PAR KARINE ALLEMANN
A 20 ans, on devrait juste avoir pour souci de choisir le bistrot où aller boire un verre le samedi soir. Michaël Celeschi, lui, a dû faire face au cancer des os de son amie. Quelques mois de relation et, déjà, un couperet au-dessus de leurs jeunes têtes. Deux ans de combat, pas sur le ring, mais au côté de sa copine, pendant lesquels la boxe est passée après tout le reste.
Aujourd’hui, l’histoire s’est bien finie. Son amie est guérie et Michaël Celeschi est de retour aux affaires. Dire que cette épreuve en a fait un meilleur boxeur serait trop simple. Car le Châtelois était déjà bon avant. Mais, forcément, l’épreuve l’a changé. «J’ai mûri, sans doute un peu trop vite. Mais devenir plus responsable, c’est bien pour la boxe. Parce qu’il faut être capable de sacrifier un peu de sa personne pour gagner. S’il y a une chose que j’ai apprise, c’est que, pour monter sur un ring, on n’est jamais assez prêt. Au moindre relâchement, l’autre ne va pas hésiter à te liquider. C’est pour ça qu’il est venu.»
A bientôt 24 ans, le menuisier-ébéniste domicilié à Rue compte à son palmarès 11 succès et 6 défaites. Dont quatre belles victoires de rang depuis la fin 2011. A tel point que ses entraîneurs lui ont lancé un défi pour le meeting de Palézieux samedi soir: affronter le champion de Suisse des mi-lourds Marzio Franscella.
C’est à 17 ans seulement que le Vaudois d’origine a débuté dans un sport qui l’a toujours attiré. «Petit, je me souviens que mon père m’a eu réveillé la nuit pour voir un combat de Tyson ou Holyfield à la télé. Par contre, s’il aimait regarder la boxe, il ne voulait pas que j’en fasse. J’ai réussi à persuader mes parents à 17 ans seulement. Dès les premiers entraînements, j’ai su que c’était exactement ce que je voulais faire. Je n’attendais que ça. Cette confrontation physique avec les autres, je voulais me prouver que j’en étais capable.»
Michaël Celeschi, 1,83 m pour 75 kg, est un bon élève. Appliqué, travailleur, il progresse vite. Mais cette envie de bien faire peut aussi s’avérer pénalisante. «Au moment de monter sur un ring, je n’ai jamais peur de prendre un coup. Par contre, j’ai peur de ne pas réussir à appliquer ce que j’ai appris, d’être paralysé.»
Un ennemi intime
Plus que les mauvais coups ou les blessures – un nez un peu amoché et une perforation d’un tympan pour le Châtelois – la peur de décevoir est un ennemi intime pour beaucoup de
sportifs. «J’essaie de progresser dans ce domaine. Avant, j’angoissais deux semaines avant un combat. Maintenant, ça commence une fois dans le vestiaire. C’est la grande difficulté de la boxe. Rester relaxe, quoi qu’il arrive.»
La boxe passe pour être le sport le plus dur du monde. Car, à la moindre inattention ou baisse de régime, c’est son intégrité physique que le boxeur met en jeu, pas seulement son ego. «Le plus dur, c’est les coups, bien sûr. Et puis, il faut être au top physiquement, sinon c’est trop difficile. Je ne pensais pas que ce serait à ce point. En fait, dès que tu montes sur un ring, tout devient difficile. C’est assez inexplicable, il faut essayer une fois pour s’en rendre compte.»
Une relation de confiance
Dès lors, la relation de confiance avec son homme de coin est primordial. C’est ce qui lie le Châtelois à ses entraîneurs, notamment François Gilliand, son coach principal. «Je ne peux pas dire que c’est un ami, parce que ce n’est pas ce genre de relation. Plutôt un grand frère, que j’écoute et qui me conseille. Il peut être dur avec moi, mais je sais qu’il est juste. Et puis, il me connaît, il me voit évoluer. Je ne pourrais pas fonctionner avec quelqu’un en qui je n’ai pas confiance.»
