Depuis quelques jours, la contestation monte contre le Premier ministre Viktor Orbán. Hongroise d’origine et installée en Gruyère depuis une trentaine d’années, Marianna Gawrysiak témoigne de la situation vécue sur place.
PAR CHRISTOPHE DUTOIT
Expliquez-nous ce qui se passe ces jours à Budapest?
Enfin, il y a des réactions face à la politique de Viktor Orbán! Des manifestations de contestation ont réuni 100000 personnes et elles ont fait l’objet d’une «répression douce». Quelques opposants ont été battus, humiliés. Et la télévision n’a pas parlé de cette manifestation, ce qui est une preuve aveuglante de la censure des médias. Viktor Orbán a fièrement annoncé qu’il n’a pas recouru aux balles…
On lui reproche d’instaurer une dictature, d’avoir ôté le mot république de la Constitution…
Depuis que Viktor Orbán est au Gouvernement (en 1998 et 2002, puis depuis 2010), la Hongrie est devenue un «état démocratique de façade». Il prône une politique ultranationaliste, chauviniste, avec un discours de démagogue en faisant croire aux Hongrois qu’ils se suffisent à eux-mêmes. A la fin de l’année passée, il a refusé l’aide du Fonds monétaire international. Deux tiers des députés sont à ses bottes et ils ont voté une énorme quantité de lois qui donnent les pleins pouvoirs à Viktor Orbán: le Parlement peut voter une nouvelle loi en quarante-huit heures, sur n’importe quel sujet, qui ne permet la consultation ni des commissions spécifiques ni des groupes de l’opposition. Il n’y a pas seulement une absence de liberté d’expression, mais – dans ses discours – Viktor Orbán tient ouvertement des propos antisémites, antitsiganes et homophobes.
La nouvelle Constitution limite le pouvoir de la justice et de la presse…
Viktor Orbán a complètement muselé les médias. Il a instauré une nouvelle loi qui permet à un office centralisé de tout censurer. Par exemple, la licence de la radio de l’opposition Club Radio a été retirée. En tant que Premier ministre, il se place au-dessus de la justice et l’exécutif intervient dans les affaires judiciaires.
Avez-vous eu des contacts récemment avec des gens sur place? Comment sentez-vous la population hongroise?
Il y a un climat d’incertitude, d’insécurité, d’inquiétude existentielle. Jusqu’ici, les gens n’osaient pas s’exprimer. Mais les récentes manifestations montrent le réveil de l’opinion publique. Selon un récent sondage, 80% de la population est mécontente de la situation actuelle et estime que les choses vont très mal pour le pays. Les gens parlent même d’un véritable «suicide du pays». Viktor Orbán conduit la Hongrie au désastre, à cause de sa fierté pathologique. A mon avis, on devrait l’interner en psychiatrie, parole de psychologue!
Avez-vous peur de ce qui se passe en Hongrie?
Oui, car la situation globale empire. A cause de cette politique ultranationaliste, la Hongrie est isolée et elle est fortement critiquée par l’Union européenne et les Etats-Unis.
La Hongrie est endettée à hauteur de 82% de son produit intérieur brut et devra rembourser 15 milliards d’euros cette année. Les Hongrois craignent-ils l’effondrement financier de leur pays?
Absolument. On dit que, dès le mois d’avril, on pourrait arriver à l’effondrement économique du pays, comme en Grèce. Le système de l’AVS s’est déjà écroulé, l’Etat n’arrive plus à payer les rentes. La Santé est également dans un très mauvais état. On peut évoquer la situation des jeunes médecins, obligés de trouver du travail dans l’Union européenne, car leur salaire ne leur suffit pas pour vivre. Enfin, le Gouvernement cache les vrais chiffres du chômage, qui avoisinent les 25%.
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