PAR VALENTIN CASTELLA
Le 8 juillet 2009, Markus Liebherr déposait la somme de 22 millions pour acquérir le club de Southampton, alors engagé en troisième division anglaise. Pratiquement une année plus tard, le Bullois décédait d’une maladie. Le Gruérien a donc «gouverné» ce club durant treize mois seulement. Un passage éclair, mais ô combien remarqué, le Gruérien étant parvenu à reconstruire une institution en perdition qui va fêter, demain à 17 h, son retour en Premier League face au champion en titre Manchester City.
Lors de son investissement initial, Markus Liebherr espérait un tel dénouement. Il l’avait d’ailleurs confié dans ses colonnes en disant: «Southampton doit retrouver sa place dans l’élite du football anglais, mais sans brûler les étapes.» En 2009, son défi paraissait fou, voire utopique, tant le club semblait courir en vain après un passé plus ou moins glorieux (vainqueur de la Cup en 1976). En effet, les Saints, comme on les surnomme, avaient été rétrogradés en troisième division en raison de la mise sous contrôle judiciaire de la compagnie propriétaire. En cause: d'importantes difficultés financières. Une situation due principalement à la construction du nouveau stade de 32000 places inauguré en 2001 et trop peu souvent rempli après la relégation en deuxième division (2005).
Une empreinte indélébile
L’horizon semblait donc bien sombre pour l’homme d’affaires, qui n’avait, jusque-là, jamais investi dans le football. Sauf qu’aujourd’hui, le nom de Markus Liebherr est source d’une immense sympathie dans le sud de l’Angleterre. Une petite année lui a suffi pour laisser une empreinte indélébile dans l’histoire du Southampton FC, fondé en 1885. Responsable de la rubrique sportive du journal local Southern Daily Echo, Adam Leitch confirme: «Markus Liebherr n’est finalement pas resté longtemps à la présidence. Mais il a eu un impact énorme dans l’histoire du club.» Dans une interview, le joueur Français Morgan Schneiderlin confirme: «On a eu un nouveau président et tout a changé.»
Comment le Bullois a-t-il donc fait pour parvenir à sortir le club de sa torpeur et l’amener, trois ans plus tard, au sommet de la hiérarchie? «Comme tous les repreneurs, il a investi une certaine somme à son arrivée, reprend Adam Leitch. Mais il s’est également entouré de personnes très compétentes, qui avaient la même vision que lui. Soit progresser petit à petit, sans faire de folie. Il a recruté des éléments capables de jouer les premiers rôles en troisième et
ensuite en deuxième division.» De plus, les dirigeants ont su conserver un noyau dur dans cette équipe, à l’image du buteur vedette Rickie Lambert ou du milieu de terrain Morgan Schneiderlin, présents lors de chaque promotion.
Une méthode qui a fait ses preuves et qui est même citée en exemple de l’autre côté de la manche. En février 2010, le journal The Guardian avait publié un article concernant Markus Liebherr avec le titre suivant: «Le sauveur de Southampton devrait inspirer Portsmouth (n.d.l.r.: le club rival également en difficultés financières).»
Sur le long terme
En plus d’avoir permis à l’équipe fanion de retrouver les projecteurs de la Premier League, l’investisseur helvétique n’a pas négligé le long terme: «Il avait à cœur que les structures du club soient également solides», commente Adam Leitch. Par structures, le journaliste britannique englobe également le centre de formation, qui a toujours été réputé. En effet, des joueurs comme Theo Walcott, Gareth Bale ou la nouvelle pépite d’Arsenal Alex Oxlade-Chamberlain ont tous fait leurs premières armes dans le sud de l’Angleterre.
Aujourd’hui, même si «les Liebherr sont, comme toujours, restés très discrets sur le sujet» selon le journaliste, la famille helvétique semble toujours liée aux Saints. En effet, elle a assuré au club qu’il ne devrait pas rembourser une certaine somme investie par l’ancien propriétaire: «Un cadeau de 33 millions» selon le journal The Sun.
En juillet 2009, lorsqu’il avait répondu à la question: «Pourquoi avoir investi à Southampton?» Markus Liebherr nous avait confié: «Le club se trouve en grandes difficultés. J’ai donc profité de l’occasion pour reprendre une équipe qui s’appuie sur un passé et de fidèles supporters. C’était une opportunité à ne pas manquer, car j’ai beaucoup moins investi que si j’avais repris un club en bonne santé.» Il y a quatre ans, le pari paraissait plutôt osé. Mais l’homme d’affaires savait certainement ce qu’il faisait. En 2010, l’ancien directeur général de la BBC Greg Dyke avait d’ailleurs affirmé que «l'achat de Southampton avait été la meilleure affaire dans le football anglais de ces dernières années». Comme quoi un repreneur peut allier succès sportif et affaires financières, tout en passant pour le sauveur de toute une région.
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«Une immense affection»
«Pour tout ce qu’il a fait pour les Saints, nous serons toujours reconnaissants envers Markus Liebherr. Il a sauvé Southampton et il nous a permis de continuer à rêver.» Depuis le décès du Bullois en 2010, de nombreux messages de cet acabit garnissent le site internet du club de Southampton. Des supporters l’ont même surnommé «saint Markus». Autant de mots de sympathie qui confirment l’incroyable cote du Bullois de l’autre côté de la Manche. «S’il n’avait pas investi, le club aurait certainement disparu du football d’élite, analyse Adam Leitch. Il peut donc être considéré comme notre sauveur et il est logique que les supporters apprécient ce personnage. Est-ce qu’un autre homme d’affaires aurait pu reprendre le club s’il n’avait pas été là? On ne le saura jamais. Mais il y aurait eu peu de chance que cela se passe de manière aussi positive.»
Aujourd’hui, une compétition porte même son nom. En juillet dernier, c’est Arsenal qui a remporté la Memorial Markus Liebherr Cup. «Les supporters ont beaucoup apprécié son attitude, très discrète. Et, depuis son arrivée, l’équipe a toujours connu le succès.» Le journaliste poursuit: «Dans la ville, il bénéficie encore d’une immense affection. Les supporters se souviendront toujours de son visage souriant lorsque le club avait gagné le Johnstone’s Paint Trophy (n.d.l.r.: une Coupe réservée aux équipes de troisième et quatrième divisions). Il était heureux avec son écharpe et saluait les spectateurs (voir photo ci-contre). C’est cette image que les supporters conservent de lui. Un homme discret et efficace.»
Après plusieurs saisons couronnées de succès, les Saints feront, cette fois, face à un nouveau défi ô combien difficile: celui de s’installer définitivement en Premier League, l’un des championnats les plus réputés de la planète football. Ils seront d’ailleurs tout de suite plongés dans le grand bain demain en allant défier le champion en titre Manchester City. «Les supporters seraient déjà ravis que l’équipe puisse éviter la relégation. Mais, comme d’habitude depuis l’arrivée de Markus Liebherr, elle va essayer de viser le plus haut possible.» VAC
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