Sombres perspectives pour le site de Riaz

| jeu, 03. mai. 2012
L’HFR veut regrouper les soins aigus sur un seul site. Le site de Riaz risque de devenir un hôpital de seconde zone en 2022. Sans blocs opératoires, la maternité n’aurait alors plus de sens.

PAR PRISKA RAUBER/JéRÔME GACHET/JEAN GODEL


Depuis la semaine dernière et la révélation, dans ces colonnes, des graves menaces qui planent notamment sur la maternité de Riaz, la situation évolue très rapidement. Mardi, le conseil d’administration de l’Hôpital fribourgeois (HFR) a lâché une bombe en affirmant qu’elle étudiait la possibilité de regrouper, d’ici à 2022, tous les soins aigus sur un seul site, celui de Fribourg. Les autres sites devraient se contenter de missions particulières, comme c’est, par exemple, déjà le cas de Billens avec la réadaptation. Avec pour objectif de réduire les coûts. Pour rappel, le budget 2012 présente une perte de 15 millions de francs.
La direction prise par l’HFR n’est en soi pas une surprise. Si la maternité est en grand danger, c’est justement parce que l’hôpital de Riaz ne prodiguerait plus de soins aigus. Et lors du bilan 2011 de l’HFR, il y a une semaine, Bernard Vermeulen, directeur médical avait confié en aparté qu’il fallait aussi se demander s’il fallait garder des blocs opératoires sur trois sites.
Mais alors que deviendra le site de Riaz si ce scénario se produit? Qu’est-ce que cela changera pour les patients, pour le personnel?


Plus que de la «bobologie»
Les informations étant lacunaires à ce stade, il est difficile de savoir ce qu’il adviendra précisément du site. Ce qui est évident, c’est qu’un hôpital qui ne prodigue plus les soins aigus n’a pas besoin de blocs opératoires. L’établissement ne fait plus que de la «bobologie». Et si le cas nécessite des soins aigus, il est envoyé à Fribourg.
L’avenir des urgences n’est pas clair. Dans son communiqué, l’HFR parle de maintenir une permanence sur certains sites. On imagine mal Riaz sans cela. Surtout à un moment où l’HFR va investir 2,2 millions de francs pour agrandir les urgences qui existent actuellement.
Leur suppression reviendrait également à engorger celles de Fribourg, déjà passablement chargées. En revanche, d’aucuns redoutent des heures d’ouverture réduites.


Plus de maternité
Impossible, en revanche, d’imaginer une maternité sans blocs opératoires. Son avenir est donc très compromis. «Dès qu’un accouchement démarre, on ne sait jamais, jusqu’à la toute fin, comment ça va tourner. Si le bébé décélère, si le placenta ne sort pas ou si la maman saigne, c’est le départ en urgence pour le bloc opératoire. A partir de là, sans cette structure dans les murs de l’hôpital, il est évident qu’il n’y a plus de maternité.»
Cette sage-femme œuvrant à Riaz n’est pas dupe. Malgré les conditionnels et les termes choisis par les membres du conseil d’administration de l’HFR – «Nous sommes en phase d’analyse», «La maternité ne va pas fermer à court terme» – elle sait, comme tout le personnel, que le service de gynécologie-obstétrique de Riaz est condamné. Et plus tôt qu’on ne le pense. «Ils disent dans dix ans, mais ce sera avant, c’est indéniable. Dans deux, cinq ans», estime-t-elle.


«Il y aura des catastrophes»
Et faire de la maternité de Riaz une sorte de maison de naissance – qui se trouve en général à moins de cinq minutes d’un hôpital – lui semble peu probable. «Il faut au bas mot compter vingt minutes de transfert, le temps que l’ambulance arrive, que les dossiers puissent être transmis, le trajet, etc. C’est trop lorsque chaque minute compte, surtout en cas de problèmes hémorragiques. Dans ce scénario, il y aura des catastrophes…»
La situation est donc tendue. Sans compter le non-remplacement du médecin-chef de la clinique de gynécologie-obstétrique de l’HFR Riaz, Philippe Bracher, démissionnaire au 30 juin.


Exil sanitaire
Mais pour l’heure, la sage-femme veut rassurer les patientes. «On a encore du temps. Même si les chefs changent, même si ce qu’il se passe en interne est préoccupant, la qualité des soins reste la même.» Pour l’heure. Mais viendra un temps où les accouchements n’auront plus lieu qu’à Fribourg. Les futures mamans glânoises et veveysannes auront un long chemin à faire pour mettre leurs enfants au monde dans leur canton. L’exil sanitaire vers Vaud semble alors d’autant plus judicieux. Mais d’autant plus paradoxal, à l’heure où la concurrence entre hôpitaux s’accroît, système des DRG oblige.
Cette nouvelle donne changerait considérablement le statut de l’hôpital de Riaz. Il se serait plus, comme le prévoyait la planification hospitalière, le centre d’une région – le Sud – mais deviendrait un satellite de Fribourg.

