Quitte à courir un marathon, autant le faire à l’Everest

| mer, 14. déc. 2011
Danièle Niederer-Perroud rentre du Népal, où elle a participé au Marathon de l’Everest, une course caritative. Une grosse préparation pour trois semaines uniques.

PAR KARINE ALLEMANN

 
C’est une belle femme élégante qui nous ouvre la porte de sa maison, une magnifique ferme rénovée au pied du Moléson, à Gruyères. La voix est un peu éraillée. «Je l’ai perdue à Lukla. Nos affaires étaient ramenées à dos de yak et il a fallu patienter six heures dans des habits mouillés. J’ai eu froid, très froid.» Danièle Niederer-Perroud sourit. C’est que, de l’Himalaya, où elle a participé au Marathon de l’Everest, la dame ne garde que de bons souvenirs. Et la certitude que chacun peut être amené à dépasser ses limites.
Le Marathon de l’Everest, c’est 42 km à parcourir en haute altitude, au Népal. Le départ est donné à Gorak Shep, niché à 5184 m. L’arrivée est franchie à Namche Bazaar, à 3446 m. «Ce dénivelé est très trompeur, sourit la Gruérienne. Nous aussi, les participants, nous pensions que le parcours se ferait en descente. Or, il y avait bel et bien des montées, longues et difficiles.»
Qu’est-ce qui a motivé cette mère de famille de 42 ans, ancienne hôtesse de l’air, à se lancer dans l’aventure? «J’avais entendu parler de cette course il y a déjà longtemps et elle était toujours restée dans un coin de ma tête. Elle me faisait rêver, car elle réunit tout ce que j’aime: l’Himalaya, la montagne et la course à pied. Et puis, il n’y a que 100 participants. Je préfère cette solitude sur le parcours aux étouffants 5000 coureurs de la Jungfrau.» Le caractère caritatif du Marathon de l’Everest achève de la motiver (lire ci-dessous).
Coureuse chevronnée sur les longues distances en montagne depuis six ans – Trail Verbier-Saint-Bernard, Marathon de la Jungfrau, Tour des Dents-du-Midi… – la mère de famille a encore augmenté la cadence de ses entraînements dès l’hiver dernier. Pendant ces dix derniers mois, elle a couru douze heures par semaine. Soit trois sorties de plus de trois heures et trois sorties plus courtes.
«J’ai arrêté de compter les kilomètres et les dénivelés dès le début de l’année… Je ne cours jamais avec un pacemaker ou une montre. Certains ont un entraînement plus scientifique, avec régime alimentaire et boissons énergétiques. Moi, je fonctionne à l’instinct, à l’eau et au thé. Et, quand j’ai besoin d’un peu d’énergie, je prends deux carrés de chocolat. Maintenant, quand on court 30 ou 40 km en montagne, il n’y a pas de miracle: à un moment donné, on a mal. Et là, c’est le mental qui prend le dessus.»
 
Des piqûres dans les fesses
Danièle Niederer-Perroud est partie pour le Népal le 13 novembre. De Katmandou, tous les participants se sont astreint à un trekking de trois semaines pour atteindre le point de départ. «J’ai très bien vécu ce voyage, malgré le froid, les nuits sous tente et l’hygiène minimale. Mais certains ont beaucoup souffert et sont arrivés malades à Gorak Shep. Lors du dernier contrôle médical, il y a eu bien quelques piqûres dans les fesses (rires).»
La jeune femme admet qu’elle a aussi eu la chance de bien supporter l’altitude. «J’avais déjà atteint les 4782 m à vélo, au Pakistan. L’altitude ne m’avait absolument pas perturbée.»
Le 2 décembre, c’est avec une grande impatience qu’elle s’élance, sur le coup de 6 h 30. Et, là encore, la Gruérienne s’estime chanceuse. «Malgré deux chutes qui ne se sont pas avérées trop graves, tout s’est bien passé. Bien sûr, il y a des moments où on a très froid, on est seul, et il faut continuer d’avancer. Mais le décor était absolument grandiose. L’immensité de l’Himalaya est spectaculaire.»
La seule participante suisse pensait mettre une petite dizaine d’heures pour boucler les 42 km. Au final, son chrono est de 6 h 54, ce qui la classe 35e sur les 83 participants qui ont rallié l’arrivée (le record du parcours a été établi par un Népalais en  3 h 47).
Qu’est-ce qui a été le plus dur pendant la course? «Les douze derniers kilomètres. Il s’agissait d’une boucle au-dessus du village d’arrivée. On devait aller chercher une balise et revenir. Moralement, c’était terrible. Je ne sais pas comment c’est possible, mais il me semble que ça montait à l’aller et au retour!»
Excepté ce léger coup de blues, c’est presque fraîche comme une rose que l’ancienne hôtesse de l’air a franchi l’arrivée. «Je n’ai même pas ressenti de courbatures. Alors que, le lendemain, j’en voyais descendre les escaliers à reculons…»
 
