La fillette a succombé à ses blessures

| ven, 30. déc. 2011
Un père de famille a tiré sur ses enfants mercredi avant de se suicider. Alors que son bébé est décédé sur place, sa fille de 6 ans a succombé hier à ses blessures.

PAR SOPHIE ROULIN


Après plus de vingt-quatre heures «dans un état très critique», la fillette de 6 ans est décédée des suites de ses blessures. Elle a ainsi rejoint sa petite sœur de deux mois, tuée elle aussi par leur père, un Portugais d’origine cap-verdienne de 34 ans. Mercredi en fin d’après-midi, il a tiré sur ses enfants avec une arme de collection, avant de mettre fin à ses jours. Une dispute serait à l’origine du drame.
Les ambulanciers sont les premiers à avoir été avertis, par les parents de la mère. Cette Suissesse de 23 ans semble avoir pris contact avec eux après que son concubin a ouvert le feu sur leurs enfants. «Le père ne s’en est pas pris à elle, même si elle était présente dans l’appartement au moment du drame, relève Donatella Del Vecchio, porte-parole de la police cantonale. Il a clairement visé ses enfants.»
Arrivés sur les lieux, rue Auguste-Majeux, les ambulanciers ont emmené l’aînée, grièvement blessée, à l’hôpital. Sa mère, «fortement choquée», est restée auprès d’elle. Le bébé est mort sur place, selon le communiqué de la police. Cette dernière a été prévenue par les ambulanciers, vers 17 h 45.
La mère a indiqué aux agents que l’auteur avait pris la fuite à pied, une arme à la main. Un important dispositif a été déployé pour le retrouver. Dans la soirée, son corps a été découvert, une arme de poing à ses côtés, dans la forêt voisine de Bouleyres. Il s’est donné la mort. «Il n’y aura donc pas de procès, mais une enquête est en cours auprès du Ministère public», indique la porte-parole de la police. Elle devra établir si l’homme possédait un permis d’acquisition d’arme et tenter d’expliquer l’inexplicable.


Calme, souriant, poli
Son acte semble en effet surprendre ceux qui côtoyaient le Cap-Verdien. «C’était quelqu’un de calme, souriant, poli, quelqu’un de populaire», témoigne Semedo Da Moura, responsable d’un magasin d’alimentation africaine en ville de Bulle que fréquentait l’auteur du drame. «Il venait souvent, parfois avec sa famille, il était toujours sympathique. Il avait l’air heureux. On ne comprend pas.»
Même étonnement du côté du Café du Stade, où le Cap-Verdien se rendait souvent pour acheter des cigarettes. «Il était calme, discret, et s’occupait bien de sa fille aînée, qui était très bien élevée, relève le patron, Daniel Bill. Je n’ai jamais eu de souci avec lui. Il venait, payait une glace à sa fille, buvait parfois une bière et repartait.» L’homme travaillait dans une entreprise de construction métallique de la place, fermée pour les vacances de fin d’année.
La veille du drame, la police était déjà intervenue à la suite d’une dispute impliquant le couple et une tierce personne. Cette dernière a d’ailleurs déposé une plainte, comme le confirme Donatella Del Vecchio. Et d’ajouter que «si le père infanticide était connu des services de police, c’était pour des faits qui n’avaient rien à voir avec des problèmes de violence conjugale». La mère des deux enfants aurait demandé au père de quitter le domicile. Celui-ci semble l’avoir mal pris.

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«Il manque des processus de médiation»
Chef du Service de l’enfance et de la jeunesse, Stéphane Quéru ne se prononce évidemment pas sur le cas précis du drame bullois. Mais son regard averti apporte un éclairage sur une situation générale, celle des couples dont la séparation se passe mal. Et qui peut dégénérer en drame.

Que faire pour éviter que des séparations difficiles en arrivent au drame?
Personnellement, je pense qu’il manque des processus de médiation. Erwin Jutzet a proposé un projet de tribunal de la famille (n.d.l.r.: refusé par le Grand Conseil en mai 2009), qui évoquait certains systèmes existants en Allemagne, connus  sous le nom de «modèle de Cochem»: on impose aux personnes qui vont se séparer de suivre une médiation où elles vont pouvoir vider leur querelle. Il faut savoir aussi que, dans le droit du divorce en vigueur depuis 2000, les aspects de faute ne sont plus évoqués comme cause de la séparation. Des tas de choses ne se vident plus devant le tribunal, des conflits ne se règlent plus et peuvent prendre des dimensions agressives. Il y a là des manques, mais c’est un problème de législation fédérale.


Avez-vous le sentiment que les séparations sont de plus en plus tendues?
Pas vraiment: il y a toujours un ou deux cas difficiles par année, en plus de toutes les situations où il y a désaccord entre les parents. Dans les principes du Code civil, le père et la mère doivent, quelle que soit leur situation, veiller au bon développement de l’enfant. Mais, dans certains cas, l’aspect affectif, émotionnel prend le pas sur le bien des enfants, qui deviennent un des enjeux du conflit.
On remarque toutefois une augmentation des curatelles de surveillance des relations personnelles, aussi parce qu’il y a une plus grande sensibilité à la protection de l’enfant: le juge instaure ces curatelles parce qu’il estime que les parents ont une difficulté à communiquer, à assurer le bon déroulement des droits de visite. Ce qui peut ajouter au conflit, à cause de l’idée que, s’il y a un curateur, il sera du côté de celui des parents qui a la garde, qui voit le plus l’enfant.

Y a-t-il des points communs, entre ces situations?
Il n’y a pas de norme: chaque situation est à prendre pour elle-même. Après, dans l’analyse des critères individuels, on peut se référer au rapport au Conseil fédéral de 1992 sur l’enfance maltraitée: des schémas étaient montrés sur les interactions entre les caractéristiques individuelles de la personne et celles vis-à-vis de ses proches, de son cadre familial, de la société. Des critères d’analyse montrent les facteurs de risque, mais aussi les facteurs de protection: qu’est-ce qui fait qu’une situation ne va pas se dégrader? Et il existe des critères d’alarme: quelqu’un capable de commettre une violence physique a déjà dépassé une limite.
 
Les fêtes de fin d’année sont-elles particulièrement à risque?
Dans les questions générales de séparation et de droit de visite, la fin de l’année est emblématique, comme les vacances. C’est  un moment sensible, parce que marqué comme fête de la famille… On constate par exemple une intensification des demandes pour s’assurer que les droits de visite seront vraiment respectés. EB

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