Epée des chevaliers de la glace, la crosse livre ses secrets

| sam, 16. fév. 2013
La crosse est l’outil de travail du hockeyeur professionnel. Les cannes composites ont supplan­té les cannes en bois. Caractéristiques, coût, utilisation: la crosse se dévoile.

PAR THIBAUD GUISAN


Ces cannes-là ne sont pas des béquilles. Mais un outil de travail incontournable. Sans leurs crosses, les hockeyeurs seraient bien incapables de manier le puck. Comme l’épée des chevaliers, ces crosses magiques (ou parfois maudites) recèlent de petits secrets.
Enquête à bâtons (non) rompus à deux semaines du coup d’envoi des play-off de LNA.


(R)évolution matérielle
Les cannes en bois, c’est du passé chez les pros de LNA. Mais, étonnamment, pas depuis si longtemps. «Depuis quatre ans, plus aucun professionnel ne joue avec une canne en bois», estime le Glânois Olivier Sugnaux, chef matériel de Fribourg-Gottéron.
Place donc aux crosses composites. «Le mélange comprend des fibres de carbone et des fibres synthétiques (kevlar), du graphite (dérivé du carbone) et de l’époxy (résine)», énumère Jean-Michel Courvoisier, responsable des ventes pour la Suisse romande chez Ochsner Hockey, l’équipementier officiel de Gottéron. «Les cannes synthétiques ont fait leur apparition il y a une dizaine d’années.» Poids de l’objet: environ 450 gram-mes, contre 700 à 800 grammes pour le bois.

Sur mesure ou sur catalogue
Avec les cannes composites, c’est la fin de l’ère du bricolage. «Avec les cannes en bois, les joueurs chauffaient leur palette au foehn et appuyaient dessus avec le pied pour leur donner la courbure voulue», se souvient Olivier Sugnaux, qui a officié de 1999 à 2007, avant de reprendre du service en octobre dernier. «Aujourd’hui, une canne est comme un cadre de vélo. Une fois moulée, elle ne bouge plus.»
On distingue deux types de joueurs: ceux qui optent pour des modèles standards et ceux qui choisissent des cannes personnalisées. «Les deux tiers des joueurs de Gottéron ont aujourd’hui des cannes sur mesure, indique Olivier Sugnaux. Les tests de matériel commencent dès la fin de la saison, en avril-mai. En juillet, tout le monde sait quelle canne il utilisera pour le prochain championnat. Il est très rare que les joueurs changent de caractéristiques en cours de saison.»
Ancien hockeyeur de ligue nationale, le représentant Jean-Michel Courvoisier joue un rôle de conseiller. «C’est comme en ski ou en Formule 1. Il y a des sportifs – comme l’était Didier Cuche – qui sont très pointus dans la mise au point de leur matériel. D’autres ont plus de peine à exprimer leurs besoins.»

Goûts et couleurs
A part les réglementations internationales à respecter (notamment un maximum de 163 cm de long pour le manche et de 32 cm pour la palette), il existe une multitude de modèles. «Les défenseurs ont tendance à avoir des cannes plus longues que les attaquants, mais ce n’est pas une règle absolue», note Jean-Michel Courvoisier.
Autres variables à prendre en compte: la dureté du manche (le flex dans le jargon), son revêtement (le grip), la forme et la courbure de la palette et l’angle formé entre la palette et le manche. «C’est une variable souvent négligée des jeunes, relève Jean-Michel Courvoisier. Par exemple, Dubé a la particularité de jouer très penché sur la glace, quasi à plat ventre. En posant la palette à plat sur la glace, l’angle formé entre le manche et la glace est donc plus aigu que pour d’autres joueurs.»
De son côté, le défenseur Shawn Heins a la particularité d’avoir la crosse la plus dure de l’équipe (132 pour les connaisseurs).

