PAR KARINE ALLEMANN
Quand toute sa famille rentre d’une journée de ski, Marie Kolly aime bien leur préparer le souper. L’adolescente de bientôt 15 ans adore cuisiner. Mais là n’est pas l’essentiel. Ce qui différencie la jeune fille d’Hauteville des autres ados de son âge, c’est qu’elle s’entraîne quinze heures par semaine pour espérer un jour participer à des championnats d’Europe de patinage artistique. Alors, forcément, elle ne peut pas avoir les mêmes loisirs que les autres.
La semaine dernière, nous l’avons suivie dès la sortie du CO, à 16 h, pour aller à Villars-sur-Ollon où elle s’entraînait ce soir-là avec son professeur, Roberto Moschella. Comme il n’est plus entraîneur au Club de patinage de la Gruyère, le duo doit trouver de la glace ailleurs qu’à Bulle. L’élève, son professeur et sa maman font route ensemble vers les hauteurs. L’occasion d’en apprendre un peu plus sur le quotidien d’une jeune patineuse en devenir.
Si l’investissement de la jeune fille est énorme, il implique également celui de toute la famille. «Marie a tellement progressé avec son professeur qu’elle avait envie de poursuivre avec lui, explique Anne-Claude Kolly. L’année dernière, elle a passé trois tests de l’Union suisse de patinage. Il ne lui reste plus que le test or.»
La maman travaille comme enseignante à 80% au CO. «J’ai la chance d’avoir les mêmes horaires que Marie. Et puis, quand je l’amène à l’entraînement, je peux bosser pendant qu’elle est sur la glace.»
Les heures de patinoire, le professeur privé, les camps d’entraînement et les compétitions: le budget d’une saison est d’environ 30000 francs. «Toute la famille s’implique», sourit Anne-Claude Kolly, dont le mari Stéphane est menuisier. «Son frère et sa sœur la soutiennent beaucoup. Nous fabriquons des choses que nous allons vendre sur des marchés de Noël et nous organisons quelques actions de soutien. C’est sûr qu’il faut s’organiser. Nous sommes assez actifs dans la famille. Mais il y a toujours moyen de trouver des combines pour ne pas trop dépenser.»
La mère de famille l’avoue. Elle ne s’attendait pas à de tels progrès, synonymes de nouveaux besoins. «Il a fallu s’adapter et les heures d’entraînement ont augmenté petit à petit. Mais elle aime tellement ça, elle le fait avec tellement de plaisir que nous ne voulions pas lui dire non. D’autant plus qu’elle fait des sacrifices aussi. Cela fait des années que, quand on lui demande ce qu’elle veut pour Noël, elle répond des sous pour le patinage.»
Les devoirs dans la voiture
Dans la voiture, Marie Kolly fait ses devoirs. Elle a de la chance, les virages qui mènent à Villars-sur-Ollon ne l’empêchent pas de résoudre une équation de mathématique. Non seulement la jeune fille ne souffre pas du mal du voyage, mais en plus elle a de très bonnes notes en prégymnasiale du Cycle d’orientation. D’une voix timide comme on peut l’être à même pas 15 ans, elle répond à quelques questions. «C’est vrai que mes copines pensent que je suis folle de m’entraîner autant. Et elles me demandent comment j’arrive à faire mes devoirs. Je leur réponds que j’utilise tous les moments à disposition. C’est comme ça. J’aime aller m’entraîner, j’aime progresser.»
La jeune fille a débuté vers l’âge de 7 ans. «Dans mon groupe, les autres savaient déjà faire tout ce qu’on nous demandait sur la glace. C’était dur pour moi. Mais j’ai tout de suite aimé ça quand même.» L’année suivante, Marie Kolly décroche sa première étoile et termine troisième des championnats fribourgeois.
Aujourd’hui, elle passe déjà trois triples sauts à l’entraînement: le salchow, le boucle piqué et le rittberger. Quant à son double axel, une des principales difficultés du patinage artistique féminin, on découvrira plus tard sur la glace de Villars qu’il est d’une ampleur et d’une fluidité incroyables. Mais ça, la jeune fille se garde bien de s’en vanter.
