La classe biberon se met aussi aux collants-pipette

| sam, 11. fév. 2012
Ce sport attire toujours davantage d’adolescents. Le Club alpin regrette que les organisateurs refusent de proposer un parcours pour les plus jeunes. Quelques règles pour éviter la surcharge chez les ados.


PAR KARINE ALLEMANN


Les skieurs-alpinistes ont grandi. Ceux qui se sont mis à ce sport il y a une quinzaine d’années se sont mariés, ont eu des enfants et ils leur ont mis des peaux de phoque sous les spatules très jeunes déjà. Les années ont passé et, aujourd’hui, on retrouve toujours plus d’adolescents sur les pistes de ski, mais dans le sens de la montée.
Un engouement dont se félicitent évidemment les responsables du ski-alpinisme de compétition au sein du Club alpin suisse. «Plus il y a de jeunes qui pratiquent, plus les chances augmentent d’avoir une équipe nationale forte», confirme Rolf Zurbrugg, chef du ski-alpinisme suisse et actuellement aux championnats d’Europe de Pelvoux, en France. Où, hier, les Helvètes ont décroché deux fois l’or par équipe, chez les dames et chez les messieurs, ainsi que le bronze chez les juniors.
«Avant, le ski-alpinisme n’était pratiqué que par les chaussettes rouges du Club alpin. Mais, c’est vrai, de plus en plus de jeunes s’y mettent», remarque Cédric Yerly, président d’organisation du Trophée des Gastlosen. «On en voit beaucoup le long des pistes de ski, par exemple du côté de Charmey. Par contre, je n’ai jamais vu d’adolescents de 14 ans tout seuls. En général, à cet âge, ils vont encore avec leurs parents.»
Pour Cédric Yerly, ces nouveaux pratiquants sont plus attirés par la compétition que par la balade tranquille avec un morceau de fromage et un bout de lard dans le sac à dos. «C’est sûr! rigole l’organisateur gruérien. Ce qui les intéresse, c’est se mesurer à un chrono.»
Depuis quatre ans, le Club alpin suisse organise des journées d’initiation pour les enfants dès 13 ans. Pour Rolf Zurbrugg, il n’y a pas vraiment d’âge limite pour commencer. «Le matériel est devenu très léger. Un enfant de 8 ans peut s’y mettre sans problème. Evidemment, avec un petit dénivelé de 100 m pour commencer. Après, ça reste un sport pour adultes. Pour des raisons de sécurité et d’orientation, on ne peut pas laisser un gamin de 12 ans partir tout seul.»
Il s’agit dès lors de ne pas prendre de risques. «En ce qui concerne les dangers d’avalanche, même certains adultes n’ont aucune idée de ce qu’il convient de faire», regrette Rolf Zurbrugg, également guide de montagne. «Il faut donc éviter les risques et rester bien visibles sur les pistes de ski ouvertes. Ou alors se contenter d’endroits totalement sûrs. On trouve partout des pentes de moins de 30° où le risque d’avalanche est nul.» Et d’ajouter: «J’ai pu remarquer lors des initiations que les enfants de 8 ans respectent les consignes. C’est moins le cas à 17 ans, où l’adolescent croit déjà tout connaître.»
C’est, en effet, l’insouciance de la jeunesse qui peut faire craindre les prises de risque. «Le ski-alpinisme s’apprend beaucoup sur le tas, rappelle Cédric Yerly. On ne maîtrise pas forcément tous les facteurs. Dès lors, notre sport fait appel au bon sens. Et est-ce que notre bon sens est hyperdéveloppé à 15 ans?»


Les jumeaux avaient 8 ans
Fabienne et Jacques Pharisa font partie de ces trentenaires qui se sont mis au ski-
alpinisme au début des années 2000. Parents de quatre enfants, ils pratiquent désormais en famille. En avril, Fabienne participera même à la petite Patrouille avec une de ses filles et un de ses garçons. «Les quatre enfants ont commencé en même temps, raconte Fabienne Pharisa. Les plus jeunes, les jumeaux, devaient avoir 8 ans. Ils savaient déjà bien skier, ce qui est important. Cela s’est fait naturellement. Au début, on allait au-dessus d’Estavannens. Puis au Creux, puis au Carré. La première fois qu’on l’a fait tous ensemble, c’était vraiment sympa.»
Evidemment, la prudence est de mise. «Mon mari et moi sommes bien conscients que nous ne connaissons pas assez la montagne pour partir seuls dans des endroits inconnus. Maintenant âgés de 17 à 20 ans, les enfants adoptent la même attitude et se contentent des endroits qu’ils connaissent.»
Fabienne Pharisa a-t-elle l’impression que la famille pratique un sport à risques? «Non, pas comme nous le faisons. Un de mes garçons s’est mis à la lutte suisse. Je vous assure que je suis plus stressée pour lui quand je le vois partir sur le dos.»
Le risque zéro n’existe évidemment jamais. Reste que le bon comportement en montagne est d’abord une question d’expérience avant une question d’âge.

