«Ce sera David contre Goliath, mais David est bien armé»

| sam, 15. juin. 2013
Après 2011, Benoît Morand est de retour sur la mythique épreuve des 24 Heures du Mans. Le Gruérien et son associé veveysan Joe Genoud visent un podium en catégorie LMP2. Les deux managers racontent les coulisses de leur défi.

PAR THIBAUD GUISAN

Dans une semaine, ce sera le grand jour. Le départ sera donné samedi 22 juin à 15 h. Sur la grille des 24 Heures du Mans, la voiture numéro 43 retiendra toute l’attention de Benoît Morand et de Joe Genoud. Le Gruérien et le Veveysan verront leur bolide s’élancer sur le mythique circuit de la Sarthe. «Un rêve se réalise», lancent les deux copropriétaires de Morand Racing.
Avant de prendre place dans leur box, les deux managers racontent leur défi et leur ambition.


L’objectif
Benoît Morand vivra ses deuxièmes 24 Heures du Mans. En 2011, avec le team Hope Racing, il avait connu l’abandon après un peu plus de quatorze heures de course. Mais il entrait dans l’histoire pour avoir lancé la première voiture hybride sur la mythique épreuve. «La page est tournée», dit simplement le manager gruérien.
Le contexte a aussi changé. Plus question de jouer les poissons-pilotes et de faire dans l’expérimental. «Nous avons une belle carte à jouer. Nous visons un podium en LMP2.» LMP2? Une catégorie avant tout composée de teams privés, les usines s’alignant en LMP1, la catégorie reine qui remporte le classement scratch. «Cette année, la catégorie LMP2 sera très relevée, souligne Benoît Morand. Il y aura 22 équipes au départ. On n’est pas à l’abri d’une casse. Il faudra aussi de la chance. Car, sur vingt-quatre heures de course, on ne maîtrise pas tout»
La qualité des pilotes réunis est une source d’optimisme (lire ci-dessous). «On est une petite équipe, mais avec des pilotes de renommée mondiale. Ce sera un peu David contre Goliath, mais David sera bien armé.»


La voiture
Morand Racing n’a pas directement développé son bolide. L’équipe a, en quelque sorte, commandé les différents composants sur catalogue: un corps de voiture Morgan, un moteur Judd (8 cylindres, 3,6 l) et des pneumatiques Dunlop. «La voiture est très évoluée au niveau de l’aérodynamisme. Notre moteur offre un avantage en termes de puissance. Il est un peu moins performant au niveau du couple, important pour les accélérations. Mais, au Mans, ce n’est pas trop grave. L’important est d’avoir une bonne vitesse de pointe en ligne droite. Ça permet de dépasser sans prendre de risques les concurrents de la catégorie GT (n.d.l.r.: Grand Tourisme, voitures développées à partir d'un modèle homologué et vendu pour la route).»
D’un poids de 900 kg, la voiture renferme 475 chevaux. «Les simulations montrent qu’on peut atteindre des pointes à 306 ou 308 km/h. Peut-être que nous approcherons les 310 km/h.»
A essence, la Morgan Judd n’est pas dotée d’une technologie hybride, ce système qui emmagasine l’énergie cinétique dégagée lors du freinage et la restitue en sortie de courbe. «Il faut d’énormes moyens financiers pour développer un système performant et fiable. Le contexte économique est difficile. Comme petite équipe, nous avons choisi de miser sur une voiture conventionnelle.» En 2011, alors pionnier de l’hybride, Benoît Morand avait prédit le développement de ce système. Qu’en est-il? «En 2012, Audi a gagné les 24 Heures du Mans avec une hybride. Toyota s’y met aussi.»

Le team
En plus de ses trois pilotes et de ses deux managers, Morand Racing reposera sur une équipe d’une quinzaine de techniciens pour la course. «On est une jeune écurie, mais les gens nous font confiance. Certains de nos ingénieurs ont participé 16 ou 25 fois aux 24 Heures du Mans.» A l’année, l’écurie emploie trois personnes: Benoît Morand, un chef mécanicien et un mécanicien. «Et l’épouse de Benoît,
Gladys, travaille bénévolement pour l’administratif», souligne Joe Genoud. Depuis le 1er février de cette année, l’écurie Morand Racing est basée à Marly, où elle dispose d’un atelier de 300 m2.
Au total, le team a réuni un budget de 500000 francs pour s’élancer au Mans. «On a limé au maximum, mais on n’a fait aucune concession sur le plan technique», note Benoît Morand. Le montant ne comprend pas le prix de la voiture. Règlement oblige, le bolide ne peut pas excéder environ 450000 francs, sans le moteur, loué exprès pour le Mans pour environ 60000 francs. Le budget de fonctionnment de toute la saison avoisine 1,6 million de francs. Il est financé par des sponsors et des partenaires, mais aussi par les pilotes et leurs propres sponsors.