--------------

 

«Nous savons bien que nous sommes condamnés»
«C’est très grave.» Gaétan Zurkinden, secrétaire régional de la section fribourgeoise du Syndicat suisse des services publics (SSP) ne cache pas sa stupéfaction. «Quelle communication calamiteuse! En conférence de presse, la semaine passée, le conseil d’administration informe simplement sur le bilan, les efforts réalisés et aborde le défi de l’introduction des DRG et ses mesures d’économies à envisager. Il se serait arrêté là dans les informations données si vous (n.d.l.r.: La Gruyère) n’aviez pas creusé sur les menaces concernant la maternité de Riaz. Et voilà que l’HFR balance un communiqué annonçant le regroupement des soins aigus sur le site de Fribourg.»
«Il est vrai que depuis de nombreux mois, nous ne savons pas sur quel pied danser, alors que nous sommes directement concernés, confie un membre du personnel de Riaz, qui souhaite garder l’anonymat. Nous naviguons entre ce qui est de l’ordre de la rumeur et ce qui est avéré.» Les employés de la maternité ont tout de même obtenu, à force d’offensives, une réunion avec le conseil d’administration, lundi. «Mais si nous n’avions pas secoué le cocotier et s’il n’y avait pas eu l’effet bombe atomique de votre article, nous ne saurions toujours rien de la stratégie choisie.» Le personnel revendique une meilleure communication. «De la clarté. Que les informations et les décisions soient rassurantes ou pas – personne ici n’est dupe, nous savons bien que nous sommes condamnés – nous avons besoin de savoir comment le dossier avance. Et la population aussi a droit à des informations claires.»


Enjeux de santé publique
Un avis que partage Gaétan Zurkinden, puisque les patients fribourgeois vont également connaître le bouleversement et la fin de certaines prestations, «notamment du principe de proximité hospitalière. Les enjeux relèvent de la santé publique tout de même. L’HFR ne produit pas des boîtes en carton. Alors en tant que défenseurs du service public également, nous nous opposons totalement à cette décision. Car, de toute façon, dans ce scénario de regroupement des soins aigus, des sites vont fermer. Qui pourrait croire au maintien de six sites hospitaliers, dont cinq dédiés à la réadaptation et la gériatrie?»
Gaétan Zurkinden déplore encore cette décision prise dans la précipitation. «Dans une telle situation, il faut au contraire prendre le temps de réfléchir. Cette précipitation prouve une fois de plus, après l’affaire de la maternité de Fribourg, en août 2011, qu’il existe un grave problème de gestion.»
Il s’interroge encore sur la stratégie choisie: «Il leur manque 15 mio, certes, mais ce n’est pas le bout du monde. Et il s’agit d’un budget. Ils pourraient tout de même effectuer un exercice complet, d’un an, et se baser sur les comptes. D’autant plus que d’après leur bilan, ce qui est perdu sur les soins aigus est récupéré dans le secteur ambulatoire (n.d.l.r.: un secteur en progression en 2011 de 10,9% par rapport à 2010, avec des recettes de 7 mio plus élevées que prévu au budget). Sans compter que le canton, disposant d’une fortune de près d’un milliard, a les moyens de financer un service public de la santé de qualité.»
Et ce, ajoute Gaétan Zurkinden, malgré le nouveau mode de financement des hôpitaux. «Les marges de manœuvre existent pour maintenir l’intégralité des prestations actuelles: le Conseil d’Etat a ainsi notamment la possibilité de financer des prestations considérées comme étant d’intérêt régional.»


Mobilisation du personnel
Et le syndicaliste de se fendre d’un communiqué, hier, pour indiquer que le SSP va s’atteler à organiser «la résistance face aux velléités de démantèlement et de démembrement de l’HFR». Dans un premier temps, en constituant un front large regroupant personnel, usagers et institutions. «Par ailleurs, nous n’hésiterons pas à appeler le personnel à se mobiliser, au cas où des mesures d’économie seraient faites sur leur dos», conclut-il. PR

Commentaires

c'est du nimporte quoi fermé la maternité de Riaz. Mon fils est né à Riaz et c'était très bien en plus sésarienne en urgence. Plus de 30 bébés naissent chaque mois à riaz. Et pour les personnes qui habite dans la région de bulle il nous faut une maternité. Non à la fermeture.

Ajouter un commentaire

CAPTCHA
Cette question est pour tester si vous êtes un visiteur humain et pour éviter les soumissions automatisées spam.

Annonces Emploi

Annonces Événements

Annonces Immobilier

Annonces diverses