PAR DOMINIQUE MEYLAN


La Suisse n’est plus un îlot de sécurité au milieu de l’Europe. Le commandant de la police cantonale, Pierre Schuwey, a répété plusieurs fois ce constat lundi, au moment de présenter les statistiques de la criminalité et de la sécurité publique pour l’année 2011. Comme ailleurs en Suisse, les atteintes au patrimoine - vols par effraction, à l’arraché ou à la tire - sont en augmentation.
«Actuellement, nous sommes débordés», témoigne Florian Walser, chef de la Police de sûreté. La statistique des vols par effraction est assez parlante. En 2011, ils ont augmenté de 4,8% par rapport à l’année précédente. Depuis décembre, on assiste même à une véritable explosion, «des niveaux jamais atteints», selon Pierre Schuwey. En janvier par exemple, la police a enregistré 286 vols par effraction, contre 142 en 2011.
Les habitations sont particulièrement visées. Les cambriolages ont augmenté de 24%, par rapport à 2010. Mais, ce n’est qu’une part du problème. Dans les voitures, à l’arraché sur la voie publique, dans les postes ou les stations-service, partout et de toutes les manières, ces délits tendent à s’accentuer. Les vols, tous types confondus, doivent être attribués pour une part, «à une certaine criminalité, en provenance des pays de l’Est et des banlieues françaises», expose Pierre Schuwey. Les cantons romands limitrophes avec la France sont encore davantage touchés.

Plus ou moins organisés
Face à ce type de forfaits, la police souffre. «Par exemple, certaines bandes de Géorgiens organisent des repérages, raconte le commandant de la police cantonale. Elles appellent ensuite un de leur compatriote qui arrive en avion. On vient le chercher à l’aéroport. Il commet son forfait et repart sur un autre vol.» Autre exemple relaté par Florian Walser: une tablette numérique, volée à Fribourg, peut être annoncée cinq ou six heures plus tard dans une banlieue parisienne. «Ces personnes sont très bien organisées.»
Le nouveau Code de procédure pénale n’aide guère les forces de l’ordre. «Pour une même affaire, il faut compter entre 10 et 15% de travail supplémentaire», selon Pierre Schuwey. Lors de vagues d’annonces de cambriolages par exemple, la police ne peut pas traiter simultanément toutes les demandes. Le temps entre la détection et l’intervention augmente. Dans ce contexte, un code très procédurier vient encore compliquer le travail. En lien ou non avec ces difficultés, le taux d’élucidation des affaires a diminué l’année dernière dans le canton de Fribourg, pour se rapprocher de la moyenne suisse de 26,6%.

Autres tendances
Les statistiques 2011 de la police présentent également quelques progrès encourageants. Le nombre d’infrac-tions à l’intégrité corporelle s’est réduit. La police a certes dû traiter six affaires d’homicide, contre trois en 2010. Cependant, mis à part ces drames, la diminution est de 11,3% par rapport à l’année précédente. Une statistique à prendre avec des pincettes. L’année 2010 avait été particulièrement violente.
Les infractions contre l’intégrité sexuelle – actes d’ordre sexuel avec des enfants, contrainte sexuelle, viol et pornographie – sont en baisse constante depuis 2008. «Il faudrait voir à plus long terme si c’est une tendance réelle», précise Florian Walser. Toutefois, Fribourg, qui a longtemps présenté des chiffres supérieurs à la moyenne suisse, tend ainsi à s’aligner sur les autres cantons.
La police s’inquiète par ailleurs d’une petite proportion de requérants d’asile déboutés. «Ils vivent de délinquance et de violence. Ils terrorisent les gens dans les foyers et les commerçants dans les centres-villes», note Pierre Schuwey, pour qui ces délinquants viennent principalement des pays secoués par la révolution arabe. La police a dégagé du personnel et lancé deux opérations successives, Eden et Eden 2, à Fribourg et à Bulle. «Pour garder le contrôle des centres-villes», explique Pierre Schuwey.
En plus de ces affaires qui dépendent du Code pénal, la police a enregistré l’année dernière 1458 infractions à la Loi sur les stupéfiants, une proportion en baisse de 2,3% par rapport à 2010. Les infractions à la Loi sur les étrangers sont par contre en augmentation: 560 cas en 2011, contre 505 l’année précédente.
La police possède encore un rôle social. En 2011, les agents sont intervenus à 1749 reprises pour secourir des personnes en difficulté, sous l’influence de l’alcool, de stupéfiants ou en proie à des problèmes psychiques. Parfois, ils sont appelés pour des problèmes de voisinage ou des enfants «égarés». Dans ce domaine aussi, le nombre d’interventions tend à augmenter d’année en année.

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Même constat ailleurs
A lire les statistiques de la criminalité vaudoise ou genevoise, on se dit que Fribourg est encore préservé. A Genève, la criminalité a augmenté de 18% en 2011, emmenée par une hausse de 22% des vols et cambriolages. Vaud a annoncé une hausse de 18,5% des infractions au Code pénal l’année dernière. Pour expliquer ces chiffres, la cheffe du Département de la sécurité et de l’environnement, Jacqueline de Quattro, a notamment pointé «l’explosion» de la criminalité transfrontalière. Genève a poussé la réflexion plus loin et analysé l’origine des auteurs de vols pendant les années 2008 à 2011. Ces actes seraient principalement commis par des ressortissants roumains et maghrébins. En quatre ans, plus de mille petits criminels Tunisiens, Marocains, Egyptiens et Algériens ou affirmant venir d’Irak, de Libye ou de Palestine, ont été recensés à Genève. Dans un communiqué, la Conférence latine des chefs des Départements de justice et police s’inquiète de cette augmentation des vols et cambriolages. Elle étudie la mise en place d’une task force. Elle analyse également la possibilité de simplifier certaines procédures.