été ruiné et je me suis refait parce que j’avais une petite ferme avec des poules, des lapins et des cochons. Et j’ai ouvert un restaurant pour vendre mes produits.
Quels sont vos projets?
Je viens d’enregistrer la voix d’un dessin animé pour former les mômes. Un truc passionnant parce que c’est le combat de demain: que les parents prennent conscience que leurs enfants ne savent rien et essayer de leur inculquer la connaissance des produits. Cuisiner, c’est assez facile. On peut rater un plat, ce n’est pas grave: si le produit est bon, il reste bon. Mais connaître son origine, comment il pousse, s’il est fait convenablement, ça c’est important.
Qu’apprend-on dans ce dessin animé?
Ce qu’est la carotte, le beurre, le lait… Imaginez qu’il y a des enfants qui n’ont jamais vu une traite de vache! Le leur apprendre et les voir le découvrir est bouleversant. C’est pour ça que je suis tellement reconnaissant à la Suisse. J’y ai appris à faire l’amour en regardant un étalon monter la jument que me laissaient parfois conduire les Fleury pour aller à la laiterie…
Au Salon des goûts et terroirs viennent surtout des artisans. Vous qui coachez l’industrie, les avez-vous abandonnés?
Bien sûr que non, ils sont indispensables! N’oublions jamais ça: l’imagination culinaire vient des gens modestes, pas des rois de France. Quand il n’y avait que des pommes de terre à manger, il fallait bien trouver des recettes pour varier les plaisirs. Les riches, quand ils ne savent pas quoi bouffer, ils mettent du caviar sur un bout de pain et font semblant de se régaler. Mais la gastronomie, ce n’est pas ça! C’est savoir reconnaître un bon poulet en regardant s’il a de la terre sous les pattes.
Qu’est-ce qui vous émeut dans un bon produit?
Le regarder, avoir envie de le manger et me régaler. J’adore regarder les produits, vous ne pouvez pas savoir. Bien sûr que j’exagère, mais un beau fromage de tête, ça me fait bander! Des choses toutes simples. Mon plus grand plaisir, c’est de manger un œuf à la coque. Et je me souviens que, tout petit, à Noël, ma maman qui n’avait pas d’argent et moi, on mangeait une bonne baguette avec un morceau de gruyère. C’était notre repas du dimanche de Noël.
En Gruyère, vous êtes au pays de Nestlé et de son chocolat Cailler contre lequel vous avez mené une guerre impitoyable…
Je m’en fous, de Nestlé! D’ailleurs, comme tout le monde, ils font des progrès. Ce qui me dérange, c’est quand on rajoute dans le chocolat autre chose que du beurre de cacao. Pour moi, ce n’est plus du chocolat.
Qu’avez-vous mangé à midi?
Oh! ne me parlez pas de mon déjeuner! Depuis 9 h ce matin, dans le cadre d’une dégustation, j’ai goûté 118 pots de confiture. C’est surréaliste!
Infos sur le Salon sur: www.gouts-et-terroirs.ch
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