Henry: «Je ne fais pas de chasse aux sorcières»

| sam, 05. mai. 2012
Arrivé en janvier, l’entraîneur Jean-François Henry a remis un peu d’ordre dans l’effectif de La Tour/Le Pâquier. S’il estime que l’équipe de foot a les moyens de se maintenir, le Vaudois n’est pas prêt à transiger sur tout.

PAR KARINE ALLEMANN


Manque d’implication, problème de discipline, égoïsme, comportement non  adap­té à la vie d’une équipe: Jean-François Henry en a vu de toutes les couleurs depuis son arrivée à La Tour/Le Pâquier, le 16 janvier.  En position de relégable, l’équipe du Parc des sports Nestlé n’en finit plus de décevoir. Cette semaine, après l’arrêt surprise du gardien Thierry Bally (La Gruyère de mardi), l’entraîneur a aussi décidé de se séparer de trois joueurs, dont il ne veut pas divulguer le nom. «Parce que ce n’est pas mon genre de mettre la tête des gens sous l’eau ou de les humilier dans la presse. Et puis, je ne suis pas là pour faire une chasse aux sorcières.» Le chapitre est clos.
Au moment d’aborder les six derniers matches qui décideront si La Tour/Le Pâquier évoluera toujours en 2e ligue inter la saison prochaine, le Vaudois dresse un bilan sans concession.

Après Yves Bussard et Lionel Martin, remerciés par le club, les résultats de l’équipe ne sont pas meilleurs avec vous. Alors, où se situe le problème?
Visiblement, Lionel Martin n’a été qu’un fusible qu’on a fait sauter. Quand j’ai son­dé l’équipe à mon arrivée, les joueurs ont tous relevé le manque d’implication individuelle et le sujet, délicat, de l’identification au maillot, trop relative. Je savais que ma tâche serait compliquée, j’ai donc axé mon discours sur la solidarité, le respect et l’engagement.

Est-il entendu?
Si quelqu’un ne l’a pas entendu, c’est qu’il est sourd! La question est plutôt de savoir s’il est mis en application. Et, de toute évidence, ce n’était pas le cas chez tout le monde. On verra dimanche si les choses ont changé depuis que nous avons affiné le contingent. Une chose est sûre: avec le comité, on s’est dit que si, par malheur, on devait être relégué, on voulait pouvoir se dire qu’on a tout mis en œuvre pour remettre l’équipe sur les rails au niveau de l’implication. Et on est solidaire dans ces choix.


On vous sent remonté…
Evidemment que je le suis! Certains joueurs se prennent pour des starlettes, en 2e ligue inter! Ils se croient champions du monde. Mais qu’ils essaient déjà d’être des champions dans l’équipe! J’ai un frère handicapé en chaise roulante. Quand je vois certains joueurs venir à l’entraînement à reculons et qu’il faut se mettre à genoux devant eux pour qu’ils veuillent bien ramasser des piquets, j’ai envie de dire stop! Qu’ils aillent faire un tour dans les hôpitaux. Et peut-être qu’ils redescendront sur terre. A part ça, certains croient que je ne les aime pas. Mais c’est faux. C’est juste que moi, ce que j’aime, c’est quelqu’un prêt à se faire péter sur le terrain.

Le club connaît des problèmes de recrutement depuis plusieurs saisons. Le problème n’est-il pas que La Tour/Le Pâquier n’est plus très attractif sur le plan sportif et que, dès lors, il ne reste que les finances pour attirer des renforts? Alors que l’histoire du foot régional a montré que les mercenaires ont rarement sauvé un club…
Les dirigeants se sont rendu compte des erreurs commises par le passé. Le mercenariat a ses limites. Mais c’est souvent quand on est acculés qu’on fait des bêtises. On n’a plus le recul pour la réflexion. Malheureusement, aujourd’hui, c’est normal que le club ait des difficultés à recruter. A une époque, on a demandé à certains joueurs de la région de partir pour laisser leurs places à d’autres. Je comprends que ceux-là ne soient plus intéressés. Par contre, je tiens à préciser que les problèmes d’identification et d’engagement ne sont pas une question de nationalité. Un joueur comme Vincent Talio est un exemple d’intégration et un modèle formidable pour les joueurs de l’équipe. Il y a aussi l’exemple de notre Brésilien à passeport portugais Sergio Polista. Il est arrivé il y a huit semaines sans savoir parler un mot de français. Depuis, il est le premier à prendre la parole quand je la donne à l’équipe.

