PAR FRANK-OLIVIER BAECHLER

 
Des funérailles catholiques sans prêtre? Au sein du Conseil pastoral cantonal, l’idée fait son chemin. Jusqu’à apparaître, avec l’approbation de l’autorité diocésaine, dans les dernières recommandations de la pastorale des funérailles et du deuil, publiées en octobre 2010.
L’intention première n’est pas de remplacer les prêtres, mais de leur adjoindre une équipe d’agents pastoraux laïcs et de bénévoles dûment formés pour l’accompagnement des familles dans la peine. De l’annonce du décès
à la messe de trentième, en passant par l’éventuelle veillée de prières et la célébration d’adieux, dans lesquelles ces auxiliaires joueront une part active. Ils pourraient même être amenés, en l’absence d’eucharistie et en l’indisponibilité d’un prêtre, à présider eux-
mêmes la cérémonie.

Une formation poussée
Une quarantaine de ces futurs accompagnants, venus de toute la partie francophone du canton de Fribourg, se sont réunis récemment dans le Centre diocésain à Villars-sur-Glâne. Ils participaient à leur cinquième et dernière journée de formation théorique, en vue de l’obtention de ce nouveau mandat.
Une formation déclinée en quatre axes principaux: sociologique (la mort et l’après-vie dans la culture contemporaine), relationnel (la connaissance des phases de deuil, l’écoute des personnes, l’accueil des émotions et la gestion des situations difficiles), théologique (la résurrection du Christ et des morts, la communion des saints, etc.) et liturgique (l’accompagnement des personnes et les diverses formes de célébration).
Dans les mois à venir, chaque participant devra encore suivre un stage pratique. Après une phase d’observation, il prendra activement part aux trois temps forts de l’accompagnement: la visite à la famille, la préparation de la célébration et la célébration à proprement parler. Car on ne s’improvise pas auxiliaire des funérailles et du deuil, une «mission ample et complexe», comme l’indique le document distribué par les autorités religieuses.
Marie-Dominique Minassian, responsable de la formation et des ressources en pastorale, l’admet volontiers: «Il s’agit d’un changement profond, d’un travail sur la durée. Les outils sont là, mais il faudra accompagner au mieux chaque unité pastorale. Et convaincre si possible les prêtres encore réticents.»

Un manque de prêtres
Pour M^gr Rémy Berchier, l’un des intervenants du cours, le clergé ne pourra bientôt plus assumer cette charge tout seul. «Il ne faut pas se voiler la face, les prêtres viennent à manquer. Cette année, je dois repourvoir l’équivalent de huit postes à plein temps dans le canton de Fribourg. Je n’y arriverai pas. Dans les années qui viennent, chaque unité pastorale devra s’organiser avec un ou deux prêtres en moins.»
Le vicaire général n’en insiste pas moins sur le rôle de toute la communauté chrétienne, prêtres et laïcs, en matière de pastorale des funérailles. «Nous ne souhaitons pas argumenter sur la théorie du manque, mais appelons plutôt à la responsabilité baptismale des laïcs.» Et de prendre l’exemple du drame de Sierre pour illustrer son propos: «Il y a la communauté des sauveteurs, des autorités, des familles, bien sûr, de toute la population, mais aussi la communauté ecclésiale ou encore paroissiale. Les communautés sont multiples et diverses, visibles ou invisibles, et elles jouent un rôle primordial lors d’un enterrement et du processus de deuil.»
François-Xavier Amherdt, professeur de théologie pastorale à l’Université de Fribourg, abonde dans le même sens: «La question de la responsabilité baptismale n’est pas nouvelle. Elle fut largement documentée par Vatican II. La diminution du nombre de prêtres est maintenant l’occasion de la déployer.»
Amorcé dans le district de la Gruyère, le mouvement s’annonce général. Le Valais, en collaboration avec Fribourg, a lancé une formation similaire à l’automne passé, tandis que les catholiques vaudois lui emboîtent le pas. Et M^gr Rémy Berchier de conclure: «Bientôt, le fait que les funérailles soient prises en charge par des laïcs deviendra un acquis.»

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La Gruyère en pionnière
Le vicariat épiscopal ne s’en cache pas: les nouvelles orientations cantonales s’inspirent largement de l’expérience pilote menée depuis 2007 dans l’Unité pastorale (UP) de Notre-Dame de Compassion, forte de dix paroisses gruériennes.
Confrontée à la diminution du nombre de prêtres, l’équipe pastorale en place lance alors une réflexion sur le rôle de la communauté croyante et la mission de tout baptisé. Il en ressort la volonté de créer un groupe de laïcs, au sein de l’UP, pour accompagner les prêtres dans la pastorale des funérailles.
Un canevas de formation, élaboré par l’abbé Jean-Claude Dunant, curé modérateur, et Sœur Marlyse Cantin, s’est ensuite penché sur l’accompagnement des familles et la préparation – voire l’animation partielle – de la célébration.
Pour Sœur Marlyse Cantin, qui présentait l’historique et les résultats de cette première expérimentation, le bilan est bon. «Il y a toujours quelques réajustements à faire, mais l’accueil est positif, tant du côté des intervenants que de la population.»
Infirmière retraitée, la religieuse n’en est pas à son coup d’essai. Pendant vingt ans, elle a formé des dizaines de bénévoles d’accompagnement en fin de vie, dans le cadre de l’association «Jusqu’à la mort, accompagner la vie».
Rebaptisée «Vivre avec la mort» en 2008, cette structure à but non lucratif compte une soixantaine de bénévoles formés par ses soins et présents dans chaque district du canton. L’association se trouve aujourd’hui sous la responsabilité de Raymonde Charrière et Micheline Repond. FOB