 

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Trophée des Gast montré du doigt
Toujours dans le but d’attirer les plus jeunes vers la compétition, le Club alpin suisse propose depuis cet hiver une Coupe cadets et cadettes réservée aux 15-17 ans et organisée dans l’aire d’arrivée des compétitions élites. Pour cette première édition, elle compte cinq manches, dont une en Gruyère, samedi prochain lors de l’Américaine nocturne de la Chia.
Fervent artisan de cette Coupe, Rolf Zurbrugg pointe du doigt les organiseurs du Trophée des Gastlosen. «Ils ne font rien pour les jeunes! C’est vraiment dommage qu’une telle course ne joue pas le jeu. Nous leur avons proposé de venir avec le staff pour nous occuper de tout, mais cela ne les intéresse pas. Pourtant, on a besoin de leur collaboration pour développer notre sport chez les jeunes. C’est donc notre travail, maintenant, de les convaincre.»
Président d’organisation du Trophée, Cédric Yerly s’explique. «Notre carte de visite, c’est le décor, c’est les Gastlosen.  Mais, pour cette course cadets, le Club alpin ne veut qu’une seule montée et 500 m de dénivelé au maximum. Franchement, organiser une troisième course (n.d.l.r..: en plus du parcours A et du parcours B, pour lequel il faut être âgé de 15 ans révolus), le long de la piste de ski de Bellegarde n’a pas vraiment de sens pour nous.»
Si le Gruérien se dit bien conscient qu’il s’agit de «jouer le jeu» et promet que le comité y réfléchira à l’avenir, il ne comprend pas vraiment la limite de dénivelé. «Je suis un peu impliqué dans Fribourg-Gottéron et je vois des jeunes s’entraîner deux fois par jour! Et c’est pareil dans le basket. Dès lors, pourquoi limiter à 500 m alors que je connais de nombreux jeunes qui font régulièrement des sorties avec 1000 à 1500 m de dénivelé?»
Pour Rolf Zurbrugg, cette limitation va dans le sens du ski-alpinisme moderne. «Les compétitions internationales sont toujours plus courtes, intensives et avec moins de dénivelé. Aux championnats d’Europe, cette semaine, la course masculine s’est gagnée en 1 h 05. Aujourd’hui, les coureurs doivent pouvoir enchaîner les compétitions. Si elles demandent deux ou trois heures d’effort à chaque fois, ils sont cuits à la mi-saison.»


De l’inutilité de l’endurance
La mentalité change donc au sein du Swiss Team. «Nous avions remarqué que nos athlètes étaient superendurants, mais que cela ne servait à rien dès que la course était rapide chez les adultes. C’est l’évolution de notre sport qui veut ça.»
Les puristes de la montagne surnomment les skieurs-alpinistes les collants-
pipette, rapport à leur équipement ultraléger. On dirait bien que ces férus de compétition sont toujours plus éloignés des randonneurs de la première heure en chaussettes rouges. KA

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Des règles à respecter
Médecin responsable à l’arrivée de la Patrouille des glaciers et membre du European College of Sport Science, Grégoire Schrago évoque trois particularités du ski-alpinisme. «Ce sport se pratique en altitude et une partie de la population peut présenter des problèmes physiologiques liés à celle-ci. On ne peut pas connaître à l’avance la réaction des plus jeunes. Ensuite, ils sont plus sensibles au froid que des adultes. Et, enfin, un jeune prépubère (n.d.l.r.: moins de 15 ans pour un garçon, moins de 14 ans pour une fille) ne possède pas encore l’équipement enzymatique pour de grandes charges d’entraînement du type endurance. Et évoluer dans la neige demande une puissance qu’il n’a pas encore. Cela peut, par la suite, entraîner des problèmes de croissance.»
Mais le médecin du sport souligne aussi que l’évolution du matériel, très léger, permet désormais sa pratique par les plus jeunes. Reste à respecter certaines règles. «Maintenir le polysportif est primordial. Et ce, d’autant plus que les sports de balle développent la coordination et la vitesse, qui sont très importantes. Il faut aussi éviter les courses du type Patrouille des glaciers et les entraînements dans la haute neige. A l’adolescence, mieux vaut se limiter aux pistes de ski et s’amuser lors des courses verticales, par exemple.» Et Grégoire Schrago de conclure: «L’évolution du matériel, éviter les surcharges: c’est bien. Mais cela n’enlève rien au fait que, à ces jeunes, il faut surtout inculquer une culture de la montagne.» KA
 

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