Par Yann Guerchanik
«Je vous invite donc dès aujourd’hui à inventer nos traditions de demain.» En guise de conclusion, le conseiller fédéral Johann Schneider-Ammann tend une perche. Mercredi soir, une foule clairsemée s’était rassemblée au cœur de Gruyères, pour un 1er Août avant l’heure. Parmi les citoyens, de nombreux touristes attablés devant des fondues. Beaucoup s’étonnaient de découvrir une telle personnalité à portée de fourchette.
Simplicité et remarquable discrétion toujours, un peu plus tôt dans la journée. Johann Schneider-Ammann s’est rendu au sommet du Moléson. Pendant qu’il montait d’un côté du funiculaire, des promeneurs descendaient de l’autre sans s’apercevoir qu’ils croisaient l’un des sept Sages. A la station sommitale, le ministre a découvert une salle de conférence funambulesque: une plate-forme en plein air embrassant les Préalpes fribourgeoises.
Le conseiller fédéral a partagé ce nid d’aigle avec des politiciens fribourgeois de haut vol ainsi que des représentants du secteur touristique. Il a particulièrement été question du rapport sur le tourisme suisse délivré fin juin par le Conseil fédéral. Le Gouvernement y défend une stratégie de coordination entre les instruments existants et un programme d’impulsion pour la période 2016-2019.
TVA, camps de ski, huiles minérales…
Durant cette période, il est notamment prévu d’augmenter de 7,5 mio de francs par an les fonds pour l’encouragement de l’innovation et de la coopération (Innotour). Les moyens consacrés à l’encouragement de la nouvelle politique régionale (NPR) bénéficieront, quant à eux, de 200 mio de francs supplémentaires.
Un rapport qui ravit le président de la Fédération suisse du tourisme Dominique de Buman. Pour le conseiller national, voilà «qui change beaucoup du fameux un franc pour le tourisme…» Sous la casquette de président des Remontées mécaniques suisses, le Fribourgeois s’est plaint en revanche de la TVA qui frappe les exploitations. Il a ainsi attiré l’attention sur une motion en cours qui traite de l’impôt sur les huiles minérales.
Enfin, Dominique de Buman a demandé à la Confédération de promouvoir les sports de neige: «On constate une réduction du nombre de pratiquants et une diminution des camps de ski. Il faut renforcer le tourisme d’hiver composé d’une clientèle suisse afin d’assurer la meilleure rentabilité pendant les deux saisons.»
Des remarques consignées par Johann Schneider-Ammann qui était là avant tout pour tendre l’oreille. Dans son discours inaugural, le conseiller d’Etat Beat Vonlanthen a pu ainsi relever un souci qu’il partage avec la députée bulloise Nadine Gobet: «Nous avons investi plus de 50 millions de francs pour renouveler six installations dont celle du Moléson. Or, un retour de la TVA n’est possible que sur les investissements des sociétés privées et non sur les subventionnements de l’Etat et des régions.»
La Lex Weber et la manne chinoise
Impossible d’évoquer le tourisme sans parler de la «Lex Weber». Dans son rapport, le Conseil fédéral relève, entre autres, que l’initiative sur les résidences secondaires «peut contribuer à long terme au développement souhaité du tourisme suisse». «La croissance touristique ne sera à l’avenir plus aussi étroitement associée à l’expansion du milieu bâti, mais elle passera par la rénovation, l’extension ciblée et une meilleure utilisation des infrastructures touristiques existantes.»
Voyant «malgré tout» des effets positifs à la «Lex Weber» lui aussi, le promoteur du Moléson et ancien directeur de la station Philippe Micheloud a soulevé la question des lits chauds. «Ne pourrait-on pas envisager des allégements fiscaux pour favoriser l’acquisition de logements de vacances destinés à la location? Afin d’éviter le déplacement de résidences secondaires dans des zones non touchées par le seuil des 20%, ne serait-il pas souhaitable de permettre des conventions intercommunales?»
Enfin, après le récent accord de libre-échange signé avec la Chine, le ministre a naturellement invité le secteur touristique à convoiter «la classe moyenne chinoise qui est en train de se créer et qui aura les moyens de venir en Suisse». «La Confédération va-t-elle encourager la formation à la langue chinoise?» a demandé le conseiller national Jean-François Steiert. «Ce qu’il nous faut, c’est améliorer notre anglais, a répondu Johann Schneider-Ammann. Le tourisme international se base sur cette langue.»
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