PAR JERÔME GACHET
Sur le chemin des Crêts, à Bulle, on passe d’une grue à l’autre. Après une série imposante d’immeubles locatifs en construction, c’est bien évidemment le chantier d’UCB Farchim qui est le plus impressionnant. Commencés il y a deux mois, les travaux de terrassement vont désormais faire place à la construction de nouveaux bâtiments d’une superficie totale de 20000 m2.
UCB, société biopharmaceutique belge qui affichait un chiffre d’affaires de 3,2 milliards d’euros en 2010, a choisi Bulle pour implanter sa nouvelle unité de production. But de l’opération: fabriquer le Cimzia, un médicament permettant de traiter les symptômes de la maladie de Crohn et de la polyarthrite rhumatoïde. Un projet estimé à plus de 300 millions de francs et qui devrait créer entre 120 et 140 emplois. Ils s’ajouteraient aux 200 existants.
Directeur du site de Bulle et vice-président d’UCB Farchim, Amer Jaber a d’ailleurs annoncé que le recrutement commencerait en juin. Du moins pour une partie, puisque l’usine ne devrait être pleinement opérationnelle qu’en 2015.
Hier, Roch Doliveux, le CEO d’UCB, était présent à Bulle pour poser la première pierre du nouveau complexe en compagnie de différentes personnalités du groupe belge et des autorités locales. Nous en avons profité pour lui poser quelques questions.
Quelle est la place de Bulle dans l’univers d’UCB?
Roch Doliveux: Nous comptons deux grands sites de production: un en Belgique, près de Bruxelles, l’autre à Bulle. Ce dernier sera d’ailleurs le plus grand d’entre eux. C’est donc un centre stratégique fondamental pour nous.
Vous espérez que le Cimzia, votre médicament phare, générera des ventes pour 1,5 milliard d’euros…
Au moins. Le Cimzia s’adresse à des maladies graves du système immunitaire, telle que la polyarthrite rhumatoïde qui concerne 1% de la population. Nous venons d’obtenir des résultats cliniques positifs pour la spondylarthrite ankylosante qui touche, elle, 0,7% des individus. Le chiffre de 1,5 milliard d’euros est donc lié au nombre de malades dont on espère qu’ils pourront bénéficier du Cimzia. Ce médicament offre de belles perspectives.
L’avenir d’une société biopharmaceutique dépend des brevets. Dès qu’ils expirent, la demande diminue. Que se passera-t-il pour le site de Bulle quand le brevet du Cimzia arrivera à terme…
C’est une bonne question, même si l’on parle d’un horizon se situant entre 2023 et 2027. Nous avons dès lors besoin d’un pipeline de nouveaux médicaments de biotechnologies que nous pourrons produire ici. Ce pipeline, nous l’avons. UCB est même un des groupes les plus riches en la matière en tenant compte de notre taille.
Ces données offrent donc de belles perspectives d’avenir pour le site de Bulle?
Oui. Dans ce secteur, nous travaillons sur le long terme. De la découverte à la rentabilité d’un médicament, il faut compter vingt ans.
Pourquoi avoir choisi Bulle plutôt qu’un autre endroit pour créer ce centre de production?
Nous avons analysé la situation de manière objective, en étudiant d’autres variantes dans différents pays européens. Comme nous travaillons sur le long terme, notre principal critère est la stabilité. Depuis quinze ans que nous sommes ici, nous entretenons d’excellentes relations avec la commune de Bulle, le canton de Fribourg et la Confédération. Il y a aussi les mesures d’accompagnement fiscales et la qualité de ce qui se fait ici. Bulle affiche en effet la deuxième meilleure productivité du groupe.
Malgré la cherté du franc et des salaires plus élevés qu’ailleurs?
Oui, cela est compensé par la capacité à produire juste. La qualité est tip top!
Comment se porte UCB avec la crise actuelle et peu de temps après les importantes restructurations que vous avez effectuées?
Nous ne sommes bien sûr pas insensibles à la crise, mais la problématique des brevets est la plus importante pour nous. En se focalisant sur les maladies graves, nous avons par exemple réussi à obtenir un nouveau médicament contre l’épilepsie en pleine crise grecque. En 2008 et en 2009, nous avons traversé une période difficile en raison de l’expiration de plusieurs brevets. Nous avons perdu un milliard d’euros de profit opérationnel qu’il a fallu absorber. Mais c’est désormais du passé. Dès la fin de cette année, nous entrons dans une période de croissance durable. Je ne vous cache pas que c’est plus agréable de parler d’expansion et de construction que de restructurations.
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