Autafond, 72 habitants heureux, mais bien seuls

| jeu, 14. fév. 2013
Une petite commune peut-elle s’en sortir seule? Avec des charges liées qui ne cessent d’augmenter, l’autonomie d’Autafond est restreinte. Elle semble inéluctable. Encore faut-il trouver un accord avec d’autres communes.

PAR DOMINIQUE MEYLAN

Autafond, à quelques minutes de Belfaux, partage une particularité avec Villarsel-sur-Marly et Prévondavaux dans la Broye. La population de ces trois villages est inférieure à 100 habitants, selon le dernier annuaire statistique du canton.
Au temps des fusions, de la globalisation et de la mobilité, comment se gère une petite entité? Quelles difficultés et quels avantages cela représente-t-il? Une telle situation est-elle viable à long terme? Toutes ces questions, qui sont également pertinentes pour les nombreux villages fribourgeois à peine plus grands, trouvent des réponses frappantes à Autafond.
Pour son syndic Adrien de Steiger, une telle situation n’est pas souhaitable à long terme. «Plus le temps passe, plus c’est difficile.» Paradoxalement, un village indépendant comme Autafond n’a bientôt plus aucune autonomie. Sur les quelque 220000 francs de budget annuel, les charges liées représentent plus de 150000 francs. Les investissements sont limités et la plupart des tâches passent par des conventions intercommunales.
La liste est longue: école, gestion des déchets, social, stand de tir, feu et protection civile, forêts, cimetière ou mensuration officielle, dans tous ces domaines Autafond est obligée de collaborer. «Il nous reste les routes communales, les réserves incendie et le bus scolaire», commente Adrien de Steiger.
«Le législateur légifère pour les grandes communes», ajoute le syndic. Et donc, pas pour les autres: quand Autafond doit intégrer le système informatique de l’Etat, il lui en coûte quelque 4500 francs. Avec 72 habitants, cela représente environ 62 francs par tête de pipe. Alors que pour Bulle ou Fribourg, le même montant se fond dans le budget global.
Pour Adrien de Steiger, la commune ne peut plus défendre ses intérêts. Les décisions se prennent à un autre niveau. Pour conserver des zones agricoles par exemple, c’est le canton et la Confédération qui légifèrent. «Pourquoi vouloir régenter ce qui n’est plus dans nos mains? On nous enlève la force de décider quoi que ce soit.»
Limité, le budget empêche tout projet d’envergure. Construire une déchetterie est complètement inenvisageable. Refaire le revêtement d’une route: oui, mais alors par petits tronçons.
Pourtant, Autafond n’a pas été obligée de drastiquement augmenter ses impôts ces dernières années. Le coefficient est fixé à 95% de l’impôt cantonal de base. Et la commune ne croule pas sous les dettes.


De la débrouillardise
Cela tient à un fonctionnement quasi familial, beaucoup de bénévolat et le recours au système D. Avec une rémunération comprise entre 500 et 1200 francs par année, les conseillers communaux sont à peine défrayés. Seule employée fixe, la secrétaire communale gagne 9000 francs par an pour un 20%. Et quand il s’agit de refaire une conduite, les agriculteurs du village participent aux travaux, ce qui permet de diviser la facture.
Trouver des conseillers communaux pourrait devenir un problème. Le réservoir est limité: la commune compte une cinquantaine de citoyens actifs. En outre, les procédures se complexifient. Les conseillers communaux doivent faire preuve de réactivité et de compétence, sans pouvoir se reposer sur une administration professionnelle.
Les conventions intercommunales sont certes une bouée de sauvetage pour Autafond. Mais, si l’on prend l’exemple des écoles, avec un représentant dans la commission scolaire de Belfaux, l’influence sur les décisions est assez limitée. Le petit doit souvent se plier à la volonté du grand.


Mais quelle fusion?
Adrien de Steiger milite donc pour une fusion. Actuellement, des discussions sont engagées avec Belfaux, Ponthaux et Grolley. Un problème majeur se profile cependant: Belfaux fait partie de l’agglomération de Fribourg et les trois autres communes ne veulent pas intégrer cette structure.
Si le processus n’arrive pas à son terme, Adrien de Steiger n’exclut pas une nouvelle tentative solo avec Belfaux. Un premier essai avait échoué en 2004 en raison d’un rattrapage d’impôt mal négocié. Le syndic d’Autafond le regrette encore: «Un gâchis monumental.»
Parallèlement, le préfet de la Sarine Carl-Alex Ridoré, dans son plan de fusions, avait proposé le mariage d’Autafond avec Belfaux, Chésopelloz, Corminbœuf, Grolley, Ponthaux et La Sonnaz. Pour Adrien de Steiger, le projet est irréalisable en l’état. De par l’avancement du processus 2c2g, qui inclut Chésopelloz et Corminbœuf. Et à cause de la problématique de l’agglo. «Chacun avance de son côté», déplore le syndic.

 

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Une série de curiosités
Autafond ne possède aucune zone à bâtir. Cette situation est due à plusieurs raisons, qui sont aussi surprenantes les unes que les autres. A commencer par la desserte en transports publics, inexistante dans le village.
Autafond ne possède pas de système commun d’épuration des eaux. La plupart des habitations sont équipées d’une fosse à lisier. Un ou deux propriétaires ont installé une petite station d’épuration individuelle. Pourtant, le collecteur de la Sonnaz traverse la commune. Autafond n’y est pas reliée «pour des raisons de coût et de proportionnalité», explique son syndic, Adrien de Steiger.  
Autre difficulté pour quelqu’un qui souhaiterait construire à Autafond: «A ma connaissance, nous sommes la seule commune du canton qui n’a pas de réseau d’eau», rapporte Adrien de Steiger. Les habitants s’approvisionnent grâce à des sources privées.
Deux noms au Conseil communal
Sans zone à bâtir, peu de nouveaux arrivants. Les deux tiers des habitants de la commune s’appellent Bapst, du nom d’une famille qui s’est installée à Autafond il y a plusieurs générations. Au Conseil communal, mis à part le syndic, tous les élus portent ce patronyme, même s’il n’y a aucun lien direct entre eux. Au mieux, sont-ils beau-frère et belle-sœur, cousin ou petit-cousin.
Cette structure assez stable de l’habitat permet au syndic d’avoir une connaissance sans faille de sa commune. «Il n’y a pas de clandestin à Autafond», assure-t-il, sûr de son coup.
Les assemblées communales se tiennent dans le carnotzet d’un privé, propriétaire de l’ancienne école. Une quinzaine de citoyens y prennent part habituellement, une trentaine pour les grandes occasions. Le Conseil communal n’a pas la tâche facile pour autant. Il fait face à un législatif averti. Autafond abrite des politiciens aguerris, à l’instar de l’ancien conseiller national Hubert Lauper.
Le secrétariat communal a été déménagé en 2011 dans un ancien appartement. Auparavant, la personne qui occupait cette fonction fournissait également les locaux. Les documents transitaient de domicile en domicile. Pour le plus grand bonheur de ses habitants, Autafond ne prélève pas d’émolument avant de produire le moindre acte. DM

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