L’assassin de Lucie écope de la prison à perpétuité

| mer, 29. fév. 2012
Daniel H, 28 ans, a été reconnu coupable d’assassinat. La peine de vingt ans de prison est assortie d’un internement, mais pas à vie.

PAR JEAN GODEL AVEC L'ATS


Le verdict est tombé hier, peu avant 19 h: Daniel H., le jeune homme qui a tué Lucie Trezzini le 4 mars 2009, a été reconnu coupable d’assassinat et condamné à la prison à perpétuité, soit vingt ans de privation de liberté, peine assortie d’un internement simple. Le prévenu ne restera donc pas forcément enfermé pour toujours.
Le Tribunal de district de Baden (AG) n’a donc pas entièrement suivi le Ministère public, lequel avait requis, mardi, la prison à vie ainsi que l’internement à vie pour assassinat. Selon l’accusation, le prévenu a en effet agi sans aucun scrupule: «Cet homme ne doit plus jamais sortir de prison car il est non seulement extrêmement dangereux, mais aussi un manipulateur, avait déclaré le procureur général Dominik Aufdenblatten. On ne peut presque pas imaginer un crime plus violent et plus brutal.» Qui plus est, «une thérapie n’aurait pas de chance de réussir», par conséquent, le meurtrier de Lucie «doit être interné à vie».


«Acte inexcusable»
Hier matin, l’avocat d’office du meurtrier a demandé au contraire que son client ne soit pas interné à vie. Il a réclamé une peine de prison limitée à dix-huit ans pour assassinat, assortie de mesures thérapeutiques «longues et intensives». L’acte commis par l’accusé est «insensé, inexcusable et incompréhensible à un niveau rationnel», a lancé Matthias Fricker dans sa plaidoirie.
Mais malgré cela, il existe des possibilités de psychothérapie pour le jeune homme de 28 ans. En cas d’internement à vie, le prévenu resterait enfermé à jamais.
Les mesures demandées par la défense ne signifient pas que l’accusé serait libéré un jour, automatiquement. «Si elles ne sont pas efficaces, un internement pourra être prononcé ultérieurement», a souligné Matthias Fricker. L’avocat a aussi rappelé que le prévenu avait été abusé sexuellement à l’âge de 11 ans par un ami de sa mère. Une circonstance atténuante, selon lui.
Interrogé mardi en début d’audience, le prévenu a reconnu sa culpabilité: «Je regrette profondément. Je pense presque chaque soir à mon acte.» Un acte qu’il a qualifié de «bestial et épouvantable». Pour autant, il a affirmé ne pas vouloir être interné: «Je veux devenir un homme meilleur.» Des regrets qualifiés de «tactiques» par l’accusation.


Retour sur le 4 mars 2009
Durant son procès, le prévenu a raconté avec calme la journée du 4 mars 2009. Conscient qu’il ne pouvait plus contrôler sa consommation d’alcool et de drogue, il avait contacté un service spécialisé peu avant le meurtre. Il s’était ensuite présenté à une clinique qui lui avait refusé l’entrée au motif qu’il avait une heure de retard.
Pour ce qui est de la suite, Daniel H. n’a pas pu expliquer certains détails du crime. Il n’a ainsi pas été capable de dire pourquoi il avait frappé avec autant de force la tête de Lucie avec une barre d’haltère. Il ne comprend pas non plus la présence de sperme et d’urine sur le corps de la jeune fille.


Version des faits changée
D’autre part, l’accusation a fait remarquer que durant l’enquête, le prévenu a fait des déclarations contradictoires. Ainsi, après avoir dans un premier temps affirmé qu’il n’y avait pas eu de dispute avant qu’il tue Lucie, il a, fin 2010, changé sa version des faits. Selon lui, au moment où la jeune fille a compris qu’aucune séance photo n’était prévue, elle aurait voulu des explications. Cela l’aurait rendu «agressif». Il a alors tenté de l’expulser de son appartement, mais devant l’insistance de Lucie, le meurtrier a saisi la barre d’haltère et l’a frappée.
Le procureur considère cette variante comme une «tentative de s’en sortir à bon compte». Cette version implique en effet que le crime était spontané alors que, selon l’acte d’accusation, il y avait préméditation.

