«En France, on croit que la Suisse, c’est l’eldorado"

| sam, 31. mar. 2012
L’attaquant du FC Bulle Karim Benslimane raconte sa vie en Suisse, loin de sa famille. Comme beaucoup d’autres Français, il misait sur la Suisse pour rebondir. A Bouleyres, le Français veut rendre un peu de ce qu’on lui a donné.

PAR KARINE ALLEMANN

La trajectoire de Karim Benslimane ressemble à beaucoup d’autres. Encore un joueur fran­çais qui espérait rebondir en Suisse et réussir une carrière qui le fuyait dans son pays. «En France, on croit tous que la Suisse, c’est l’eldorado. Je connais bien François Mar­que, qui vient de Troyes, com­me moi. Après une bonne saison à Baulmes, il est parti à Bâle. Ce mec a joué la Champions League! C’est ce genre de trajectoire que nous font miroiter les agents. C’est à ça qu’on pense en arrivant.»
Mais, pour beaucoup d’appelés, peu d’élus. Après avoir fait ses classes à Troyes puis vagabondé en CFA pendant trois ans, à 26 ans le milieu offensif de Bouleyres débarque à Le Mont (2e ligue inter). Puis ce sera Fribourg, Portalban/Gletterens, Bulle, La Tour/Le Pâquier et retour à Bulle. Les clubs de ligue supérieure, ce ne sera jamais pour lui. Karim Benslimane a 30 ans.


«J’aurai dû y aller au culot!»
Au fond, qu’est-ce qui lui a manqué pour réussir une carrière professionnelle? «Je me suis endormi… A 17 ans, je jouais déjà en CFA. A 23 ans, on parlait de moi dans les journaux, Troyes voulait me faire signer un contrat pro. Je me suis dit: “c’est bon!” Mais le club a été relégué, et l’entraîneur viré.» Alors, au lieu de la Ligue 1, ce sera la CFA ou, au mieux, la Nationale (3e division). «Aujourd’hui, je me rends compte que j’aurais dû démarcher, y aller au culot!»
Condamnés aux ligues régionales, les joueurs comme Benslimane sont quasiment des smicards du foot. «Après la relé­gation de Bulle, ma priorité était de trouver un travail. C’est pour ça que je suis parti à La Tour/Le Pâquier. Michel Dubois m’avait dit qu’il m’en trouverait un. Mais les seuls boulots que j’ai décrochés, c’est par moi-mê­me. Au final, c’est par mon ancien coéquipier à Fribourg Yann Hartmann que j’ai trouvé mon emploi actuel.»
Détenteur d’un BEP d’électro-technique et d’une formation de chauffeur de bus, Karim Benslimane est depuis une année et demie aide-monteur en store dans une entreprise d’Estavayer-le-Lac. Les journées sont bien remplies, les week-ends aussi. Car, une semaine sur deux, il prend la voiture après le match pour se rendre à Troyes, à quatre heures trente de route, pour retrouver son épouse, son fils de 8 ans et sa fille de 3 ans.


Etiquette peu reluisante
«Au début, les quitter le dimanche soir, c’était dur. Mais on finit par s’y habituer.» Pourquoi persister ici alors que toute sa famille vit en France? «C’est en quelque sorte un sacrifice. Parce que j’espère leur offrir un meilleur avenir en Suisse. J’ai la chance d’avoir un travail qui me plaît et j’espère pouvoir évoluer dans ce job. En France, même avec des diplômes, on ne trouve pas de travail. Alors imaginez quelles étaient mes chances en tant que footballeur…»
Le Français n’a pourtant jamais eu tellement de chance dans le canton. Deux cervicales cassées à Portalban, des ligaments déchirés à Bulle, puis un accident de moto l’automne dernier… Avec, comme bilan sportif ces deux dernières saisons, une relégation gag avec Bulle (lire ci-dessous) et une mauvaise saison à La Tour/Le Pâquier. De quoi traîner une étiquette de mercenaire peu reluisante. Mais pas méritée, comme le confirment les joueurs et les dirigeants qui le côtoient.
«Vous pouvez demander à tous les clubs par lesquels je suis passé, je me suis toujours défoncé. D’ailleurs, mes anciens coéquipiers ont parlé en bien de moi aux dirigeants bullois. Après, c’est normal que les gens attendent beaucoup des joueurs étrangers. Surtout des attaquants. Même moi, j’étais dégoûté de mes dernières saisons. C’est pour ça que je veux tout faire pour rebondir. Je veux prouver ce que je vaux. Je le dois aussi à Patrice Bertherin, qui m’a fait confiance en me rapatriant à Bulle.»
Si la santé le permet, Karim Benslimane se verrait bien poursuivre encore dix ans. Parce qu’il a toujours autant de plaisir à jouer avec ou contre les nombreux amis qu’il s’est faits dans le canton. «C’est ce que j’apprécie le plus dans votre pays, où j’aimerais m’installer pour de bon. En France, c’est chacun pour sa gueule. Mais, en Suisse, les gens attendent de te connaître avant de te juger. Ici, il y a plein de gens sur qui on peut compter. Si tu es correct, ils sont prêts à t’aider.»

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