PAR JEAN GODEL
Aux principes énoncés par Doris Leuthard dès le 15 mars, peu après le «oui» à l’initiative de Franz Weber sur les résidences secondaires, Fribourg préfère pour l’heure l’ancien droit et rejoint, de facto, la fronde des cantons alpins. Jusqu’au 31 décembre, il appliquera donc les dispositions en vigueur avant le 11 mars. Et dès 2013, les demandes de permis seront traitées selon les indications attendues de Berne, a communiqué hier la Direction de l’aménagement, de l’environnement et des constructions (DAEC).
Pourtant, les recommandations du DETEC de Doris Leuthard semblent claires: la Constitution révisée entre en vigueur dès que le peuple et les cantons l'ont acceptée. Soit le 11 mars. Si des demandes de permis de construire déposées dès le 12 mars doivent révéler un doute sur l’esprit de la nouvelle loi, Berne recommande de suspendre les procédures jusqu'à ce que la loi d'application soit en vigueur.
En accord avec l’initiative
Pour prendre sa décision, Maurice Ropraz s’est, lui, basé sur l’interprétation de l’ASPAN, l’Association suisse pour l’aménagement national, qui regroupe, à côté de tous les cantons et de la moitié des communes suisses, des spécialistes de l’aménagement du territoire. Une association dont l'objectif est précisément de «favoriser une utilisation du territoire conforme aux buts énoncés dans la Constitution fédérale» et que soutient la Confédération…
Dans sa prise de position, publiée elle aussi le 15 mars, l’ASPAN évoque, elle, les dispositions transitoires de l’initiative elle-même. Lesquelles prévoient que des autorisations de construire sur la base du droit actuel peuvent encore être délivrées d’ici à fin 2012.
Le «culot» des cantons
Dans Le Temps de jeudi pourtant, Pierre Chiffelle, conseiller juridique de la Fondation Franz Weber, dénonce le «culot» des cantons qui interprètent une disposition transitoire secondaire «pour retarder les effets d’une décision populaire qui ne leur plaît pas». L’avocat et ancien conseiller d’Etat socialiste vaudois rappelle le principe, appliqué par la plupart des cantons, de la suspension d’un projet si une loi pouvant lui être contraire est en voie d’élaboration.
A l'Office fédéral du développement territorial (ARE), on reconnaît que les règles édictées le 15 mars par le DETEC ne sont que des recommandations: les communes comme les cantons peuvent s'y tenir ou non. «Pour ne pas courir le risque d'un désaveu par un tribunal, il est préférable de s'y conformer», avertit toutefois son porte-parole Rudolf Menzi.
Une vue à l’opposé de celle de Maurice Ropraz. Qui préfère s’en tenir à la pratique antérieure, tant les inconnues sont nombreuses: «Il y aurait beaucoup plus de risques à anticiper une entrée en vigueur immédiate ou à suspendre toutes les procédures», prétend le ministre en charge des constructions. Pour lui, l’Etat pourrait justement subir des plaintes de privés lésés, avec des indemnisations à la clé.
«J’assume ma responsabilité en jouant la transparence et la sécurité du droit. Le canton prend là une position pragmatique dans l’attente de clarifications.» L’ancien préfet de la Gruyère assure enfin n’avoir pris contact avec aucun canton alpin. Mais constate dans le même temps qu’aucun canton-ville n’a décidé une entrée en vigueur immédiate…
Enfin, il n’est pas question pour lui de se soustraire à la volonté populaire: «Je tiens à ce que Fribourg applique cette initiative. Ma démarche n’est pas politique. J’attends simplement des directives claires.»
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Rien à signaler!
Dans les communes où le plafond de 20% de résidences secondaires est dépassé, aucun afflux de demandes de permis de construire n’a été constaté. «Absolument rien ne s’est passé», résume Didier Bütikofer, syndic de Crésuz. «Il n’y a pas d’avalanche», rassure son voisin de Charmey, Félix Grossrieder. Qui signale simplement une réflexion informelle qu’il a eue avec un promoteur autour de la nécessité de développer les résidences principales. A la préfecture de la Gruyère, Patrice Borcard, qui a l’oreille des communes, n’a même pas eu vent de demandes de renseignements de gens rendus inquiets. Quant à Maurice Ropraz, directeur de la DAEC, il rappelle que ce risque d’afflux, inhérent au texte de l’initiative, était connu. JnG
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