PAR LARA GROSS
«Le bip retentit… On a quelques secondes pour s’éloigner de ses proches afin de les préserver. On lance un “tcho, je vous aime” et on part sans se poser de questions.» Samuel* faisait partie des intervenants samedi sur le lieu de l’accident d’avion à Tatroz. Il a accepté de témoigner sous le couvert de l’anonymat, pour des raisons professionnelles et personnelles. Une grande pudeur et un profond respect envers les victimes et leurs familles qui se ressentent d’ailleurs dans toute la région.
En quittant sa maison, Samuel n’avait qu’une seule information: un accident aérien. «On ne sait pas à quoi on va faire face. On a beau avoir fait de multiples exercices, ça nous prépare jamais à une telle réalité.» Sur place, les premiers intervenants doivent sécuriser le périmètre. «Il peut y avoir des risques de propagation, d’incendie. Et puis, il y a le secours aux victimes.»
«Les images restent…»
Vu l’ampleur des dégâts, la gestion des équipes est faite de manière à ne pas envoyer les plus fragiles à proximité de l’avion. Les premiers sauveteurs sur place n’étaient pas forcément des professionnels. S’il se raconte qu’en endossant l’uniforme, ces hommes se sentent investis d’une mission… la tenue ne suffit pas à se munir d’une carapace. «Une fois qu’on y est, on a beau essayer de regarder ailleurs, les images restent…» Samuel n’en dévoilera pas plus.
Les visages des témoins sur place avant l’arrivée des secours laissaient présager de la violence de la situation. «C’est un petit village, les gens savaient que cette famille devait survoler la région. On a rapidement entendu circuler les noms des victimes. Mais on n’y pense pas, on n’essaie pas de les reconnaître.» Si les vies ne pouvaient plus être sauvées, il fallait leur assurer une dignité.
Car une des épreuves les plus dures pour Samuel, comme pour beaucoup, a été la présence des médias. «On déposait les débris de l’avion dans une remorque et les photographes en mitraillaient chaque détail. Quand ce n’était pas des zooms sur les corps. On s’est senti oppressés. Les journalistes sont arrivés à la fois tard et à la fois tôt. Tard, car bien après le début de l’intervention. Mais en même temps, l’information n’aurait-elle pas pu attendre le lendemain?»
D’intervenant à papa
Ces journaux encore qui ont cherché à expliquer les causes du drame. «Les caissettes sont si faciles d’accès aux arrêts de bus, déplore le sauveteur, également papa. Mes enfants sont revenus de l’école en racontant les clans créés en faveur des enfants du pilote ou en leur défaveur.»
Le Veveysan a désormais repris le cours de sa vie, comme tous les sauveteurs une fois de retour à la vie civile. Sa première nuit a été sans rêves, c’est certainement à cause des neuf heures d’intervention qui l’ont usé. Depuis, des flashs lui reviennent dans son sommeil. «Nous avons dû insister pour avoir une aide psychologique. Tout est prévu pour les corps professionnels et pour les proches des victimes. Mais pas pour les miliciens.»
* prénom fictif
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Les victimes identifiées
Les six victimes du crash du monomoteur survenu samedi à Tatroz ont été identifiées, a communiqué mardi la police. A bord de l’avion, un homme né le 28 avril 1952, domicilié dans le canton de Vaud. Avec lui, son fils né le 29 avril 1983 et sa compagne, âgée de 35 ans. La fille (1974) du sexagénaire compte parmi les victimes avec son mari, âgé de 40 ans. Le couple était domicilié à Tatroz. Le pilote, domicilié non loin de là, dans le canton de Vaud, allait, lui, fêter ses 42 ans. Une enquête du Service d’enquête suisse sur les accidents tente d’établir les causes de l’accident. Un dernier hommage commun aux six victimes aura lieu vendredi, à 14 h, en l’église d’Attalens. LG
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