PAR VICTORIEN KISSLING
Vu de la Terre, le ciel est une immensité dont l’horizon apparaît comme la seule limite visible. Chaque année, cette vérité semble renaître dans le bal coloré des ballons au-dessus de Château-d’Œx, durant le festival international dont la 34e édition débute aujourd’hui. Les spectateurs lèvent des yeux ébahis pour admirer le vol léger des montgolfières, comme une incarnation concrète du mot liberté.
Ça, c’est pour la poésie. Parce que, dans les faits, c’est bien plus compliqué. La preuve avec le retour d’une épreuve mythique, tenue entre 1979 et 2002: la coupe David Niven. Une course où les vainqueurs sont les deux pilotes du ballon ayant parcouru la plus longue distance en quatre heures de vol. Le record absolu, tenu par un aérostier suisse qui avait atterri au nord de Paris lorsque la course n’avait pas de limite de temps, s’élève à 375 kilomètres.
A écouter le directeur technique de la manifestation Xavier Feal raconter l’organisation de cette course, le mythe du ciel sans limite se dégonfle comme une montgolfière après son atterrissage. Non, l’espace aérien n’est pas sans contrainte. Bien au contraire.
Sommation des FA-18
Etonnamment, la plus grosse menace se situe à l’autre bout de la Suisse: le WEF (forum économique mondial), qui accueille chaque année les grands de ce monde à Davos la même semaine. Bien que la station grisonne soit éloignée de 210 kilomètres à vol d’oiseau, la zone d’exclusion aérienne s’étend au moins jusqu’à Grindelwald (BE). «C’est à une petite heure de Château-d’Œx, ce qui est très proche», note Xavier Feal.
L’armée suisse, mandatée par la Confédération pour protéger les participants du grand raout économique, a tous les pouvoirs pour faire respecter l’ordre… jusqu’à abattre un aéronef désobéissant. «Entendre une sommation d’un FA-18 n’est sans doute pas des plus agréables! Puisqu’on a le choix de lancer la course entre lundi et jeudi, on va éviter le jour où les vents souffleraient vers le nord-est», sourit Xavier Feal.
Aéroport fermé
Bon, d’accord, il faut éviter ce quart de la boussole. Heureusement qu’il reste les autres directions. «Ce n’est pas si simple. Où qu’on aille, on se confrontera forcément à un couloir d’approche pour les avions. Par exemple, si le plafond aérien libre des ballons s’élève à 4000 mètres au-dessus de Château-d’Œx, il s’abaisse à 2800 mètres juste derrière le Moléson, là où les avions volent à basse altitude pour rejoindre Genève ou Zurich. Au-dessus, des autorisations doivent être demandées.»
Soit… et vers le sud? «Les aéroports de Milan ne sont pas des plus conciliants…», admet Xavier Feal qui leur trouve toutefois une excuse. Un jour, l’aéroport international de Milan-Malpensa a dû être fermé quarante-cinq minutes à cause d’un ballon – «qui ne provenait pas de Château d’Œx!» – perdu dans sa zone d’approche.
Contacts avec les tours
«Il faut savoir slalomer entre les diverses zones d’exclusion et d’approche», résume en effet Xavier Feal. Mais comment connaître la route? Si les ballons sont munis d’un GPS pour connaître leur position et déterminer le vainqueur, l’appareil n’est pas comparable aux assistants de conduite sur route qui donnent des instructions de direction précises d’une voix mécanique.
«Pour la David Niven, les consignes de vol viendront des tours de contrôle des aéroports approchés. Et surtout, les aérostiers devront déposer un plan de vol pour que les aiguilleurs du ciel soient prévenus du passage de la course», explique-t-il.
Mais alors que reste-t-il aux pilotes? «Honnêtement, pas grand-chose. L’intérêt pour eux réside surtout dans cette prise de contact avec les instances aériennes, qu’on apprend lors des cours théoriques, mais qu’on a peu l’occasion de mettre en pratique par la suite. Certaines stratégies, notamment le choix des altitudes et des vents, seront encore du ressort des pilotes.»
Pour ceux qui voudraient suivre ces différents choix en direct, les ballons – il y a neuf inscrits pour l’instant – seront équipés d’un traceur qui transmettra leur position sur une carte disponible sur un site internet. Alors sans doute sera visible la notion que le ciel n’est finalement qu’un immense… labyrinthe.
-------------
Premier week-end chargé
Si la météo le permet, ce premier week-end à Château-d’Œx offrira plusieurs moments forts, notamment les décollages groupés samedi matin à 10 h 30 et 11 h 15 et dimanche à 10 h 30. Moments préférés des petits – et de certains grands – les décollages des formes spéciales auront lieu samedi à 11 h 45 et 13 h et dimanche à 11 h 45. Plus acrobatiques, des shows aériens sont prévus les deux jours à 13 h 30. Enfin, des démonstrations de parapentes, de dirigeables ou de sky chariots auront lieu toute la journée. VK
Infos sur www.festivaldeballon.ch
Ajouter un commentaire