La préparation
La saison de Morand Racing ne se limite pas aux 24 Heures du Mans. L’écurie sud fribourgeoise participe aux European Le Mans Series, l’équivalent du championnat d’Europe d’endurance. «Lors des essais de début de saison, puis en courses, on a vu qu’on tutoyait les grosses écuries», se félicitent Joe Genoud et Benoît Morand. Mi-avril, lors des Trois Heures de Silverstone, la Morgan Judd était en tête avant d’être stoppée par la pluie (sortie de route due à l’aquaplaning). Un mois plus tard, elle terminait 3e des Trois Heures d’Imola. «Mais une course de trois heu­res, ça reste un sprint.»
La voiture est au Mans depuis le 4 juin. Trois semaines de préparation sur place sont donc nécessaires. Après les essais du 9 juin – devant 20000 spectateurs! – la voiture a été remise à neuf cette semaine (moteur, boîte de vitesses, suspension). «Car au Mans, on roule autant que toute la saison.» Et ce, devant plus de 200000 spectateurs.

 

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Joe Genoud, 30 ans après
Copropriétaire du team Morand Racing, Joe Genoud connaît bien le Mans. Pilote moto en championnat du monde dans les années 1980, le Châtelois avait disputé les 24 Heures du Mans moto en 1983. «J’avais roulé avec Jean-Michel Mattioli et Philippe Bouzanne. Malheureusement, ce dernier était tombé et nous avions ensuite dû abandonner.»
Trente ans après, l’ancien syndic de Châtel-Saint-Denis et député au Grand Conseil retrouve le circuit de la Sarthe avec le costume de manager. Le Veveysan s’est associé à Benoît Morand dès l’automne dernier. «On se connaît très bien depuis une dizaine d’années, soulignent les deux hommes. La passion du sport automobile nous a réunis.» Dans cette «direction à deux têtes», Benoît Morand, 54 ans, s’occupe avant tout des aspects techniques, tandis que Joe Genoud, 56 ans, traite en priorité des aspects financiers, de la recherche de partenaires et du relationnel. «Nous travaillons depuis novembre sur ce projet, explique Joe Genoud. En huit mois, nous avons réussi à monter une équipe. C’est très rapide, au vu des exigeances qui sont demandées. Etre sur la ligne, c’est déjà une victoire.»
La bonne nouvelle était tombée le 9 avril dernier. D’abord réserviste, Morand Racing était rappelée par l’Automobile club de l’Ouest, après le désistement d’une écurie concurrente. TG

 

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Trio franco-suisse
Morand Racing mise sur un trio franco-suisse pour ces 24 Heures du Mans. Pilotes du team fribourgeois pour la saison entière, Natacha Gachnang et Franck Mailleux sont rejoints par Olivier Lombard. Ils se relaieront sur un circuit de plus de 13 km. «La rapidité et l’expérience seront notre force, estime Benoît Morand. Le team est homogène. Nos pilotes ont la tête sur les épaules. Ils écoutent ce qu’on leur dit, ils ne vont pas prendre des risques inconsidérés.»
Avec la Japonaise Keiko Ihara, au volant d’une Lola LMP2, la Vaudoise Natacha Gachnang (25 ans) sera l’une des deux femmes au départ de la course. Elle avait déjà participé à la course en 2010 en catégorie GT. «C’est un talent, souligne Benoît Morand. Elle suit les meilleurs et elle trempe dans le sport automobile depuis toute petite.» En 2009, la cousine de Sébastien Buemi avait déjà roulé sous les ordres du Gruérien, chez PoleVision Racing.
Franck Mailleux (28 ans) et Olivier Lombard (22 ans) courront respectivement pour la cinquième et la troisième fois au Mans. Les deux hommes se connaissent bien: ils ont couru ensemble l’an dernier avec Nissan (9e place en LMP2). Les deux Français ont même connu les joies du podium au Mans. En 2011, Olivier Lombard et son équipe avaient remporté la catégorie LMP2, devant Franck Mailleux et ses coéquipiers. TG

 

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