Alors, c’est son entraîneur qui prend le relais pour évoquer son élève: «Elle a de l’explosivité et une grande vitesse de rotation. C’est un avantage.»
Et puis, Roberto Moschella l’explique, Marie Kolly possède un vrai moral d’athlète: «Elle veut toujours se surpasser, elle recherche toujours la performance. Quand elle réussit un sans-faute, la fois suivante, elle va ajouter une difficulté. Elle a aussi une grande capacité de concentration. Ce qui est essentiel pour un sport qui se pratique sur une lame de trois millimètres.»
La patineuse doit encore passer le test or USP avant de s’aligner en élites. Elle rêve de championnats d’Europe à moyen terme. Quelles sont ses chances d’y arriver? «Le plus difficile, c’est la discipline», rappelle Roberto Moschella, professeur depuis vingt ans. «Se lever le matin, aller à l’école, partir s’entraîner à midi, retourner à l’école et repatiner le soir. Et ce, six jours sur sept, presque toute l’année. Si elle garde son mental après sa croissance et son adolescence, elle peut y arriver. Il faut qu’elle tienne sa ligne, même dans les moments de doute. Parce qu’il y en aura.»
La performance d’abord
L’année prochaine, Marie Kolly va entrer au collège. Si elle intègre les cadres nationaux, la talent card de Swiss Olympic lui garantira des aménagements scolaires pour s’entraîner. Mais quand on choisit le patinage artistique plutôt que le foot ou le basket, rien n’est simple. La patineuse va cumuler les kilomètres en voiture pour trouver de la glace, les pirouettes, les sauts, les chutes et les heures d’entraînement. Ce qui n’effraie pas la jeune fille, qui a un goût prononcé pour l’effort. Plus que la compétition, elle aime la performance.
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D’autres patineuses sur les podiums
Le week-end dernier à Meyrin, Marie Kolly n’a pas tout à fait atteint son objectif: réussir un triple salchow en compétition pour intégrer les cadres nationaux juniors de l’Union suisse de patinage (USP). «Il n’a été validé qu’à 75%», explique son entraîneur Roberto Moschella. Mais la jeune fille n’est pas rentrée bredouille de la patinoire genevoise: elle y a décroché ses premiers podiums, avec une 3e place à la Swiss Cup, synonyme de 2e rang au championnat romand.
C’est sa régularité et le degré de difficulté de ses programmes qui ont fait la différence. La Gruérienne a été classée 4e du programme court et 5e du libre, avec un total de 72,74 points. «Elle est tombée deux fois. Mais, comme son programme comporte de plus grandes difficultés, elle est passée devant plusieurs concurrentes.» Quant à ce fameux triple salchow, Marie Kolly pourra le retenter en janvier, aux championnats de Suisse, ou lors d’une prochaine Swiss Cup. C’est en mars que la sélection des cadres nationaux se fera. Il faudra que la triple rotation ait été validée d’ici là.
Une autre patineuse du Club de la Gruyère a décroché un titre de championne romande à Meyrin: il s’agit de Lisa Bertherin, sacrée pour la première fois dans la catégorie minis de l’Association romande.
A 10 ans, l’écolière de Bulle, qui patine sous licence de Crans-Montana où elle s’entraîne régulièrement, n’a pas encore passé les tests pour se présenter aux championnats de Suisse. Cela devrait se faire en 2014.
Magali Gavillet championne romande
A noter, enfin, la 4e place à la Swiss Cup de la Glânoise Magali Gavillet (1re Romande en juniors avec 98,07 points). Ses deux coéquipières du Club de Fribourg/Romont Virgilia Henchoz et Carla Kellenberger se sont classées respectivement 3e (2e Romande avec 87,28 points) et 4e (3e Romande avec 79,97) en seniors dames. KA
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