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«On ne saura jamais la vérité»

Pierre Mauron est l’un des avocats de la famille de Lucie. Il a répondu à chaud à nos questions.

Quel sens donner à cet internement simple?
Pierre Mauron: On estime qu’à l’issue de ces vingt ans de prison, il ne va pas s’amender. Le condamné va donc purger ces vingt ans, dans tous les cas. Il n’y aura pas de sortie anticipée. Ensuite, il sera interné. L’internement simple signifie qu’il pourra faire ensuite une demande de remise en liberté s’il répond aux conditions et qu’on estime qu’il est guéri. C’est une commission qui examinera son état psychique pour décider de son sort.

Y a-t-il eu des circonstances atténuantes pour que l’internement à vie ne soit pas retenu?
Non, aucune. Au contraire, de nombreuses circonstances aggravantes. Mais, le juge a dit qu’il n’était pas possible de prévoir à l’heure actuelle si le condamné pourrait s’amender dans vingt ans. On ne peut donc pas exclure la possibilité qu’il s’amende, d’où l’internement ordinaire.

Y aura-t-il recours de part et d’autre?
Le Ministère public a plaidé avec force l’internement à vie. La famille Trezzini espère donc que le Ministère public argovien fera recours pour obtenir l’internement à vie.

Et de la part de la défense?
A mon avis, ce risque est faible: l’accusé prend vingt ans au lieu des dix-huit demandés par son avocat, et l’internement simple.

Êtes-vous satisfait du déroulement du procès?
Dans l’ensemble, oui. Les mesures de sécurité étaient énormes, avec un dispositif policier gigantesque. Bien sûr, pour la famille qui n’est pas habituée à cela, la justice s’est exercée de manière assez froide, désincarnée.

Faut-il voir, dans la fermeté de la justice argovienne, une volonté de rattraper les erreurs du passé?
Non. J’ai senti le Tribunal en dehors de toute influence. Il a prononcé la sentence qu’il estimait juste et la plus appropriée à ce qui s’était passé.

La famille de Lucie est-elle satisfaite?
Elle est vraiment contente de savoir que cet individu restera longtemps en prison, mais elle est déçue de savoir qu’il ressortira peut-être un jour. Il y a une question de sécurité publique: Lucie a été choisie au hasard. Et lorsqu’il y a le moindre doute que l’accusé peut récidiver, Il faut interner cette personne.

Comment le condamné a-t-il réagi au verdict?
Exactement de la même manière que durant tous les débats. Il ne manifeste aucun signe de colère ni d’acceptation. Il reste impassible. Je ne lui trouve aucune sincérité. Il n’a pas manifesté le moindre regret.

Y a-t-il encore des zones d’ombre dans le déroulement de ce drame?
Oui, c’est ce qu’il y a de plus terrible. Le Tribunal estime que seul l’assassin sait ce qui s’est vraiment passé et que probablement on ne le saura jamais. C’est quelque chose qui aggrave la douleur des parents. JnG

 

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«Tout a été dur»
Le témoignage de Roland Trezzini, le père de Lucie.


Comment vous sentez-vous?
Je suis satisfait qu’il y ait un internement, car c’est quand même une sanction efficace. Mais je suis déçu qu’il ne soit pas interné à vie alors que toutes les conditions étaient réunies pour qu’il le soit.

Qu’est-ce qui a été le plus dur durant ces deux jours?

Tout a été dur.

Quelle est la suite de votre action?
On tient à ce que les fautes commises par les autorités d’exécution des peines soient reconnues. Ça reste une mission. Nous avions deux objectifs: l’alerte enlèvement et le suivi des délinquants dangereux. La reconnaissance des erreurs nous permettra de terminer le deuil de Lucie. On ne peut pas perdre sa fille à cause d’erreurs de procédure. JnG

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