PAR VALENTIN CASTELLA

Il était 17 h. Au sol, Ludovic Chammartin soupirait. Le judoka de Romont venait de céder à l’impulsion du Géorgien Amiran Papinashvili. Une faute qui lui a fait perdre la finale des championnats d’Europe de la catégorie –60 kg et qui est venue ternir une journée incroyable pour le Glânois, médaillé d’argent pour la première fois de sa carrière à ce niveau. «Sur le moment, j’étais déçu. Mais, lorsque j’ai vu les sourires des gens qui sont venus m’encourager, je me suis dit que j’avais réalisé quelque chose de bien. Encore maintenant, j’ai de la peine à réaliser.»
Cette folle journée avait commencé un jour plus tôt, lors du tirage au sort. D’habitude pas verni, Ludo Chammartin semblait encore poursuivi par la malchance: «Quand j’ai vu le tableau, je me suis dit que ça allait être très dur. Car je retrouvais la tête de série numéro deux dès le deuxième tour.» Avant d’affronter le Français Sofiane Milous, le Romontois devait battre un premier concurrent, le Tchèque David Pulkrabek. «C’était le combat idéal pour moi, car il me faut toujours un peu de temps pour être dans le bain. J’ai gagné par ippon, sans trop de soucis.»

Le coup de poker gagnant
Le judoka était alors lancé avant d’affronter Sofiane Milous, 5e l’été dernier aux Jeux à Londres et champion d’Europe 2010. «C’est une des références de la catégorie et je me suis fait dominer en début de combat. Puis, j’ai bloqué l’une de ses attaques et j’avais deux choix: soit j’assurais, soit je tentais une prise très risquée. Si je la manquais, le tournoi était terminé pour moi. Il a été surpris et j’ai réussi à l’éliminer par ippon. C’est à partir de ce moment-là que je me suis dit qu’il y avait un bon coup à jouer.»
Gonflé à bloc après ce premier exploit, Ludo Chammartin s’est alors présenté en pleine confiance face au Hollandais Jeroen Mooren en quart de finale. «Il m’avait battu l’année dernière et c’est un gars très fort pour gérer les combats. Physiquement, j’ai senti que j’étais mieux que lui. Cela m’a permis de gérer l’affrontement et de me qualifier pour la demi-finale grâce aux pénalités.»

«Tellement heureux»
L’exploit était alors à portée de main avant la demi-finale face au Bulgare Yanislav Gerchev, l’ancien champion d’Europe M23. «Ce mec n’était pas le premier venu, c’est sûr. Il a d’ailleurs mené en début de combat. Mais il me restait encore du temps et je ne voulais pas prendre trop de risques. En milieu de combat, je suis revenu à égalité et c’est à partir de là que j’ai pris l’ascendant. A une minute de la fin, je lui ai mis la pression et réussi à prendre l’avantage (n.d.l.r.: waza-ari). Il restait alors quinze secondes et je devais gérer. Je me suis concentré pour rester au sol et perdre du temps. Dans ma tête, ça bouillonnait, tellement j’étais heureux de tenir cette finale. Mais il ne fallait rien lâcher.»
Est alors arrivée la longue attente d’une demi-heure avant de retrouver le Géorgien Amiran Papinashvili en finale: «Ma journée était déjà réussie. Mais il y avait tout de même un titre européen au bout. Un truc qui n’arrive pas tous les jours. Je n’ai alors pas changé mes habitudes. Comme durant toute la journée, j’étais plutôt détendu. Je n’avais rien à perdre. Grâce aux Jeux, j’ai une meilleure approche de la compétition. Je sais maintenant comment gérer la pression.»
Il poursuit: «En début de combat, j’ai bénéficié de deux ou trois ouvertures. Mais j’ai tout de suite senti qu’il était très costaud. Que c’était, avec moi, l’un des judokas les plus puissants de la catégorie. Dès qu’il a eu marqué un premier point, j’étais obligé d’aller le chercher. J’ai voulu attaquer, puis j’ai hésité. Et il en a profité.»
Ludovic Chammartin s’est alors retrouvé couché sur le tatami. Les minutes passaient, mais l’honneur du podium et la médaille d’argent ne parvenaient pas à consoler le Romontois. «C’est seulement durant la soirée que je me suis rendu compte de ma performance. Des années de frustration, de blessures et de manque de chance se sont envolées grâce à cette médaille. Quand j’étais jeune, beaucoup de personnes me prédisaient un avenir doré. J’ai finalement dû attendre plus longtemps que prévu pour que cette consécration arrive enfin. Mais ça valait la peine d’attendre.»

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«J’ai déjà réussi ma sortie»
Aux termes des jeux Olympiques de Londres, Ludo Chammartin avait décidé de continuer l’aventure encore une saison. Sa médaille va-t-elle changer ses projets? Le Romontois sourit: «C’est clair que, maintenant, tout est rose, tout est beau et cela donne envie de continuer. Mais je reste toujours dans l’optique d’arrêter après les championnats du monde organisés en août à Rio. Rien n’est définitif, mais je n’ai pas changé d’avis.»
Il s’explique: «J’ai toujours imaginé que les Jeux seraient l’apothéose de ma carrière. Mais je ne pouvais pas arrêter sur une telle défaite. Je n’avais pas pu dévoiler tout mon potentiel. Si j’avais laissé tomber à ce moment-là, j’aurais été frustré toute ma vie. C’est pour cette raison que j’ai continué dans l’optique de réussir un grand coup, soit aux championnats d’Europe, soit aux Mondiaux. Je voulais connaître une plus belle fin que celle vécue à Londres. Avec cette médaille d’argent, j’ai déjà réussi ma sortie.»
Le Glânois n’a toutefois pas encore terminé. Rio l’attend en août: «Je vais me reposer pendant une semaine, car je ressens à nouveau ma blessure aux adducteurs. Puis, je vais attaquer une nouvelle préparation. Mon planning n’est pas encore établi. Mais je vais certainement participer à deux ou trois tournois de Coupe du monde en guise de préparation.» vac