Une Fribourgeoise récompensée à Paris

| sam, 07. jui. 2012
Valérie Baeriswyl a photographié une jeune femme convertie à l'islam
La Fribourgeoise Valérie Baeriswyl a récemment décroché le Grand Prix de photoreportage étudiant de «Paris-Match». Installée à Paris, cette jeune Broyarde a été récompensée pour un travail sur les conversions religieuses.

PAR GILLES DE DIESBACH

Dans une cuisine vétuste, une jeune femme voilée, de dos sur l’image, partage un moment d’intimité avec son mari. Autre ambiance, autre photographie: la voilà agenouillée sur son tapis de prière, ses mains cachent son visage. L’image est franche, beaucoup de piété s’en dégage. Une certaine confusion surgit soudain chez l’Occidental qui découvre le reportage réalisé par Valérie Baeriswyl, photographe indépendante fribourgeoise, qui a grandi à Saint-Aubin. Son modèle est une jeune femme blanche de peau. Elle s’est convertie à l’islam depuis son mariage. Par choix, elle porte le hijab.
Grâce à ce projet de photojournalisme, Valérie Baeriswyl (née en 1984) a gagné le Grand Prix de photoreportage étudiant, décerné par Paris-Match le 30 juin. Plus que la récompense de 5000 euros, c’est une fabuleuse reconnaissance pour cette jeune femme qui s’est lancée dans la photographie «parce qu’elle l’avait dans la peau».
La symbiose est instantanée, lorsque, à dix ans, elle s’achète son premier appareil, après avoir gagné de l’argent en aidant ses grands-parents à tenir une buvette à Portalban. A l’école secondaire, «tous mes copains sont passés sous mon objectif», en rit-elle encore. Deux ans plus tard, elle commence à travailler pour Tips, le journal communal de Saint-Aubin. Elle en deviendra même la rédactrice en chef.
Valérie Baeriswyl a bien sûr réfléchi à commencer l’Ecole supérieure d’arts appliqués de Vevey, dont la formation de photographe est reconnue. Trop jeune pour s’y inscrire, elle prend une tout autre direction, et passe son CFC d’assistante en information documentaire à la Bibliothèque cantonale et universitaire de Fribourg.
Elle ne lâche pas pour autant ses appareils. Après un périple en Amérique du Sud, elle commence à dévoiler ses images dans des expositions, qu’elle organise à droite et à gauche. Avec le recul, elle se souvient: «Je n’avais pas encore de fil rouge dans ce que je faisais. Ce que j’étais jeune!»
Question de légitimité
Cette envie de donner plus de profondeur à ses projets lui est longtemps restée en tête. Partie s’installer à Lausanne, elle occupe un poste de responsable dans une bibliothèque, qui ne l’épanouit pas. Elle décide alors de se consacrer corps et âme à la photographie.
Ses services sont plusieurs fois requis par des journaux ou des agences de publicité.
Elle couvre des mariages et réalise des portraits sur demande, s’installe en tant qu’indépendante sur la place romande. Cependant, «je me sentais un peu comme si j'avais pris la place de quelqu'un d’autre, explique-t-elle. J’avais besoin de légitimer mon activité.» Elle prend alors le risque de tout arrêter, pour se former.
Ni une ni deux, Valérie Baeriswyl se propulse à Paris, où elle s’inscrit à l’Ecole des métiers de l’information (EMI) pour suivre des cours de photojournalisme durant une année. Elle apprend à structurer ses sujets, à les anticiper en préparant des synopsis. Pourtant habituée aux nouvelles technologies, elle se familiarise avec des outils de diffusion dont elle ne soupçonnait même pas l’existence.
En plein dans l’actualité
Toutes ses démarches, elle les a entreprises en sachant pertinemment que le métier de photographe est en crise, celui de photoreporter  encore plus. «Le marché est saturé. Il faut être meilleur que les autres», constate-t-elle. Valérie Baeriswyl est une tête brûlée. Alors qu’elle avait déjà commencé à travailler sur les conversions religieuses dans un couple, un de ses camarades de classe lui parle du concours de Paris-Match. Elle s’y inscrit. «Quand j’en ai parlé à mon professeur, il m’a dit de foncer.» Son idée de base ne s’arrêtait alors pas seulement à l’islam. Elle voulait dresser un portrait de ce phénomène en photographiant quatre personnes de religions différentes. Elle a d’ailleurs déjà réalisé les clichés d’un bouddhiste et d’un protestant, et ne cherche plus qu’un converti au judaïsme.
«C’est une pente glissante que d’aborder le sujet d’une chrétienne qui devient musulmane», dit-elle. D’ailleurs, son travail a provoqué quelques commentaires, notamment de la part de féministes. Mais la Fribourgeoise n’y accorde que peu d’importance. «Elles font un amalgame. Mon sujet, c’est la conversion. Que mon modèle porte le voile ou pas, ça ne change rien!»
Se sentir proche
C’est là justement que s’immisce un trouble pour celui qui n’est pas accoutumé à la culture musulmane: il se dégage des images un sentiment inéluctable de bonheur. La femme a l’air heureuse et épanouie. «C’est son choix et elle le vit pleinement», constate Valérie Baeriswyl.
«Lorsque je travaille, j’aime me sentir proche des gens.» Elle qui déteste le manque de loyauté a réussi, avec son premier vrai reportage, à toucher juste. «Tout le monde peut faire une belle photo. Faire un reportage, c'est une autre affaire.»
Prendre la balle au bond
Lorsqu’elle a entendu son nom à la remise des prix, elle n’y croyait pas. «Je suis partie perdante et me suis retrouvée tout émotionnée.» En plus de l’apport financier, ses photographies paraîtront dans le prochain Paris-Match. Grâce à elle, son école reçoit également une somme pour soutenir un projet pédagogique. «C’est un beau tremplin», avoue la Broyarde, tout en admettant qu’elle sera attendue au tournant.
Même si «la concurrence est rude à Paris», Valérie Baeriswyl pense y rester encore quelques années. De quoi essayer de faire carrière, «dans une profession qui l’habite».

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