Consommation
Un joueur de champ est gourmand. «Il utilise entre 15 et 30 cannes par saison», explique Jean-Michel Courvoisier. «A ce jour, j’en suis déjà à 25 cannes, confie l’attaquant Adam Hasani. Je vais terminer la saison avec 30 ou 35 cannes. En moyenne, je change toutes les trois semaines. Certaines can­nes ne durent qu’une semaine, ou même moins.» Dans le tas, y en a-t-il des maudites? «Non, sourit le joueur. Mais il y a celles dont on a de la peine à se débarrasser, parce qu’on a marqué avec. On essaie de les utiliser le plus longtemps possible.»
Cause du changement: une perte de rigidité de la crosse ou de la casse. «Une canne est comme un châssis de Formule 1. Le composite accepte les char­ges de flexion et de traction, mais très mal les chocs. Une canne pourra faire 500 à 1000 shoots. Elle gardera sa flexibilité. Mais si un puck frappe une canne, ça peut la casser net. Par exemple, un joueur qui fait les engagements use pas mal de cannes, car il subit beaucoup de chocs.» De même, les bagarreurs de bandes sont plus exposés à la casse.
La consommation a toutefois grandement diminué avec la révolution composite. «Avec le bois, les défenseurs utilisaient entre 7 et 9 douzaines de cannes par saison, les attaquants entre 5 et 6 douzaines, détaille Jean-Michel Courvoisier. Les cannes devenaient rapidement molles, car les fibres de bois se détendent plus vite que les fibres synthétiques.»

Coût
Il faut compter environ 300 francs pour une canne de hockeyeur professionnel. «On ferme le local de rangement à double tour», souffle Olivier Sugnaux, chef matériel de Gottéron. Une canne en bois revient à une centaine de francs.
Particularité: la plupart des joueurs de Fribourg-Gottéron mettent la main au porte-monnaie, puisqu’ils paient eux-mê­mes leurs cannes. «Il peut y avoir des exceptions négociées dans les contrats, ajoute Olivier Sugnaux. Par contre, tous sont responsables de la gestion de leur stock. C’est au joueur d’anticiper, pas au chef technique ni au directeur.» Car la livraison d’une canne sur mesure peut prendre jusqu’à sept ou neuf semaines.
Les hockeyeurs sont invités à se fournir auprès de l’équipementier officiel du club, Ochsner Hockey. «Mais ce n’est pas une obligation stricte», précise Jean-Michel Courvoisier.

 

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«Comme les raquettes de tennis»
A la dernière Coupe Spengler de Davos, Ryan Smyth a joué les extraterrestres. Dans le vestiaire de Fribourg-Gottéron, beaucoup parlent encore du capitaine du Team Canada et de sa canne en bois.
Parmi les Fribourgeois, Beni Plüss a été longtemps fidèle à ce type de crosse. «C’était même un des derniers joueurs du championnat de Suisse à en utiliser», confie Olivier Sugnaux, chef matériel de Gottéron. En creusant sa mémoire, l’attaquant de 33 ans ans finit par se rappeler qu’il a abandonné la canne en bois au terme de la saison 2008-2009. «Jusque-là, il n’y avait pas de raison de changer. Mais il a commencé à y avoir trop de différences avec les cannes en carbone. C’est comme avec les raquettes de tennis en bois. A un moment donné, il n’était plus possible de les utiliser pour être performant.»
Beni Plüss avoue qu’il a dû s’habituer à son nouvel outil de travail. «Les deux à trois premières semaines, ça faisait bizarre. La canne est plus légère. Mais je n’ai pas dû vraiment revoir ma technique. Une canne reste une canne. Avec le bois, j’avais davantage de sensations. Par contre, les cannes synthétiques permettent de mettre plus de force et de gagner en précision sur les shoots.»


La puissance du composite
Avec le composite, les spécialistes parlent en effet de tirs de plus en plus puissants. «Les cannes synthétiques sont meilleures en traction et en pulsion, expose Jean-Michel Courvoisier, responsable chez Ochsner Hockey. Le joueur peut mettre beaucoup de poids sur la canne. Ce qu’il donne en puissance est restitué sur la rondelle. Avec le composite, il n’y a pratiquement pas de perte d’énergie, contrairement au bois. Les anciens gardiens auraient de la peine à s’habituer aux nouveaux tirs.»
Le spécialiste évoque une «gifle» donnée par la palette au puck. Dans le jargon, on parle de whip, ou de «coup de fouet», comme au golf. TG

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