Si boxer n’a rien à voir avec se battre – il suffit d’assister une fois à un combat pour s’en rendre compte – la détermination de l’athlète est… déterminante. «Dans la salle d’entraînement de Lausanne, il est écrit une phrase que j’aime bien: “Les vrais boxeurs sont des gens ordinaires avec une détermination extraordinaire.” Ça veut tout dire. Parce que, sur le ring, les gens le voient si tu es déterminé, si tu es prêt à tout pour gagner.»
Les moyens de bien faire
Malgré tout, pour beaucoup, le plaisir de frapper et d’être frappé reste incompréhensible. Comment l’expliquer aux sceptiques? «La boxe est le plus beau sport du monde, le noble art! Moi, je suis fier de monter sur le ring, parce que c’est un espace sans tricheur. Tu te mets à nu devant tout le monde. Il n’appartient qu’à toi de prouver ce que tu vaux.»
L’avenir? Le poids moyen de Châtel-Saint-Denis ne l’a pas encore programmé. Un titre de champion de Suisse, l’envie d’une carrière pro: le jeune homme prendra les choses les unes après les autres. En attendant, il s’entraîne cinq fois par semaine.
Le jeune homme a les moyens de livrer un beau combat samedi. A condition qu’il fasse de son pire ennemi sa fidèle alliée. Que sa détermination le porte vers un exploit mérité.
On dit que, pour voir si son athlète est prêt au combat, un entraîneur doit le regarder dans les yeux. C’est ce que fera François Gilliand quand son poulain montera sur le ring. Ce qu’il verra dans les yeux de Michaël Celeschi ne dépendra que de lui.
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«La place pour les jeunes»
Le meeting de Palézieux ne présentera plus de combat professionnel, jugé trop onéreux. Loin de le regretter, le président-entraîneur du BC Châtel-Saint-Denis François Gilliand est heureux de laisser la place aux jeunes boxeurs débutants. «Pour quatre d’entre eux, ce sera une première. Nous souhaitons que la musique et le publique les portent sur le ring.»
Ce sera le cas du jeune Raphaël Digier. «Il s’entraîne depuis trois ans, mais il fallait attendre ses 18 ans pour le faire combattre. Techniquement, il est très bon.» Plus routiniers, Bojan Todosjevic et Stéphane Oberson monteront également sur le ring de Palézieux. «Difficile pour moi de me prononcer, note François Gilliand. Ils s’entraînent tous les deux à Savatan (n.d.l.r.: où Todosjevic est une recrue et Oberson instructeur) et quelquefois à Lausanne, avec Bertrand Fellay, qui a réuni l’affiche du meeting.»
Quant à Michaël Celeschi, il sera opposé au champion de Suisse des poids moyens, rien que ça. «Sur le plan technique, Michaël a acquis les bases. Il nous en a donné la preuve en France. C’est pourquoi nous avons choisi un très bon adversaire. S’il réussit à bien boxer, et même à gagner, nous aurons beaucoup moins de soucis pour les championnats de Suisse d’octobre. Et, dans le cas contraire, nous verrons ce qu’il nous reste à travailler.»
Enfin, un combat qui promet d’être explosif va opposer le boxeur de Villars-sur-Glâne Djodji Evariste, 105 kg sur la balance, et le champion de Suisse des lourds Seid Dzemaili (Zurich).
Le tout dans une ambiance «à l’américaine», avec une démonstration de tissus aériens signée Roxane Gilliand, la fille de François, et d’une école lausannoise de krav maga. François Gilliand, qui soigne l’accueil du public et des boxeurs, devrait voir une salle de Palézieux comble et survoltée samedi. KA
Salle polyvalente de Palézieux, meeting du Boxing-club Châtel-Saint-Denis samedi dès 19 h 30
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