La famille sur Google Earth
Sa famille l’avait-elle vue partir pour l’Himalaya avec appréhension? «Non. Le Népal est un pays très touristique et la course était bien encadrée médicalement. Avant d’avoir nos deux filles, avec mon mari nous avions été bien plus exposés lors de voyages dans des pays fermés au tourisme. De plus, une entreprise bulloise m’avait prêté un GPS avec lequel je pouvais envoyer deux messages par jour par satellite. Et puis, grâce à ce GPS, ma famille pouvait me suivre sur Google Earth.»
Danièle Niederer-Perroud est rentrée jeudi dernier. «Ça fait bizarre de débarquer en pleine opulence des fêtes de fin d’année… De mon aventure, je retiens le sourire et la gentillesse des Népalais. C’est un peuple magnifique et extraordinaire.»
Dans la ferme de Gruyères, le sapin est joliment décoré.  Noël approche à grands pas. Danièle, elle, a déjà de nouveaux projets en tête.
 
 
 
«Lukla, un havre de paix»
Avant de pouvoir prendre le départ du Marathon de l’Everest, chaque participant doit déposer un dossier de candidature. «Il faut aussi expliquer nos motivations et notre C.V. de coureur, explique Danièle Niederer-Perroud. J’ai envoyé mon dossier en novembre 2010 et j’ai reçu le OK un mois plus tard.»
Seul bémol: une allergie aux carottes et aux céleris fait tergiverser le staff médical, qui ne lui confirme le bon de participation qu’en septembre. «Le problème principal était les carottes, que l’on retrouve dans tous les repas. J’ai donc fait très attention, car cela pourrait me créer un choc anaphylactique. Je voyage donc toujours avec le nécessaire médical, au cas où…»
La particularité du Marathon de l’Everest est que la course est entièrement caritative. «Tous les participants doivent réunir des fonds. Une moitié va vers une œuvre de leur choix, l’autre est versée à l’Everest Marathon Found, qui agit depuis plusieurs années au Népal. Il n’y a ni argent pour les organisateurs, ni pour les vainqueurs.» Danièle Niederer-Perroud a choisi la Fondation Nicole Niquille et l’hôpital de Lukla, au Népal.
Sur le plan logistique, les participants reçoivent une liste avec du matériel à prendre et à ne pas prendre. Restait donc la recherche de fonds. «J’ai été très bien reçue par certaines entreprises, rejetée par d’autres. Pour faire du porte-à-porte, il faut des épaules. Au final, j’en suis à presque 8000 francs de récoltés. Et le compte reste ouvert jusqu’à la fin de l’année.»
Les 5000 francs qu’a coûté le voyage, eux, sont entièrement pris en charge par la Gruérienne.
Après la course, Danièle Niederer-Perroud est allée visiter Lukla et la Fondation. «La ville n’est pas spécialement jolie. Mais Nicole Niquille a fait de cet hôpital un véritable havre de paix, un petit paradis magnifique. Quand on pénètre dans le jardin, c’est très prenant. Elle peut être très fière de ce qu’elle a réalisé là-bas.» KA

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