Pour en revenir aux problèmes de recrutement, cela ne va pas s’arranger avec la promotion probable de Gumefens/Sorens en 2e ligue inter et celle, éventuelle, de Broc en 2e ligue…
C’est vrai, ce n’est pas une bonne nouvelle pour nous. Maintenant, il s’agit de convaincre les joueurs de la région qu’ils sont notre priorité et pas une solution de repli. Que, s’ils sont motivés, s’ils ont le potentiel, on les fera jouer. Comme Andrei Rudakov fils, Manhattan Sanza ou Philippe Pasquier, des gars fantastiques.

Sur l’échiquier régional, comment voyez-vous l’avenir de La Tour?
Pour moi, la seule solution est de devenir le vrai partenaire du FC Bulle. Surtout si le club bullois confirme sa volonté de former des jeunes. Les querelles du passé, je ne les connais pas. Moi, tout ce que je vois, c’est des gens prêts à collaborer. Et puis, les dirigeants bullois doivent bien voir que les jeunes qu’ils nous ont prêtés comme Valon Ramabaja, et maintenant Mathieu Parisod sont sur le terrain. Et quand ces gars seront prêts, je serai le premier heureux de les voir évoluer plus haut. Et on recommencera avec de nouveaux inter A.

Il reste six matches. Comment évaluez-vous vos chances de vous maintenir?
La situation est compliquée. En plus des deux derniers de chaque groupe, deux des moins bons onzièmes seront relégués. Au vu des sept premiers matches, je n’ai aucune certitude au niveau des résultats. Mais pour travailler toute la semaine avec ces joueurs, je sais qu’ils ont le potentiel pour le faire. Donc je ne vois pas pourquoi je serais pessimiste. C’est un nouveau championnat qui démarre. Quand j’ai annoncé les changements à l’équipe, personne n’a crié au scandale. Ceux qui seront sur la feuille de match dimanche savent qu’ils doivent tout donner pour le club.

Une relégation serait-elle totalement catastrophique pour La Tour/Le Pâquier?
Après tout ce que je viens de dire, je ne peux pas répondre autre chose que: non. D’ailleurs, lors d’une discussion mercredi, j’ai dit au comité que mon envie de rester comme entraîneur ne dépend pas de la ligue de jeu, mais du projet. Mais quand un club a le potentiel de celui de La Tour, avec autant de gens qui s’investissent, si une relégation ne serait pas une catastrophe, elle n’en resterait pas moins un beau gâchis.

 

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«Le maintien, oui, mais pas à n’importe quel prix»
A 54 ans, Jean-François Henry a «baigné dans le foot» toute sa vie. Aujourd’hui, les filets d’entraînement qu’il a inventés, qu’il fabrique lui-même et qu’il livre dans les clubs professionnels, ou aux équipes nationales comme la France ou l’Espagne, lui permettent de vivre (jusqu’à 120000 francs de chiffre d’affaires les bonnes années). Ainsi que les camps d’entraînement qu’il organise l’été (notamment à Farvagny du 23 au 27 juillet et du 30 juillet au 3 août). 
Joueur de ligue nationale puis entraîneur, le père de famille de La Tour-de-Peilz a toujours eu une certaine idée de l’engagement. «J’ai fêté des titres de champions de Suisse avec Servette, d’autres de 2e ligue avec Farvagny, ou avec des D9 à Fribourg. A chaque fois je les ai vécus avec le même plaisir! Tout ce que j’ai réussi à faire dans le foot, c’est grâce aux gens avec qui j’étais. Malheureusement, pour certains, le foot n’est pas un sport collectif. Mais si ma mission est de maintenir La Tour en 2e ligue inter, je ne le ferai pas à n’importe quel prix.»
Dès lors, le Vaudois n’est pas prêt à transiger sur tout. Notamment sur l’attitude. Et les problèmes que peut connaître La Tour/Le Pâquier sont les mêmes ailleurs, quand des joueurs perdent le sens de l’engagement et du respect. «Quand tu es déçu par une certaine évolution de la société, il y a deux solutions: soit tu restes tout seul chez toi, soit, à un modeste niveau, tu essaies d’apporter quelque chose. Moi, j’ai toujours envie de continuer. Sinon, ce serait faire la part trop belle à tous ces glandeurs!»
Et de poursuivre: «Au fond, la question est de savoir quelle trace de ton passage tu vas laisser dans un club. Et la seule vérité, c’est le travail. Ceci étant, je me rends bien compte que je dois être chiant pour certains joueurs. Mais il va falloir qu’ils s’y fassent, car je ne lâcherai jamais.» KA

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