Mardi soir, l’assemblée communale de Cerniat n’a pas eu lieu. Une cinquantaine de citoyens ont refusé que les débats soient filmés et ont quitté la salle. Face aux cinq personnes qui restaient, le syndic n’a pas ouvert l’assemblée.
PAR CHRISTOPHE DUTOIT
L’annulation d’une assemblée communale, comme à Cerniat mardi, n’est pas chose anodine. Mais aucun journaliste de La Gruyère n’a assisté aux faits, nous allons vous les présenter de la manière objective, selon les déclarations des deux principaux protagonistes, Pascal Andrey (syndic de Cerniat) et Julien Coissac (propriétaire du chalet Saint-Joseph, à Cerniat), joints hier par téléphone.
«Vers 19 h 55, M. Coissac est arrivé à l’Auberge de la Berra avec l’intention de filmer et d’enregistrer l’assemblée communale, explique Pascal Andrey, syndic de Cerniat. Il m’a montré l’article de loi qui autorise cette pratique. J’ai alors téléphoné au lieutenant de préfet, qui m’a confirmé ce fait et m’a demandé d’en informer préalablement l’assemblée. Ce que j’ai fait. La cinquantaine de citoyens présents s’est alors levée comme un seul homme et est sortie de la salle. Un citoyen a pris la caméra pour la poser à l’extérieur et il a pris à partie M. Coissac. Nous nous sommes retrouvés six personnes dans la salle, quatre citoyens, un conseiller communal et moi-même. Dans ces conditions, j’ai choisi de ne pas tenir l’assemblée et je pense aujourd’hui avoir pris la bonne décision. C’est une triste histoire, dont la commune se passerait bien.»
Transparence
«Conformément à la loi, j’ai avisé préalablement le Conseil communal que j’allais procéder à l’enregistrement vidéo des débats de l’assemblée communale», répond pour sa part Julien Coissac, dans un courriel envoyé tôt mercredi matin à la préfecture et aux représentants de la presse. «Le syndic a confirmé à la population que ma démarche était légale et il a simultanément proposé aux citoyens de quitter les lieux s’ils n’étaient pas d’accord, sans leur expliquer la teneur de la loi sur la transparence.»
«Ce monsieur essaie de piéger le Conseil communal, poursuit Pascal Andrey. Et les citoyens n’ont pas voulu que leur image finisse sur internet, où on ne maîtrise plus rien du tout.» «Je voulais filmer les débats, pour permettre aux citoyens de comprendre que le Conseil communal bafoue les lois et pour qu’il assume les réponses qu’il donne, rétorque Julien Coissac. Par exemple, le procès-verbal de la dernière assemblée a été publié dans le dernier numéro du Reflet de Cerniat. Or, cette version a été amputée de l’intégralité de mes questions, qui figurent dans la version disponible à l’administration communale. Je voulais qu’on m’explique ces différences.»
«Je tiens à mettre les choses au clair, répond Pascal Andrey. Lors de la dernière assemblée, un autre citoyen (absent lors de cette assemblée) m’a demandé de lire une lettre à la population. Après avoir eu les conseils du préfet, j’ai accepté de la lire. Je ne vous cache pas qu’elle contenait des reproches virulents et infondés sur certaines personnes. Nous avons décidé de ne pas publier cette lettre dans le Reflet de Cerniat, pour couper court à cette histoire. En revanche, le contenu de cette lettre figure dans le procès-verbal disponible à l’administration. Et, une seule personne a demandé à le lire: celle qui l’a écrite. Comme quoi cette histoire n’intéresse pas les habitants de Cerniat.»
Bisbille vieille de plusieurs années
L’étrange vaudeville qui s’est déroulé mardi à Cerniat étale au grand jour une bisbille vieille de plusieurs années entre l’autorité communale et deux propriétaires du village. «Ces personnes ont fait part à la commune d’un éventuel défaut sur le chemin AF du Vieux Moulin, dont la commune est maître d’œuvre, et M. Coissac refuse de payer un solde de 20000 francs pour le coût des travaux. Cette affaire est maintenant dans les mains de la justice, qui devra trancher. De notre côté, nous n’avons jamais reçu de blâme ni de la préfecture ni du Service des communes à ce sujet», affirme Pascal Andrey.
«Nous sommes en procédure depuis plus de quatre ans, car la commune ne cesse de multiplier les demandes de prolongations. Elle n’accepte pas de reconnaître ses erreurs et son attitude n’est pas défendable. De plus, lors de l’assemblée de mardi, j’aurais aimé demander au Conseil communal combien de frais il a engagé dans cette procédure. J’estime que le citoyen est en droit d’être informé», estime pour sa part Julien Coissac, qui a par ailleurs déposé plainte contre le citoyen qui l’a pris à partie.
«Nous n’avons rien à cacher. Et si par hasard nous avons tort, nous assumerons. Mais les citoyens de Cerniat n’acceptent pas cette attitude venant de quelqu’un d’extérieur au village, qui n’a pas ses papiers déposés chez nous», ajoute Pascal Andrey, qui précise également qu’un groupe de citoyens a déposé plainte pour entrave au déroulement de l’assemblée communale.
Du côté de la préfecture, Maurice Ropraz est au courant de cette affaire. Présent hier à Berne pour assister à l’élection d’Alain Berset au Conseil fédéral, il a confirmé par téléphone la teneur, en substance, de la loi sur l’information. «Un privé peut utiliser le son et l’image d’une assemblée communale, moyennant une information préalable des citoyens.»
«J’attends un bref rapport de la commune de Cerniat sur ce qui s’est passé mardi, poursuit le préfet. Une nouvelle assemblée devra être reconvoquée dans les meilleurs délais.» En outre, Maurice Ropraz laisse la porte ouverte à l’éventualité que Patrice Borcard, son successeur à la préfecture dès le 1er janvier 2012, assiste à cette assemblée pour assurer la sérénité des débats.
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