C’est la course à l’allégement

| mar, 24. déc. 2013
Le ski-alpinisme est en pleine expansion. Aussi à l’échelon international. L’utilisation des bois de l’Est et de la laine se démocratise. Skis, souliers, fixations et habits visités avec le spécialiste Didier Moret.

PAR GILLES LIARD

Est-ce, comme chaque année paire, la perspective de la Patrouille des glaciers (PdG), véritable laboratoire d’essai grandeur nature? Toujours est-il que les fabricants de matériel de peau de phoque ont mis les bouchées doubles dans la sempiternelle course à l’allégement et au confort. Joyaux dans cette munition de nouveautés, deux bois d’Europe de l’Est qui servent de noyau au ski. Au rayon des chaussures, les séries artisanales ont trouvé leur fiabilité, mais elles se heurtent aux progrès des manufactures. Dans l’habillement, la laine de mouton (le mérinos) fait son grand retour. Tour d’horizon des tendances de l’hiver 2014 avec le spécialiste gruérien Didier Moret, vainqueur de la Patrouille des glaciers 2008 et propriétaire d’un magasin à Vuadens.

Un ski à 610 grammes
En deux ans, soit depuis la dernière PdG, les skis ont maigri de 10%, soit près de 100 grammes. Un exploit technologique: «Il y a dix ans, quand on était descendu sous la barre de 1 kg, on estimait qu’il n’était guère possible de faire mieux», rappelle Didier Moret. Et pourtant! Leader dans cette lutte contre le surpoids, la firme suisse Movement a développé une latte de 630 grammes pour 160 cm (poids sans la fixation) et même de 610 grammes en version 150 cm pour les dames.
Nom de cette F1 des neiges: le Fish X Pro. Fabriquée en Tunisie, cette latte est articulée autour d’un noyau en bois, le Polonia ou le Karuba, produits en Europe de l’Est. Ces bois à densité très faible, séchés et compressés, ont détrôné les nids d’abeille et autre mousse expansive des années 2000. Quid de la rigidité? «Les renforts en fibre de carbone autour du noyau lui confèrent une bonne précision et une efficiente rigidité en torsion, assure Didier Moret. Quant à la solidité, elle se situe dans la moyenne des skis légers qui sont généralement les plus sollicités.»
Malgré son coût de 1500 francs, ce ski, dispensé en série limitée, est de plus en plus demandé. Par l’élite du ski-alpinisme en premier lieu: «Au demeurant, un ski de compétition s’inscrit dans une fourchette entre 800 et 1100 francs, sans les fixations.»
Pour les adeptes de la randonnée dite classique, le confort est érigé en règle d’or: «Le ski est également léger, mais plus large, afin d’exiger moins d’efforts de conduite en descente.»

Toujours plus proches du pied
Une tendance notoire: les chaussures munies d’un chausson thermo-formable toujours plus proches du pied ont la grosse cote. «C’est 90% de nos ventes. Ce contact privilégie la conduite du ski», précise le spécialiste. Chauffé, le chausson épouse la forme du pied. «Avec possibilité de le retravailler, si le client sent quelques inconforts. Le pied, c’est la base du ski.»
Voilà un lustre, l’ancien compétiteur français Pierre Gignoux avait développé des coques artisanales, qui avoisinaient 500 grammes avec un prix supérieur à quatre francs le gramme! Depuis, bon nombre de pratiquants sont revenus aux souliers de série pour des motifs de fiabilité et de marketing aussi, s’agissant de l’élite. «En 2008, j’ai couru la PdG avec des chaussures pesant plus d’un kilo. Aujourd’hui, elles s’échelonnent entre 600 et 800 grammes. Deux marques se disputent une grande partie du marché (n.d.l.r.: Scarpa et Dynafit). On néglige souvent la mobilité de la chaussure en position de marche. Aujourd’hui, le débattement atteint 60 degrés.» Pour une godasse de rando classique pesant 1,4 kg, comptez entre 500 et 700 francs. Et plus de 1500 francs si vous visez le podium à la PdG!

Fixations: pas de révolution
Calme plus ou moins plat sur les fixations. Les plus légères (102 grammes, photo) reviennent à quelque 800 francs: «Depuis trois ou quatre ans, il n’y a guère de révolution. On note juste un gain de 5 à 10 grammes durant cette période, confirme Didier Moret. Mais force est de constater que certains cherchent à tout prix cet allégement et sont prêts à payer le prix fort, 800 francs, soit 200 francs de plus qu’une fixation de compétition ordinaire.» On relève tout de même quelques améliorations techniques qui portent sur l’ergonomie: «En compétition, les manipulations prennent toujours davantage d’importance. Les fabricants ont imaginé une nouvelle gorge sur l’insertion métallique de la chaussure pour mieux l’engager dans la fixation.»

