Alzheimer ou une difficile cohabitation dans les EMS

| mar, 10. avr. 2012
De plus en plus de personnes âgées souffrent de démence. Les EMS connaissent des problèmes de cohabitation entre leurs différentes populations. Des unités distinctes pourraient améliorer la prise en charge.


PAR SOPHIE ROULIN


«Cette nuit, une de nos résidentes s’est entièrement déshabillée, avant de déambuler dans les couloirs d’un de nos étages. Si cela s’était passé en plein après-midi, elle aurait pu se retrouver face à un visiteur qui venait dire bonjour à son grand-père.» Le genre de situation que redoutent les responsables des foyers de Bulle. Ici, comme dans la plupart des EMS fribourgeois, les patients atteints d’Alzheimer ou d’autres démences cohabitent avec les autres. Tant bien que mal.
Une situation qui ne va pas s’améliorer dans les années à venir: le vieillissement de la population, l’allongement de la vie et une meilleure prise en charge des soins à domicile sont autant d’éléments qui induisent que les personnes âgées entrant dans les EMS souffrent de démence dans une plus grande proportion. Les risques de conflit suivent donc eux aussi une courbe ascendante.
«Un patient atteint de démence demande une attention quasi continue, explique Christian Rime, directeur des deux EMS bullois. Parce qu’il est susceptible d’avoir des comportements inadaptés.» Et de citer quelques exemples: «Il peut entrer dans une chambre qui n’est pas la sienne, fouiller dans les affaires de sa voisine, déambuler sans raison à longueur de journée, se montrer agressif ou encore ingurgiter des médicaments qui ne sont pas les siens.»


Une séparation bienvenue
Ces comportements ne laissent pas les autres résidents indifférents, surtout s’ils sont en pleine possession de leurs moyens. Sans compter que, souvent, les familles de ces derniers y vont également de leur étonnement ou de leurs remontrances envers l’institution. «Pour remédier à certains problèmes, il faut parfois calmer les personnes démentes à l’aide de médicaments, ce qui n’est pas anodin», ajoute Catherine Thalmann. Infirmière cheffe depuis dix ans, elle considère qu’une séparation des deux populations pourrait améliorer les choses.
«Les patients atteints de démence sont très sensibles aux ambiances. Et quand on se précipite vers une personne qui déambule nue, pour reprendre cet exemple, qu’on l’entraîne rapidement vers sa chambre – pour ne pas choquer les autres patients ou leur famille – qu’on la rhabille contre son gré, elle le ressent comme quelque chose de très violent. L’agressivité est alors une réaction de défense.» Selon l’infirmière, une structure séparée, dédiée aux personnes atteintes de démence, permettrait une prise en charge différente.


Les familles plus tolérantes
«On pourrait accompagner la personne dans la démarche, prendre le temps de la convaincre de se rhabiller, ajoute Catherine Thalmann. Les autres patients souffrant également de démence ne seraient pas choqués de ce comportement, ou ils l’oublieraient très vite. Et les familles des résidents seraient également plus tolérantes.» En cas d’unité spécialisée, les familles sont en effet invitées à signer un protocole qui leur explique que les règles sont différentes, moins strictes, que dans les unités traditionnelles. Des expériences faites dans d’autres institutions montrent aussi que les familles sont plus à l’aise, parce qu’elles n’ont plus cette angoisse que leur parent fasse des «bêtises».


Avec les contraintes du bâti
«La plupart des homes de la région ont entre 25 et 30 ans, note Christian Rime. Des bâtiments jugés luxueux à l’époque sont devenus insuffisants: la population résidente n’est plus la même, les mentalités ont changé, les soins ont évolué…» A Bulle, le Foyer de Bouleyres et la Maison bourgeoisiale accueillent un total de 132 résidents, dont plus de la moitié souffre d’une démence. «Et un tiers de cette population présente des troubles du comportement», précise Catherine Thalmann.
«Il y a beaucoup de pistes pour résoudre ces problèmes de cohabitation», ajoute le directeur. Restent les limites données par le cadre institutionnel et bâti existant.

 

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Réflexion en cours à Bulle
Les personnes atteintes de démence demandent une attention et des soins adaptés à leur pathologie. Mais, pour l’heure, elles sont presque partout mélangées aux autres résidents des EMS, comme c’est le cas à Bulle. Quelques mesures ont néanmoins été mises en place: le personnel a été formé à une méthode de prise en charge et de communication avec ces patients et un système de détection, qui évite que les patients atteints de démence puissent «fuguer», a été installé.
Un bracelet électronique permet de détecter les sorties et donne l’alarme. La perte de la notion d’espace et la désorientation font en effet partie des symptômes. «Sans ce système, nous devrions refuser l’entrée de patients dont l’errance est connue, pour des raisons de sécurité», relève l’infirmière cheffe.
Mais il existe d’autres moyens que de courir après les fugueurs et de les contraindre à revenir à l’intérieur. «Des jardins de déambulation aux structures arrondies et donc sans ouverture vers l’extérieur fonctionnent bien selon les expériences réalisées dans d’autres pays», relève Christian Rime, directeur des foyers bullois. Dans le canton, la Résidence des Chênes, à Fribourg, mène un projet pilote d’unité de psychogériatrie, avec les aménagements architecturaux nécessaires.
A Bulle, la création d’une unité psychogériatique est encore en réflexion, dans le cadre des travaux de rénovation du Foyer de Bouleyres. «Une unité spéciale doit être reconnue comme telle, ajoute le directeur. Pour l’heure, il manque encore un rapport et des exigences pour une unité de ce genre, le projet pilote étant en cours.» SR
 

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