La Gruyère retrace le parcours de ces acteurs indispensables du sport: les arbitres.
Premier épisode de cette série thématique avec le juge de ligne gruérien Nathy Bürgy.
L’homme aux près de 300 matches de National League raconte son job de l’ombre sur la glace.
QUENTIN DOUSSE
Aux noms d’oiseaux il préfère le sobriquet donné aux arbitres de hockey. «Ce surnom de zèbre me plaît bien», acquiesce Nathy Bürgy, pour qui l’analogie colle à sa fonction. Le citoyen du Bry est l’un des seize juges de ligne – en plus des seize arbitres principaux – officiant dans l’élite suisse. A chacun de ses dix matches mensuels, une centaine de décisions à prendre sous une forte pression.
«Qu’elle vienne des joueurs, des coachs ou des supporters, j’adore cette pression. Elle me pousse à être plus concentré et donc meilleur. Bien qu’il faille aussi savoir vivre avec une mauvaise décision.» Hormis donner les engagements, signaler les hors-jeu, dégagements interdits et surnombres, le juge de ligne doit «être à l’affût de la moindre provocation ou geste revanchard pour veiller à ce que la rencontre ne dégénère pas, dans le pire des cas».
Ce travail invisible est indispensable pour la fluidité du jeu et la qualité du spectacle. Soit sa principale reconnaissance, en plus des 500 francs (hors indemnités de déplacement) perçus à la fin d’une soirée qui commence neuf heures plus tôt. Lorsque le Gruérien de 33 ans quitte son poste d’instructeur dans une entreprise de coffrage. Trajet en voiture jusqu’à la patinoire, un café suivi de l’échauffement, puis le puck est lâché à 19 h 45. «J’ai parfois besoin d’un peu de temps pour être bien dans mon match, notamment si ma famille ou d’anciens collègues sont dans les gradins.»
Des collègues joueurs également, puisque Nathy Bürgy fut gardien au mouvement junior de Gottéron avant de s’initier à l’arbitrage. «J’ai joué avec Killian (Mottet) ou Tristan (Scherwey), qui me fait toujours un petit check pour le plaisir avant la partie», note celui qui trouve à qui parler avec l’attaquant fribourgeois du CP Berne. «Je le connais et je crois avoir les outils pour le calmer.»
Nathy Bürgy sourit sans se départir de l’impartialité qu’il s’impose depuis son premier match «complètement bout de bois en Sensler-Cup», à 21 ans. «J’ai tout de suite aimé permettre à chaque joueur d’être content sur la glace. Je me suis alors inscrit à un cours et j’ai eu la chance de passer de la 4e ligue à la ligue A en sept ans. C’était rapide.»
Ce célibataire sans enfant vit son baptême du feu dans la «cathédrale» de Davos, un dimanche de novembre 2019. Son meilleur souvenir au sifflet? «La rencontre du titre de ligue B à Kloten, répond-il tout de go. Avec 7600 spectateurs en folie, c’était magique!» Deux années ont passé et Nathy Bürgy espère revivre une finale, de National League cette fois-ci.
Il se retrouverait alors sous le feu des projecteurs, des possibles critiques de l’ancien arbitre désormais consultant Stéphane Rochette également. «J’aime bien écouter ses analyses qui sont souvent très justes. Sauf une fois après un Gottéron-Genève, où je l’avais appelé pour lui expliquer une décision qu’il jugeait scandaleuse – à tort – sur le plateau.» Nathy Bürgy le dit avec sympathie d’autant qu’il a hérité du numéro 9 longtemps porté par le réputé directeur de jeu québécois.
Cette filiation lui vaut le «chambrage» de ses pairs ainsi qu’une petite pression supplémentaire. Le recours à la vidéo est là pour soulager le corps arbitral, sans remplacer l’œil humain, selon le Gruérien. «Je ne pourrai jamais siroter un cocktail à la ligne bleue (sic) et attendre de voir ce qu’il se passe. Il faudra toujours un arbitre pour gérer les émotions des joueurs dans le feu de l’action.» Nathy Bürgy, un «zébré» que le hockey n’est pas près de rayer.
Quand la canne servait à tromper… l’arbitre
3 juin 1993, finale de la Ligue nationale de hockey (NHL) entre Los Angeles et Montréal: les Kings mènent 2-1 lorsque l’entraîneur des Canadiens fait mesurer la canne de Martin McSorley. La courbure de sa palette étant trop prononcée, l’attaquant californien écope d’une pénalité mineure à 73 secondes de la sirène finale. Montréal égalise, gagne en prolongation, puis remporte les trois duels suivants pour s’offrir la 24e Coupe Stanley de son histoire.
La légende raconte que d’autres joueurs usaient d’un «bâton illégal» durant ces play-off. Une fraude que personne ne traquait jusqu’à ce célèbre précédent de 1993. «Depuis, on savait que Chris McSorley (le frère du “malheureux” Martin) pouvait faire contrôler une canne adverse lorsqu’il entraînait Genève-Servette ou Lugano», relève Nathy Bürgy, qui n’a personnellement jamais dû vérifier une canne. Pas plus qu’il n’a subi les foudres de l’Ontarien. «Au contraire, c’est l’un des seuls coachs qui m’ait offert une bière après un match!»
Du tac au tac
Si vous étiez…
… une personnalité?
Alain Berset, un «bon» de chez nous. J’apprécie sa personne et sa manière transparente de communiquer. Il est l’un des rares politiciens que j’aime bien écouter.
… un compliment?
Que je suis persévérant.
… un film?
Inception (n.d.l.r.: le thriller de science-fiction américain signé Christopher Nolan). Parce que c’est parfois Inception dans ma tête (sourire).
… un événement sportif marquant?
L’élimination de la France contre la Suisse à l’Euro 2020 de football, après les tirs au but.
… un métier de rêve?
Pilote d’hélicoptère.
… une émotion?
Le rire.
… un lieu mythique du sport?
La patinoire de Madison Square Garden, où je suis allé voir les New York Rangers en début d’année.
… un livre?
Je ne suis pas du tout un littéraire (sourire gêné). Je dirais donc le livre de règles du hockey, que je connais quasi par cœur.
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