La laine revient en force
Une combinaison de compétition, très légère et à même d’évacuer la transpiration, revient à 200 ou 300 francs. C’est l’un des rares segments bon marché dans l’équipement du parfait baroudeur des sommets. Dans les sous-vêtements, censés permettre au sportif de rester au sec, le synthétique tient toujours la corde.
En revanche, de plus en plus de manufactures proposent la laine de mouton, le mérinos: «Les nouvelles techniques de tissage offrent moult avantages dans le confort. La laine de mérinos est une des seules fibres permettant d’éviter la prolifération des bactéries. Trois fois plus fine que la laine traditionnelle, la fibre de mérinos ne pique pas. Deux grandes maisons spécialisées s’affairent à ce produit. Vous pouvez faire la Haute-Route en portant le même sous-vêtement durant toute la semaine. Ce sera impossible, en revanche, avec du synthétique, sous peine d’incommoder l’entourage.» Bémol de la laine: le prix. On passe du simple au double par rapport au pull synthétique, environ 110 francs.
Pour la descente, l’équipement du compétiteur rejoint celui du randonneur traditionnel: une doudoune en duvet d’oie, très légère et compressible, permet de maintenir le corps à une température idoine. Enfin, une membrane de type Gortex protège contre les intempéries (bourrasques, pluie, neige).
A l’heure de passer à la caisse, le randonneur classique déboursera environ 2600 francs pour un équipement complet de la tête (casque à 120 francs) aux pieds, inclus les bâtons de 90 francs. Ces derniers grimpent jusqu’à 300 francs pour des prototypes en carbone. Pour le nec plus ultra, le chevronné ailé crachera, quant à lui, quasiment 6000 francs.

 

---------------------

 

Aussi en Amérique du Nord et au Japon
«Il y a vingt ans, le ski de randonnée n’occupait qu’une nuée de mordus, et qu’à partir de février - mars. Aujourd’hui, la saison débute plus tôt que celle de ski alpin. Dès les premières neiges de novembre et avant même l’ouverture des stations.» Responsable de vente chez Dynafit pour les cantons de Fribourg, Vaud et du Valais romand, le Gruérien Rolf Boschung décrit, via ce constat, le formidable essor du ski-alpinisme. Alors qu’elle ne concernait jusqu’alors que six pays – dont les leaders Italie, Suisse et France – la peau de phoque se développe à vitesse grand V. En Amérique du Nord, en Norvège et surtout en Autriche, roya­ume pourtant sacro-saint de l’alpin. «Et même au Japon», déclare Rolf Boschung.


Le marché envahi
Alors qu’elles le boudaient pompeusement voilà encore huit ans, les principales mar­ques de ski alpin (Fischer, Atomic, Salomon et Blizzard) ont flairé le juteux marché. Aujourd’hui, elles l’envahissent dans un véritable tsunami avec des produits étalés sur quatre volets: la compétition, la randonnée classique légère, la randonnée simple et le freeride. «Il y a dix ans encore, seul Trab et Dynastar occupaient un marché alors restreint, se rappelle Didier Moret. La randonnée a piqué pratiquement tous les adep­tes du ski de fond et une partie de la raquette. Je vends davantage de skis à roulettes à ceux qui préparent une saison de peau de phoque qu’à des fondeurs de base.»
Foire incontournable, l’ISPO de Munich réunit les commerçants de détail chaque année à fin janvier. Les firmes y dévoilent leurs nouvelles gammes: «En mars, soit deux mois avant la Patrouille des glaciers, nous devons passer nos commandes aux fournisseurs pour la saison suivante, explique Didier Moret. Ce délai passé, nous courons le risque de ne pas être
livrés l’automne suivant et de devoir payer le produit plus cher. En nous référant à nos ventes précédentes, nous anticipons les phénomènes de mode et prenons un risque sur certaines tendances.» Chez Dynafit, on raisonne déjà hiver 2014-2015. Rolf Boschung: «Cette année, nous avons démarré l’ensemble de notre processus deux mois plus tôt qu’en 2013. Le 10 décembre dernier, nos stocks étaient déjà serrés. Et, dans un mois, nous devrons déjà prévoir les ventes 2014-2015, de manière à être en mesure de fabriquer les produits, puis de les livrer. Un exemple encore: jusqu’à l’hiver dernier, nous fabriquions nos fixations sur une seule période de deux mois. Désormais, nous y travaillons durant toute l’année». GL
 

 

Ajouter un commentaire

CAPTCHA
Cette question est pour tester si vous êtes un visiteur humain et pour éviter les soumissions automatisées spam.

Annonces Emploi

Annonces Événements

Annonces Immobilier

Annonces diverses